Les murmures de la maison endormie

📖 Chapitre 3 – Les Murmures de la Maison Endormie

La vieille maison se dressait à l’orée du village, légèrement penchée comme si elle supportait mal le poids des années. Pour Éloïse, c’était plus qu’un toit : c’était un mausolée de souvenirs, un livre silencieux dont chaque craquement de bois racontait une histoire oubliée.

Ce soir-là, le vent s’était engouffré par les fenêtres mal calfeutrées, faisant claquer les volets comme des ailes d’oiseau. Éloïse, assise au pied de l’escalier, tenait dans ses mains le pendentif que sa mère lui avait laissé.

— Pourquoi l’avoir fait… maman ? Pourquoi m’avoir laissée avec toutes ces questions ? murmura-t-elle, ses yeux brillants de larmes.

La pierre vibra légèrement sous ses doigts, comme en réponse. Éloïse fronça les sourcils. Depuis quelques jours, elle avait l’impression que le collier respirait. Comme un cœur qui battait faiblement, au rythme du sien.

Elle secoua la tête et monta à l’étage. Sa grand-mère l’attendait dans sa chambre, assise sur un fauteuil, les mains jointes. Ses yeux clairs, voilés par l’âge, avaient encore la force de percer les secrets.

— Tu étais encore dehors, Éloïse ? À cette heure ? La forêt n’est pas un endroit pour les jeunes filles rêveuses.

Éloïse esquissa un sourire fatigué.

— Je n’arrive pas à dormir. J’ai… comme l’impression qu’on m’appelle, là-bas.

Un silence lourd s’installa. Sa grand-mère ne répondit pas immédiatement. Elle soupira seulement et tendit la main vers elle.

— Approche.

Éloïse s’exécuta. Les doigts ridés se posèrent sur le pendentif. Un frisson parcourut son échine.

— Ce collier n’est pas qu’un bijou, ma chérie. C’est un lien. Ta mère… elle n’aurait jamais dû te le donner si tôt.

Éloïse écarquilla les yeux.

— Un lien ? Avec quoi ?

Les lèvres de la vieille femme tremblèrent. Elle hésita, puis détourna le regard vers la fenêtre où la lune se levait.

— Avec un serment… que tu n’es pas encore prête à comprendre.

Éloïse serra le collier contre sa poitrine.

— Tu veux dire que maman savait ? Qu’elle… connaissait ce qui me hante ?

La grand-mère ferma les yeux.

— Les femmes de notre lignée portent des fardeaux que le reste du monde ne peut voir. Ce que tu ressens n’est pas un hasard. Quelqu’un… ou quelque chose… s’approche de toi.

Éloïse eut un frisson.

— Mais qui ?

La vieille femme rouvrit les yeux, soudain humides.

— Je ne peux pas te le dire. Tout ce que je peux… c’est t’avertir. Quand le moment viendra, tu devras choisir. Et ce choix brisera forcément quelque chose en toi.

Éloïse détourna le regard, le cœur battant.

— Alors je suis condamnée…

Un léger sourire triste étira les lèvres de sa grand-mère.

— Non, ma douce. Tu es destinée.

Éloïse resta silencieuse. Le mot résonna dans son esprit comme une sentence. Destinée. Mais à quoi ? À qui ?

Cette nuit-là, en s’allongeant sur son lit, elle fixa longuement le plafond, les mains serrées sur le pendentif. Elle aurait aimé rêver d’autre chose que de forêts embrumées et de silhouettes cachées. Mais encore une fois, son sommeil la plongea dans un monde d’ombres mouvantes, où des yeux brillants l’observaient depuis les ténèbres.

Et dans son rêve, une voix grave résonna, chaude et inquiétante à la fois :

— Bientôt.

***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***