Double H
Les semelles de mes chaussures claquent contre le carrelage froid , résonnant comme un écho dans la salle d'art plongée dans le silence. Le crissement de mes bottines en cuir noir se mêle à l'agacement croissant que je ressens envers Aurélie, ma voisine de table. Elle mâchouille bruyamment son chewing-gum, le bruit écoeurant résonnant comme un tambour dans mon esprit déjà tourmenté. Cela fait plus de dix minutes que je prie pour que la cloche sonne, me libérant de ce calvaire. L'odeur des toiles et des peintures fraîches flotte dans l'air, rendant l'atmosphère encore plus suffocante.
Je jette un coup d'œil à ma montre ; le temps semble s'être figé. Les secondes s'étirent, interminables. À mes côtés, des élèves murmurent, leurs chuchotements se mêlant au grattement des pinceaux sur la toile. L'enseignant, penché sur son bureau en bois sombre, feuillette des croquis, imperturbable. La lumière grise filtre à travers les grandes fenêtres, projetant des ombres inquiétantes sur les murs ornés de chefs-d'œuvre inachevés.
- Tu pourrais arrêter, s'il te plaît ? s'énerve Addison, ma meilleure amie, assise derrière moi. Sa voix, basse mais ferme, tranche avec l'atmosphère pesante. Tu gênes tout le monde.
Aurélie se tourne vers Addison, levant le majeur dans un geste provocateur, un acte qui m'irrite encore plus. Je me mords la lèvre, frustrée.
- Tu fais chier, putain ! On n'arrive pas à se concentrer à cause de toi ! m'écriai-je finalement, ma voix résonnant dans le silence soudain de la classe. Tous les regards se tournent vers moi, et je sens la chaleur de l'embarras envahir mes joues, comme une flamme dans cette ambiance glaciale.
Le professeur, les sourcils froncés, lève les yeux de ses feuilles, visiblement surpris par mon éclat. Il s'avance lentement, ses pas résonnant comme un avertissement, et je me demande si je vais m'en sortir cette fois-ci. À l'extérieur, la pluie commence à tambouriner contre les fenêtres, tandis que le tonnerre gronde au loin, ajoutant une note sinistre à cette scène déjà chargée de mélancolie.
- Oui, mademoiselle ? Vous avez quelque chose à partager avec la classe ? intervient-il d'un ton qui se veut calme, mais qui cache une pointe d'autorité.
- Aurélie nous empêche de suivre votre cours. Elle mâchouille un chewing-gum qui produit un bruit insupportable.
Le professeur se tourne alors vers Aurélie, qui semble enfin réaliser qu'elle est au centre de l'attention. Un silence lourd s'installe, et je me demande si elle va s'excuser ou continuer à ignorer la situation. Aurélie, visiblement peu impressionnée, finit par relâcher le chewing-gum dans un bruit sourd, mais je sais que ce n'est pas suffisant pour apaiser l'atmosphère.
La cloche finit par sonner, marquant la fin du cours. Je me lève rapidement, soulagée de quitter cette ambiance tendue. En sortant, je jette un dernier regard vers Aurélie, qui reprend son chewing-gum avec un sourire désinvolte. Je me demande si elle réalisera un jour à quel point son comportement peut être dérangeant pour ceux qui l'entourent.
Dans le couloir, l'atmosphère est vibrante. Les murs sont ornés de graffitis colorés, témoins des passions et des révoltes des élèves. Les bruits des conversations se mêlent au cliquetis des casiers qui s'ouvrent et se ferment, créant une sorte de cacophonie familière. L'odeur du papier et des livres se mélange à celle des collations que certains élèves grignotent en hâte. L'excitation du vendredi flotte dans l'air, une promesse de liberté imminente.
- Cette fille est vraiment à côté de la plaque, dis-je à Addison, en soupirant. Je n'arrive pas à croire qu'elle ne se rende pas compte de l'impact de son attitude.
Addison, qui ajuste les bretelles de son sac à dos, lève les yeux vers moi avec un sourire fatigué.
- Heureusement que c'est le seul cours qu'on a en commun, soupire-t-elle. J'ai eu l'impression que j'allais exploser à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche.
Je hoche la tête, amusée par son exagération.
- C'est vrai, le pire, c'est qu'elle s'en moque complètement. Elle vit dans sa bulle, comme si le monde autour d'elle n'existait pas.
Un soupir lui échappe à nouveau, mais il est accompagné d'un sourire plus sincère.
- Mais bon, on est vendredi et on vient de terminer notre dernier cours. Ça n'est pas une raison de se laisser abattre, non ?
Je souris à mon tour, sentant l'enthousiasme d'Addison me gagner.
- Tu as raison, j'attendais ce moment avec impatience. Enfin un peu de répit !
Je baisse mon regard sur mon téléphone, mes yeux rivés sur l'écran. Le message que j'ai laissé à Hunter avant-hier est resté en vue, ce qui me frustre. Je me demande s'il a même pris le temps de le lire.
«Et ta santé, ça s'améliore ?»
Je fronce les sourcils en voyant qu'il n'a toujours pas répondu.
- Ça va ?
Je relève la tête et éteins mon téléphone, agacée, avant de lui répondre.
- Hunter ne m'a toujours pas répondu.
Addison hoche la tête, l'air pensif.
- Tu devrais vraiment passer le voir aujourd'hui. J'ai cru comprendre qu'il était malade. Peut-être qu'un peu de soutien lui ferait du bien.
- Je ne sais pas trop... Il est distant et bizarre ces derniers temps. Comme s'il se renfermait sur lui-même.
Elle me regarde, son expression se faisant plus sérieuse.
- Je comprends, mais parfois, les gens ont besoin d'un petit coup de pouce pour sortir de leur coquille. Ça fait deux semaines qu'il n'est pas venu en cours. Si j'étais à ta place, je prendrais le risque d'aller le voir.
Je réfléchis à ses mots, pesant le pour et le contre. L'idée de le voir me stresse un peu, mais je sais qu'elle a raison. Peut-être qu'un simple geste pourrait faire la différence.
- Tu as peut-être raison, dis-je finalement. Je devrais vraiment lui rendre visite.
Addison sourit, satisfaite de ma décision.
- Fais-le pour lui, mais aussi pour toi. Qui sait, cela pourrait aider à clarifier les choses entre vous, parce que si je me souviens bien , la dernière fois que vous vous êtes parlé, ça s'est terminé en dispute.
Alors que nous avançons dans le couloir, entourées de camarades qui discutent et rient, je sens une vague d'espoir mêlée d'appréhension. Peut-être que ce week-end sera l'occasion de mettre les choses au clair avec Hunter. Après tout, la vie continue, et il est temps de prendre des initiatives.
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