🌑 Chapitre IV — L’Éclat dans la Brèche
Le matin s’était levé sans prévenir.
Un de ces matins pâles, sans chaleur ni couleur, où même le soleil semble trop pudique pour frapper à la vitre.
Élia était restée allongée là, sur la toile inachevée, encore empreinte de la nuit passée.
Naël n’avait pas dit un mot en partant. Il avait juste posé ses lèvres sur son poignet, comme une signature muette, un pacte silencieux.
Mais à présent, dans le froid de l’absence, les doutes rampèrent en elle comme ses ombres lorsqu’elles s’échappent de son contrôle.
Était-ce réel ?
Ou était-ce un moment volé au vide ?
Elle se leva lentement. Une ombre glissa sur le mur, nerveuse, agitée. Elle la regarda du coin de l’œil — même ses créations semblaient inquiètes.
Dans la cour, elle l’aperçut.
Naël. Assis sous le saule solitaire du parc central, le regard perdu dans la brume.
Il n’écrivait pas.
Il ne lisait pas.
Il fuyait quelque chose. Peut-être elle. Peut-être lui-même.
Elle descendit. Pieds fermes, cœur fragile.
"Tu regrettes ?"
Sa voix fendit l’air comme une lame de soie.
Il sursauta à peine. Puis se leva.
"Je n’ai pas le luxe de regretter. Mais j’ai celui de douter."
Elle s’approcha, le regard droit.
"Moi, je ne doute pas. Ce qu’on a partagé... ce n’était pas une erreur."
"Alors pourquoi est-ce que j’ai l’impression d’avoir ouvert une porte qu’on ne pourra plus refermer ?"
Élia serra les poings.
"Parce que tu as peur d’exister ailleurs qu’en observateur. Tu n’écris plus, Naël. Tu vis. Et ça te terrifie."
Il baissa les yeux. Touché. Viscéralement.
"Tu ne comprends pas. Ce n’est pas toi que je crains. C’est ce que je deviens avec toi."
Elle posa ses deux mains sur son torse.
"Tu deviens vivant."
Un long silence. Puis un mouvement au loin. Une silhouette féminine.
Tallie. Élève de sculpture. Belle, froide, toujours un regard acéré pour Naël.
Elle s’approcha lentement, posa une main sur son épaule.
"Je te cherchais. On a besoin de toi pour la répétition de la scène finale. Tu te souviens ? La pièce que toi et moi avons écrite ensemble…"
Élia sentit son ventre se tordre.
Naël se figea.
"C’était... avant," murmura-t-il.
"Avant quoi ? Avant qu’une fille vienne jouer avec tes nerfs ?"
Les ombres d’Élia se crispèrent. L’air devint plus dense.
Naël recula. Tallie sourit.
"Oh. Tu ne lui as pas dit ? Que tu étais à moi... avant d’être sien ?"
Le monde chancela. Les murs invisibles qu’Élia avait bâtis se fissurèrent.
Naël voulut parler. Mais il était trop tard. L’ombre d’Élia s’était retirée. Elle aussi.
Elle s’en alla sans se retourner, laissant derrière elle deux cœurs, un mensonge, et un silence déchirant.
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