Chapitre 1 : La Dernière Soirée

Armand marcha lentement sous les lumières tamisées du quartier, les écouteurs vissés aux oreilles, écoutant un morceau qui le plongeait dans ses pensées. Il venait d’avoir seize ans la semaine passée, et il ne pouvait s’empêcher de se sentir piégé dans une vie qui lui semblait trop ordinaire. École, devoirs, sorties avec des amis – rien ne lui paraissait assez palpitant.

Ce soir-là, Armand avait rendez-vous avec son meilleur ami, Léo, au parc près de leur lycée. En l’apercevant de loin, Armand esquissa un sourire. Léo était de ces amis qui savaient toujours comment rendre les choses plus légères, plus amusantes. Il avait un humour piquant, et malgré sa tendance à exagérer ses histoires, il était loyal et sincère.

— "Alors, grand rêveur, encore en train de penser à comment tu vas sauver le monde ?", lança Léo en le voyant arriver.

Armand rit en secouant la tête.

— "Ah, si seulement ! J’aimerais bien vivre une aventure, une vraie."

Léo leva les yeux au ciel, amusé.

— "Pourquoi tu n’écris pas un roman ou un truc comme ça ? T’as l’imagination pour ça, non ?" Il imita une voix théâtrale. "Les aventures d’Armand, le héros du quotidien !"

Armand se mordit la lèvre, hésitant à lui confier ce qu’il ressentait vraiment. Il se sentait si différent de ses camarades, étranger à cette vie de routine. Il aurait voulu lui expliquer cette impression d’être destiné à autre chose, de sentir en lui une énergie qui n’avait jamais trouvé d’exutoire. Mais il savait que Léo se moquerait gentiment.

— "Tu sais quoi, laisse tomber," répondit-il finalement, haussant les épaules. "Je dois juste… trouver ma voie, je suppose."

Leurs rires finirent par se mêler à ceux des autres adolescents venus au parc ce soir-là. Ils passèrent des heures à discuter de tout et de rien, des devoirs de maths au dernier film d’action qu’ils avaient vu. Mais, malgré les rires, Armand ressentait toujours ce vide. Ce sentiment de ne pas être tout à fait là où il était censé être.

Finalement, la soirée toucha à sa fin. Léo dut rentrer le premier, sa mère l’attendait, impatiente. Armand prit le chemin du retour seul, les mains dans les poches, regardant les étoiles à travers les arbres du parc. Il se demanda si, quelque part dans l’univers, il y avait une réalité où il serait le héros qu’il rêvait de devenir.

Alors qu’il traversait la rue pour rejoindre la petite ruelle qui menait à sa maison, il entendit un bruit de moteur vrombissant, beaucoup trop proche et rapide. Il se retourna, et son regard croisa celui des phares d'une voiture qui arrivait à toute allure. Le conducteur n’eut même pas le temps de freiner. Armand n’eut le temps que d’ouvrir la bouche dans un cri silencieux avant que l’impact ne l’emporte.

Un instant de silence absolu suivit, puis le monde devint flou autour de lui. Tout devint lumière, et une sensation étrange le traversa. Il se sentait… léger, presque désincarné, comme s’il flottait entre deux états d’existence. Il n’y avait plus de douleur, seulement un sentiment de paix, comme si quelque chose de plus grand que lui prenait le relais.

Dans ce vide lumineux, une voix douce et profonde résonna, sans qu’il puisse déterminer d’où elle provenait :

— "Armand… c’est l’heure de commencer."

Avant qu’il puisse comprendre ce que cela signifiait, tout s’éteignit.

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