Mais ce n’était pas un de ces rêves flous qui s’évanouissent au réveil comme la buée sur une vitre. Non.
Celui-là, je l’ai senti. Comme un poison lent. Il reste encore quelque part dans mon crâne, tapi, froid.
D’abord, un cirque. Vieux, délabré, sous la pluie.
Le genre d’endroit qu’on imagine abandonné depuis des siècles, avec des rires d’enfants qui résonnent encore entre les toiles trouées.
Les lumières clignotaient dans le noir comme des avertissements, et la grande roue ne tournait plus.
Mais ce n’était pas le silence qui me mettait mal à l’aise… c’était l’attente. Quelque chose m’attendait là.
Puis, j’étais dans la forêt. La brume était lourde, presque vivante.
Un homme grand, bien trop grand pour être réel, tenait la main d’une petite fille.
N’avait pas de visage. Mais je sentais son regard. Vide. Froid. Infiniment vieux.
Et pourtant… doux avec elle. Comme si ce n’était qu’à moi qu’il voulait du mal.
Enfin, il y avait ces visages. Des dizaines, peut-être des centaines.
Aux orbites noires, béantes. Leurs mains s’accrochaient à moi, comme s’ils voulaient me retenir.
Ou m’emmener quelque part. Ils ne parlaient pas. Mais je les entendais hurler.
Je me suis réveillée en sueur, le souffle court, les draps trempés.
Il m’a fallu plusieurs minutes pour me convaincre que je n’étais pas encore là-bas.
Je suis humaine. Une simple humaine.
Et dans ce monde, c’est presque une insulte.
Je suis partie au travail comme tous les matins.
Je travaille pour une entreprise qui s’occupe de repérer, classer et “recruter” les créatures fantastiques selon leur potentiel.
Un système bien rodé : plus tu es ancien, plus tu es puissant, plus tu as de valeur.
Les hybrides enfants d’union entre humain et créature sont très recherchés.
Ils ont les pouvoirs, mais aussi la docilité humaine. Parfaits pour les postes de direction.
Et nous, les humains ? On fait tourner la machine. Sans gloire. Sans reconnaissance.
J’ai été accueillie comme toujours par Mila, ma collègue et meilleure (seule ?) amie.
Mi-sorcière, mi-humaine, c’est une beauté étrange : peau pâle de nature, cheveux blancs courts, yeux d’un bleu presque surnaturel.
Elle s’habille toujours trop légèrement pour un bureau, mais personne n’ose lui dire quoi que ce soit. Trop belle. Trop puissante.
Mila
Regarde ça, j’ai encore amélioré mon sort de bronzage !
Elle souriait, poitrine presque à l’air, avec une fierté enfantine.
Mila
Et on va avoir un nouveau partenaire commercial aujourd’hui. Paraît que c’est une créature de haut rang. Même le chef s’est mis sur son trente-et-un. Bon, j’te laisse, j’ai une réunion avec les alchimistes de R&D.
Elle est partie, me laissant seule à mon poste, au fond du couloir.
C’est là que je l’ai entendu.
? ? ?
Excusez-moi… Où se trouve le bureau du chef ?
Je n’ai même pas levé les yeux tout de suite. Juste tendu le doigt en direction de l’aile est.
Mais quand mon regard a fini par remonter… j’ai vu quelque chose.
Pas son visage.
Mais un œil. Rouge. Sanglant. Unique. Il n’était pas là, pas vraiment. C’était comme un écho dans ma tête, une vision superposée.
Un œil gigantesque, inhumain, qui me regardait. Qui me voyait.
Ma gorge s’est serrée. Mon souffle s’est coupé.
J’ai chuté, mes jambes incapables de me porter. J’étouffais. Comme si cet œil essayait de me vider de moi-même.
Il m’a suffi d’un seul regard vers lui, l’homme, pour comprendre : ce n’était pas un simple partenaire commercial.
C’était un démon.
Et il m’a souri.
Ce n’était pas un sourire humain. C’était quelque chose d’autre. Une grimace ancienne, pleine de souvenirs de feu et de chaos.
Je crois que j’ai murmuré quelque chose. Peut-être juste un mot.
Démon…
Comments
Lisa
😃 good
2025-08-07
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