Le traître ! Comment avait-il pu ? Même un animal n’aurait pas agi de la sorte. Tromper son compagnon depuis plus de seize ans avec une autre personne ! Lenny aurait pu comprendre si Ron s'était laissé séduire par un homme : après tout, ils étaient tous deux homosexuels, mais il n’avait jamais été mentionné que Ron était entièrement bisexuel. Sinon, il ne se serait probablement pas engagé à son côté. Ses règles étaient claire : ne jamais s'engager avec un homme déjà en couple, un bisexuel, les partenaires des amis ou surtout un hétérosexuel. Mais là, il avait osé franchir toutes les limites en s'impliquant avec avec une fille, une gamine de tout juste dix-neuf ans, qui de surcroît était la cousine de son compagnon. Franchement, un tel comportement relevait de l'audace !
Il n'y a, semble-t-il, aucune limite à la duplicité humaine. Ron était tombé si bas qu'on aurait pu croire qu'il était en quête d'un prix Nobel d’infidélité. À la rigueur, si son infidélité n'avait été qu'un coup d’un soir avec une inconnue, cela aurait été presque acceptable. Mais là, c’était familial, comme un remake abominable de ces comédies romantiques insipides où tout part en vrille. Mais au lieu de rire, on ne peut que pleurer, tant la situation est humiliante et pathétique.
Pourquoi elle ? Pourquoi pas quelqu'un d'autre ? Lenny était conscient que sa pensée était à la fois irrationnelle et terriblement lâche, mais il ne pouvait s'empêcher d'imaginer que si Ron l'avait trompé avec quelqu'un d'autre que Veronica, il aurait peut-être pu trouver en lui la force de le pardonner. Non, en réalité, il aurait fini par le pardonner. Car, après tout, il avait toujours eu cette tendance à lui accorder son pardon, même dans les situations les plus douloureuses.
— Depuis combien de temps cela dure-t-il ? s’enquit Lenny, défiant Ron du regard. Et n'ose même pas me mentir.
Évidemment que Ron avait menti; Lenny le savait pertinemment. Ron était de ceux qui éprouvaient des difficultés avec le contact physique ; il peinait à s’ouvrir à quelqu’un avec qui il n’avait pas partagé une intimité considérable. Pour leur part, il leur avait fallu près de dix huit mois et sept rapports sexuels pour que Ron trouve le courage de s'ouvrir véritablement à Lenny.
— Je sais que vous avez couché ensemble plus d'une fois pour qu'elle tombe enceinte.
— Tu as raison.
Évidemment qu’il avait raison ! Lenny avait toujours raison. Intelligent et perspicace, il s’était souvent dit qu’il connaissait Ron mieux que celui-ci ne se connaissait lui-même. Pourtant, force était de constater qu’il s'était lourdement trompé : trompé parce que s'il était si avisé que cela, il aurait dû déceler cette trahison avant qu’il ne soit trop tard.
- Nous avons commencé à fréquenter l'un l'autre... Commencé à dire Ron avant de s'interrompre un instant, prenant une profonde inspiration avant de fixer le plafond de leur appartement comme s'il cherchait du courage.
Jamais il n'aurait imaginé être découvert. Il avait déjà pensé mettre fin à sa liaison secrète avec Veronica, mais il n'avait jamais anticipé qu'elle tomberait enceinte. Pourtant, il avait fait preuve d'une grande prudence.
- Es-tu sûr que tu veux connaître la vérité ? continua-t-il, agissant comme si Lenny n'était pas prêt à affronter la réalité. Ce qui était en partie vrai. Mais en vérité, Ron craignait que Lenny ne puisse pas lui pardonner cette fois-ci s'il venait à connaître toute l'histoire.
- Je t'aurais dit d'arrêter si ça n'avait pas été le cas, répondit simplement Lenny. Continue donc, mon amour! ajouta-t-il ironiquement en insistant sur le mot "amour".
- Je disais donc que Véro et moi...
- Véro, hein ? s’indigna Lenny en interrompant Ron dans son élan. Donc maintenant vous vous appelez par des petits surnoms affectueux.
Ron passa sa main sur son visage, comme pour effacer tous ses soucis. Bien sûr, cela ne fonctionnerait pas. Il était coincé jusqu'au coup dans sa propre merde parce qu'il n'avait pas su garder sa bite dans son pantalon.
- De-deux ans! balbutia-t-il enfin presque inaudiblement, mais évidemment Lenny l'entendit.
Deux ans ? De quoi parlait-il ? Comment était-ce possible ? Cela ne pouvait pas être vrai ! C'était un horrible cauchemar ! Peut-être que Lenny ne connaissait pas son homme aussi bien qu'il le pensait, mais il ne pouvait pas s'être autant trompé.
Dans un accès de colère, Lenny poussa Ron et se leva du canapé. Fidèle à lui-même, il commença à faire les cent pas devant son amant tout en massant sa tempe dans une tentative désespérée de calmer l’éruption volcanique qui menaçait au fond de lui.
Ron se releva et s'assit à son tour sur le canapé où Lenny se tenait auparavant.
- Alors... commença Lenny, se tenant désormais près de la fenêtre, ses mains massant toujours ses tempes. Tu es en train de me dire que tu as couché avec Vicki pendant deux longues années ? Tu te rends compte que ça représente 730 jours, 24 mois, 17 520 heures et 63 072 000 secondes ?
Lenny était comme un océan prêt à déferler ou une lave sur le point d'éclater. Pourtant, il était calme, sa voix monotone ne laissant rien transparaître de sa douleur et de sa colère.
Ron esquissa un rictus amer. Lenny n'avait pas changé ; seize ans de relation n’avaient pas altéré ce qu’il était. Ce jeune homme talentueux et magnifique dont Ron était tombé follement amoureux . Qu'il aimait toujours. Dieu, qu'il l'aimait. Oui, il l'avait trompé, mais jamais Ron n'avait cessé d'aimer son petit bout d'homme. Il l'aimait, et Lenny, le connaissant si bien, devait le savoir. Et tout comme Lenny le connaissait sur le bout des doigts, Ron le connaissait aussi très bien. Il lisait en lui comme dans un livre ouvert. C'est vrai que cette fois-ci, il allait avoir du mal, mais Lenny finissait toujours par le pardonner, et cette fois ne serait sûrement pas une exception. Il l'aimait. Ils s'aimaient. Et personne ne pourrait jamais les séparer. Il était déterminé à conquérir encore une fois son homme. Et cette fois, il ne le tromperait plus ; surtout, il allait enfin parler de lui à sa famille. Lenny le méritait bien !
Mais les paroles de Lenny le tirèrent brutalement hors de ses pensées rêveuses.
- Faisons une pose !
Ron peina à croire ce qu’il venait d’entendre : une pause ? Impossible ! Lenny ne pouvait pas leur faire ça ! Les pauses, c'est pour les couples qui ne s'aiment plus mais qui n'osent pas se l'avouer. Or, Ron et Lenny s'aimaient à la folie.
- Je suis sérieux, prends tes affaires et quitte l'appartement, ordonna Lenny.
— Et si je refuse ?
— Dans ce cas-là... c'est moi qui partirai, conclut-il froidement.
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