La Rage De Cassidy
Tu n’aurais jamais dû faire ça. Je te prenais pour mon ami. Tu étais pour moi le père que je rêvais d’avoir. Mais, en une nuit, tu as tout détruit. Tu m’avais promis un refuge, un endroit où personne ne me ferait du mal.
Comment aie-je pu être assez naïf pour y croire? Comment j’ai pu t’accorder ma confiance? Pourquoi suis-je tombé dans le panneau? J’ai toujours été si méfiant envers les adultes. Qu’est-ce qui me paraissait si différent chez toi? Où étaient donc les signes avant-coureurs? Est-ce que je t’aimais tellement que je suis devenu aveugle? As-tu toujours été aussi mauvais?
Toutes ces questions me hantent depuis cette funeste nuit. Depuis que je t’ai suivi sans résistance quand tu es venu m’enlever chez moi sans même que je ne m’en rende compte.
Tu as brisé la fenêtre avec une pierre quand il y a eu un bruit de fusillade dans le film que mon frère écoutait dans le salon. Tu m’as fait signe de sortir sans aucun bruit. C’est à peine si j’ai cligné des yeux en te voyant dans ton costume de lapin jaune que tu mets lors des spectacles en extérieur pour attirer plus de clients à la pizzeria. J’ai été assez con pour me dire que tu étais venu me voir juste après ton travail parce que tu savais que mon père allait encore revenir complètement saoul du bar. Je pensais sincèrement que tu en avais quelque chose à faire de ma protection et que tu voulais éviter que je me fasse battre comme plâtre au moins une nuit.
Mais ça n’a jamais été ça qui t’es venu à l’esprit, pas vrai?
Non.
Ce que tu voulais, c’était me garder pour toi. Me faire du mal de tes propres mains. Tu ne pensais qu’à mettre fin à ma vie toi-même avant qu’un autre ne le fasse.
Je me souviens de chaque coup que tu m’as porté. De chaque douleur que tu as provoqué en moi. De chaque humiliation que tu m’as fait subir. De chacun de tes rires sadiques. De tes yeux pétillants de joie alors que je souffrais tant sous tes mains.
Après un certain temps, je ne sentais plus rien. Mon corps ne tressautait même plus quand tu faisais tout pour me blesser. C’est à ce moment que tu as enfin cessé de t’acharner sur moi. Une fois que mon être tout entier ait fini désarticulé. De moi, il ne restait plus qu’une masse de chair sanguinolente dont les membres formaient des angles normalement impossibles. Je ne ressemblais plus à rien. Personne n’aurait pu regarder ton œuvre et dire «Oui, c’est Cassidy. Le fils du saoulon Irlandais!», pas même mon père, pas même mon frère et encore moins ma mère! Je le sais parce que tu t’es amusé à me mettre un miroir sous les yeux pour me montrer ce que tu avais fait de moi.
J’ai cru que c’était enfin terminé, que j’allais pouvoir mourir, quand tu as cessé de me faire du mal. Sauf que c’était trop beau pour être vrai. J’ignore comment tu as réussi cet exploit mais, même si je suis mort dans cette pièce que je ne connaissais pas avant que tu ne m’y entraînes, je suis toujours vivant. Mon corps n’est plus. Mon esprit, lui, est toujours là, enfermé dans cet animal métallique que j’aimais tant. Je vois par les caméras qui lui servent d’yeux. Je parle de sa voix robotique. Je bouge les circuits qui me composent désormais pour me déplacer. Mais ça ne veut pas dire que je ne ressens plus mon être original…
Tu m’as fourré à l’intérieur de cette mascotte qui a fait la renommée de ton restaurant. Mon corps y est enfermé depuis tout ce temps sans pouvoir en sortir. Je me suis senti pourrir dans ma cage de métal jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des os brisés.
Tout ceci s’est gravé en moi à tout jamais. Ce que tu m’as fait. Ce que tu as fait à ces autres enfants. Les recherches dans le restaurant sans que personne ne pense jamais à regarder à l’intérieur des robots. Le fait qu’aucun d’entre nous n’était suffisamment conscients en journée pour attirer votre attention sur nous, nous forçant qu’à n’être de simples spectateurs de vos fouilles minutieuses pour nous trouver et de l’espoir que vous aviez d’y parvenir qui s’amenuisait de plus en plus. Du jour où vous avez finalement abandonné tout espoir. Du fait qu’il a fallu attendre une semaine complète avant que mes parents avouent enfin à la police que j’avais disparu. Et encore, je crois que vous ne l’avez fait que parce que quatre autres enfants étaient portés disparus.
Seul mon frère a vraiment essayé de me retrouver, de me ramener à la maison, de me venger. Je le sais parce qu’il est entré dans ce restaurant des horreurs une nuit et qu’il a tout mis à sac pour trouver une piste. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé ensuite parce qu’il n’est plus jamais revenu. J’espère sincèrement qu’il va bien même si j’ai peu d’espoir. Les autres enfants et moi sommes devenus des esprits vengeurs. Il suffit que l’un d’entre nous l’ait coincé dans un coin pour avoir mis fin à sa vie.
Mais si les autres ne se rappellent pas qui les a assassinés, ce n’est pas mon cas. C’est pourquoi j’attends ton retour avec impatience. J’attends que l’heure de la vengeance sonne pour moi. Ce jour-là, je ne te laisserai pas m’échapper. Je vais te traquer comme on traque une bête. Je vais mettre fin à ta vie de façon encore plus violente que tu ne l’as fait avec moi.
Tu aurais dû le savoir que me tuer était une mauvaise idée. Tu dois connaître les statistiques. Les enfants battus, si personne ne leur vient en aide, deviennent encore plus dangereux que leur bourreau. Tiens-toi prêt, j’arrive! Je ne ferai pas de quartier, après tout tu ne m’as laissé aucune chance.
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