chapitre 2

Il n’avait pas l’habitude que quelque chose – ou plutôt quelqu’un – vienne chambouler son équilibre. Jungkook était ce genre de personne qui préférait garder le contrôle, avancer à son rythme, sans brusquer les choses. Mais là… c’était différent.

Depuis cette rencontre, il se surprenait à penser à lui plus souvent qu’il ne l’aurait voulu. Un détail, un geste, un regard… Tout restait gravé, comme si son esprit refusait d’oublier. C’était étrange. Et ça l’agaçait presque.

Pourquoi est-ce que son cœur accélérait rien qu’en revoyant son sourire en mémoire ? Pourquoi est-ce que ses pensées dérivaient vers lui au milieu d’un entraînement ? Il avait beau essayer de rationaliser, il savait bien que certaines choses échappaient à toute logique.

Mais il avait aussi peur. Peur de ce que ça signifiait. Peur de se perdre dans quelque chose qu’il n’avait jamais vraiment laissé entrer.

Il soupira. Peut-être qu’au fond, ce n’était pas si grave de se laisser un peu bousculer…

Alors qu'il était plongé dans ses pensées, perdu entre les souvenirs de cette rencontre et les questions qui le tourmentaient, la voix de son père le tira brutalement de ses rêveries.

— Jungkook, tu as une minute ?

Il releva la tête, un peu surpris. Son père n'était pas du genre à venir le voir sans raison. Ça sentait la conversation sérieuse.

— Oui, bien sûr, qu'est-ce qu'il y a ? répondit-il, même s'il sentait déjà une tension familière s'installer dans son ventre.

Son père s'assit face à lui, croisant les bras d'un air calme mais ferme.

— Je sais que ces dernières semaines, tu as eu pas mal de libertés… que tu as pris du temps pour toi. Mais je voulais te rappeler que la semaine prochaine, tu devras reprendre les cours. L’université n’attend pas, Jungkook.

Le jeune homme baissa légèrement les yeux. Il s'y attendait. Il savait que cette parenthèse aurait une fin. Mais maintenant qu'elle approchait, il se sentait presque étouffé. Comme si le retour à cette routine allait tout écraser… y compris cette étincelle qu'il avait commencé à ressentir.

— Je comprends, répondit-il d'une voix plus basse que prévu.

— Je veux juste que tu ne perdes pas de vue tes objectifs, continua son père. On a fait des sacrifices pour ça.

Jungkook hocha la tête en silence. Il comprenait. Mais il ne pouvait pas empêcher cette boule dans sa gorge, ce goût amer d'un rêve suspendu.

Est-ce que cette rencontre allait juste devenir un souvenir lointain, englouti par les obligations ?

Il n'en avait aucune envie.

L’université avait ce goût étrange de déjà-vu, et pourtant… Jimin avait l’impression d’y revenir pour la première fois.

Les couloirs étaient les mêmes, les visages souvent familiers, mais au fond de lui, tout avait changé.

Peut-être parce que, cette fois, il portait un poids différent.

Il avançait aux côtés de Taehyung, en silence. Pas besoin de mots entre eux. Ils s’étaient vus tout l’été, avaient partagé des heures à rire, à oublier le monde. Mais ici, la réalité les rattrapait doucement.

— On se retrouve aux pauses, murmura simplement Tae, comme une promesse discrète avant de prendre une autre direction.

Jimin hocha la tête, le regard un peu perdu.

Ils n’auraient pas les mêmes cours. Pas les mêmes salles. Et il savait que sans Tae à ses côtés, ces journées risquaient de lui sembler plus longues que jamais.

Il s’apprêtait à tourner les talons quand une voix joyeuse explosa dans le hall.

Un jeune homme, débordant d’énergie, riait à pleins poumons en improvisant une danse absurde au milieu des étudiants pressés. Son rire résonnait comme une bulle d’air frais dans cette ambiance pesante de rentrée.

Jimin le regarda un instant, fasciné par cette insouciance presque provocante.

À côté de lui, Taehyung esquissa un sourire amusé.

— Il a l’air de ne pas connaître le stress, celui-là.

— Viens, répondit Jimin dans un souffle, comme s’il avait besoin, là tout de suite, de cette lumière.

