Chapitre 5 : Le secret de l'autre rive

Chapitre 5 : Le secret de l'autre rive

Le samedi matin, Layla se leva avant le réveil.

Elle resta allongée un moment, les yeux fixés au plafond. Une étrange agitation vibrait en elle, comme si quelque chose allait arriver.

Elle se leva, enfila un pull trop grand, et ouvrit les rideaux.

Le ciel était clair pour une fois, bleu pâle, presque timide.

Elle se dit que c’était un bon jour.

Sara l’avait invitée à la retrouver au parc, près du vieux lac. Un endroit que Layla ne connaissait pas encore.

Elle avait hésité à dire oui, mais quelque chose dans la voix de Sara – une sorte de besoin silencieux – l’avait convaincue.

Elle enfila son manteau, attrapa son carnet, et sortit.

Le parc était calme, encore vide à cette heure.

Les arbres frémissaient doucement sous le vent, et l’eau du lac, immobile, semblait refléter les pensées de Layla.

Sara était déjà là, assise sur un banc, les bras croisés, les yeux perdus dans l’horizon.

— "Tu es en avance", dit Layla en arrivant.

Sara sursauta un peu, puis sourit.

— "J’arrive souvent trop tôt quand je suis nerveuse."

Layla s’assit à côté d’elle. Un silence doux s’installa.

— "Tu sais…", commença Sara sans la regarder.

"Je t’ai demandé de venir ici parce que c’est un endroit important pour moi. C’est là que je venais avec mon père, avant."

Layla sentit la tension dans sa voix.

— "Avant quoi ?" demanda-t-elle doucement.

Sara baissa la tête, cherchant ses mots.

— "Avant qu’il parte. Il a quitté la maison il y a deux ans. Du jour au lendemain. Sans un mot. Ma mère a dit que c’était pour son bien… mais moi, je crois qu’il en avait juste marre de nous."

Layla resta silencieuse. Elle sentait que ce n’était pas facile pour Sara.

— "Depuis, j’ai changé plusieurs fois d’école. À chaque fois, je me disais que je pourrais recommencer. Être quelqu’un d’autre. Mais la solitude me suivait partout. Jusqu’à maintenant."

Elle tourna enfin la tête vers Layla.

— "Toi, tu ne fais pas semblant. Tu ressens les choses. Même quand tu ne dis rien. C’est pour ça que j’ai su que je pouvais te faire confiance."

Layla baissa les yeux.

Elle se sentait à la fois touchée et bouleversée.

Personne ne lui avait jamais parlé comme ça.

— "Je ne savais pas quoi dire quand tu m’as parlé, au début", dit-elle. "Je croyais que j’étais juste invisible."

Sara sourit doucement.

— "Tu es tout sauf invisible, Layla. Tu as une lumière… elle est juste bien cachée."

Un léger vent passa entre elles.

Layla ouvrit son carnet et en déchira une page. Elle y avait dessiné deux silhouettes assises sur un banc, face au lac, leurs cheveux dans le vent.

Elle tendit le dessin à Sara.

— "C’est nous", murmura-t-elle.

Sara regarda longuement le dessin. Ses yeux se remplirent lentement de larmes, qu’elle essuya rapidement du revers de sa manche.

— "Merci…", dit-elle. "Ce dessin vaut plus que mille mots."

Elles restèrent là longtemps, parlant peu, mais partageant ce que les silences ne disaient pas.

Avant de se séparer, Sara prit doucement la main de Layla.

— "Promets-moi un truc."

— "Quoi ?"

— "Qu’on ne disparaîtra pas l’une pour l’autre. Qu’on restera vraies. Même si tout le reste s’effondre."

Layla la regarda, profondément.

— "Je te le promets."

Et dans ce parc, au bord du lac, Layla comprit que l’amitié, la vraie, naît souvent dans les silences partagés, les douleurs confiées, et les regards qui disent : Je te vois. Je te comprends.

C’était peut-être ça, le début d’une nouvelle vie.

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