Glissement

PDV : Ethan

Je n’ai jamais aimé perdre le contrôle. C’est une règle, une loi silencieuse qui régit ma vie depuis l’adolescence. L’ordre, la structure, l’efficacité. Et pourtant, depuis deux jours, tout cela se fissure. À cause d’elle.

Lila.

Depuis qu’elle a annoncé sa démission, tout ce que je croyais stable vacille. Sa façon de me parler a changé. Elle se tient différemment. Elle me regarde comme si elle savait des choses sur moi que j’ignore moi-même.

Je croyais que j’étais celui qui dirigeait. Mais j’ai l’impression d’être pris à mon propre piège.

Ce matin encore, elle est arrivée vêtue d’un tailleur beaucoup trop élégant pour une simple assistante. Ses cheveux attachés avec une précision chirurgicale, ses lèvres soulignées d’un rouge sombre. Elle est entrée dans mon bureau sans frapper.

— Vous avez une minute ?

— Ça dépend pour quoi, ai-je répondu sans lever les yeux.

Mais je l’ai sentie s’approcher. Et lorsqu’elle a posé le dossier sur mon bureau, elle s’est penchée plus que nécessaire.

— Le contrat avec Horizon Tech. Il y avait une clause que vous avez mal interprétée. J’ai corrigé.

J’ai finalement levé les yeux. Elle me fixait, droite, confiante, dangereusement calme.

— Vous êtes venue pour me corriger, donc ?

— C’est mon travail, non ?

Un silence.

Puis elle a souri.

PDV : Lila

Le voir tendu m’excitait. Il était si prévisible jusqu’ici. Mais maintenant, je le sens inquiet, troublé. Il essaie de dissimuler son trouble derrière sa rigidité. Mais je le vois. Je le vois vraiment.

Quand je me suis penchée pour déposer le contrat, j’ai senti son regard effleurer ma poitrine, puis s’en détourner avec une culpabilité presque enfantine. Intéressant.

— Il ne vous reste plus que deux semaines ici, ai-je dit en replaçant une mèche derrière mon oreille. Vous allez me manquer, Monsieur Blake ?

Il n’a pas répondu. Bien sûr qu’il ne l’avouerait pas.

Mais ses pupilles dilatées, son silence, la crispation de sa mâchoire, tout me disait “oui”.

Et c’était délicieux.

Je suis sortie sans ajouter un mot. Il avait besoin de temps. De comprendre qu’il ne m’avait jamais possédée. Que je l’avais toujours laissé croire qu’il avait le contrôle, alors que j’observais, que je notais chaque faiblesse, chaque hésitation.

Maintenant, c’est moi qui mène la danse.

PDV : Ethan

Je suis resté seul dans le bureau pendant un long moment après son départ. L’odeur de son parfum flottait encore dans l’air. Et je détestais l’effet que ça avait sur moi.

J’ai essayé de reprendre le travail, mais mes yeux se sont arrêtés sur le dossier qu’elle avait déposé. Elle avait raison. J’avais effectivement mal interprété la clause. Elle venait de me sauver d’un litige juridique majeur.

Encore.

C’est comme si, même en partant, elle continuait de me prouver que personne ne pouvait la remplacer.

Je suis allé à la fenêtre. De là, je la voyais à son bureau, en train de parler à un autre collaborateur. Elle riait. Un rire que je n’avais jamais entendu. Un peu trop naturel. Un peu trop libre.

Ça m’a frappé. Ce n’était pas moi qu’elle fuyait. C’était l’image que j’avais imposée d’elle pendant trois ans. Et maintenant qu’elle s’en affranchissait, je comprenais enfin : elle n’était pas docile. Elle avait simplement attendu le bon moment pour se libérer.

Et le pire, c’est que cette version d’elle… me plaisait encore plus.

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