Ils s’approchèrent, et le jeune homme se tourna vers eux comme s’il les avait attendus depuis le début.

— Yo ! Vous aussi, vous avez cette tête de “je veux être ailleurs” ? Je m’appelle Jung Hoseok, mais tout le monde ici m’appelle Hobi. Bienvenue au club des rêveurs désabusés !

Jimin sourit pour de vrai. C’était rare, ces sourires qui montaient sans prévenir.

— Jimin. Et lui, c’est Taehyung.

Hoseok leur serra la main avec un enthousiasme débordant.

— Vous allez voir, cette fac est un peu grise, mais avec moi, elle devient technicolor. Je vous montrerai les bons coins… et les raccourcis pour éviter les profs trop coincés.

Il riait encore, et Jimin, pour un instant, oublia presque le poids qui compressait sa poitrine. Presque.

Car malgré la chaleur de cette nouvelle rencontre, malgré la légèreté qu’apportait Hoseok, il savait que ses pensées finiraient toujours par revenir vers lui.

Cet homme croisé au hasard, dont le regard refusait de quitter son esprit.

Et Roséanne. Sa cousine, son absence, ses silences.

Il soupira doucement. Cette année s’annonçait plus compliquée qu’il ne l’aurait cru. Mais peut-être… un peu plus lumineuse aussi.

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Les jours passèrent, chacun trouvant peu à peu ses repères.

L’université, vaste et bruyante, devenait pour eux un carrefour de destins où, malgré leurs différences, ils trouvaient des moments pour se retrouver. Mais la plupart du temps, chacun avançait sur sa propre voie.

Pour Jimin, les journées étaient longues et exigeantes. Il avait choisi la médecine, avec une spécialisation en pédiatrie. Depuis toujours, il savait que c’était là sa place. Soigner, écouter, apaiser les douleurs des plus petits, leur tendre la main dans des moments difficiles… Ça lui ressemblait. Mais il ne s’attendait pas à autant de pression. Les cours étaient intenses, le rythme soutenu, les attentes élevées.

Entre l’anatomie, la biologie clinique, et les heures passées à la bibliothèque, il sentait parfois son corps et son esprit vaciller.

Et pourtant, il s’accrochait. Parce qu’au fond, il avait cette mission intime, silencieuse : devenir le médecin qu’il aurait aimé avoir enfant.

Et aussi, parce que derrière ses objectifs, il y avait toujours cette obsession qui le suivait comme une ombre : Roséanne.

De son côté, Taehyung vivait dans un monde totalement différent.

L’ingénierie, c’était son terrain de jeu. Il adorait bidouiller, inventer, démonter pour mieux reconstruire. Les chiffres, les plans, les machines… tout ça lui parlait d’une manière presque poétique.

Ses journées étaient remplies de calculs complexes, de projets en équipe, de prototypes ratés et d’idées farfelues.

Mais ça lui allait. Tae était un créatif, même dans l’univers rigide de l’ingénierie, il trouvait toujours un moyen de mettre de la couleur dans ses projets.

Et puis, il y avait Hoseok.

Lui ne jurait que par la danse.

Il passait ses journées dans les studios, à perfectionner ses mouvements, à transpirer jusqu’à l’épuisement, mais toujours avec ce sourire lumineux, comme si chaque pas, chaque rythme, le rapprochait un peu plus de sa vérité.

La danse, pour lui, n’était pas qu’une discipline. C’était son langage, sa respiration.

Quand les autres avaient des cours magistraux, lui avait des répétitions, des chorégraphies à apprendre, des compétitions à préparer.

Ils étaient tous les trois dans des mondes si différents, et pourtant… c’était dans les rares pauses qu’ils partageaient ensemble, entre deux cours, dans un coin tranquille du campus, qu’ils retrouvaient un peu d’équilibre.

Ces moments-là devenaient précieux. Des bulles où les sourires étaient sincères, où les silences étaient doux.

Mais au fond, chacun gardait ses propres tourments.

Et Jimin, malgré tout, continuait de ressentir ce vide silencieux que ni les cours, ni les rires avec Tae ou Hobi ne semblaient pouvoir combler.

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