L’Union dans l’Adversité

Chapitre 4

Le vent sifflait entre les arbres alors que la nuit enveloppait la forêt. Yuna et Kaoru avançaient prudemment, leurs pas étouffés par le tapis de feuilles mortes. Ils avaient suivi la piste des ravisseurs pendant des heures, guidés par les traces légères laissées sur le sol et le bruit lointain de branches craquant sous des pas rapides. Malgré la tension qui régnait entre eux, un silence tacite s’était installé, chaque regard échangé traduisant une compréhension mutuelle : ils n’avaient pas le choix.

Kaoru jetait de fréquents coups d’œil à Yuna, admirant malgré lui la détermination qui se lisait sur son visage. Elle serrait son arme improvisée – un bâton solide ramassé en chemin – avec une poigne ferme. Pour la première fois, il voyait en elle autre chose que la façade distante qu’elle affichait si souvent : une force brute, un courage farouche. De son côté, Yuna ne pouvait s’empêcher de remarquer l’efficacité de Kaoru à lire les traces et à anticiper les mouvements des ravisseurs. Il semblait presque à l’aise dans cette situation périlleuse, comme s’il avait été formé pour ce genre de mission.

— « On devrait accélérer, » murmura Kaoru en s’arrêtant soudainement. « Les traces sont plus fraîches. Ils ne sont pas loin. »

Yuna hocha la tête, serrant les dents. Chaque minute perdue était une minute de plus où Itsuki et Soutaro restaient entre les mains des ravisseurs, et l’idée qu’il puisse leur arriver quelque chose lui nouait l’estomac. Elle savait que Soutaro était courageux, mais il n’était pas fait pour ce genre de situation. Quant à Itsuki, sa nature protectrice pourrait le pousser à commettre une erreur fatale.

Ils continuèrent leur progression, s’arrêtant brusquement en apercevant une lumière vacillante au loin. Un feu de camp. Kaoru fit signe à Yuna de se baisser, et tous deux avancèrent en rampant jusqu’à ce qu’ils soient à portée de vue. Les ravisseurs – deux hommes à l’allure rude et mal entretenue – semblaient se disputer près du feu. Plus loin, attachés à un arbre, Itsuki et Soutaro étaient assis, leurs mains liées derrière leur dos. Soutaro semblait inconscient, la tête penchée en avant, tandis qu’Itsuki, malgré son visage couvert de contusions, jetait des regards furieux à leurs geôliers.

Yuna sentit une vague de colère monter en elle. Elle serra son bâton plus fort, prête à foncer, mais Kaoru posa une main ferme sur son épaule.

— « Pas encore, » murmura-t-il. « On doit réfléchir. Si on y va maintenant, on se fera repérer. »

— « Et si on attend, ils pourraient… » Elle s’interrompit, incapable de prononcer les mots.

Kaoru hocha la tête, comprenant son angoisse. Il regarda autour de lui, analysant la situation. Enfin, il murmura un plan : il distrairait les ravisseurs pendant que Yuna s’occuperait de libérer leurs camarades. Elle acquiesça, bien qu’une boule d’appréhension se forma dans sa poitrine. Leur synchronisation devait être parfaite, sinon tout pouvait mal tourner.

Kaoru ramassa une pierre et la lança dans les buissons opposés, provoquant un bruit sec qui attira immédiatement l’attention des deux hommes. Ils se levèrent, armes en main, avançant prudemment vers la source du bruit. Profitant de l’opportunité, Yuna se glissa rapidement jusqu’à Itsuki et Soutaro.

— « Yuna ! » souffla Itsuki, surpris mais soulagé. « Tu ne devrais pas être là… »

— « Chut, » répondit-elle en coupant ses liens avec un couteau que Kaoru lui avait donné. « On n’a pas le temps pour les reproches. »

Une fois libéré, Itsuki s’agenouilla auprès de Soutaro, qui commençait à reprendre conscience. Pendant ce temps, Yuna jeta des coups d’œil nerveux vers Kaoru, qui avait réussi à attirer les ravisseurs plus loin dans la forêt. Mais le bruit des éclats de voix et du combat qui s’ensuivit lui fit comprendre qu’il ne pourrait pas les retenir longtemps.

— « On doit partir maintenant, » murmura-t-elle en aidant Soutaro à se lever.

Ils se déplacèrent aussi rapidement que possible, Yuna prenant la tête du groupe pour les guider hors de la clairière. Mais alors qu’ils atteignaient une relative sécurité, elle s’arrêta net.

— « Kaoru est encore là-bas, » dit-elle, l’inquiétude perçant dans sa voix.

— « Il savait ce qu’il faisait, » répondit Itsuki, bien qu’il semblait lui aussi troublé.

— « Non. On ne peut pas le laisser. »

Sans attendre leur réponse, Yuna fit demi-tour, courant à toute vitesse vers la clairière. Elle arriva juste à temps pour voir Kaoru esquiver maladroitement un coup, visiblement épuisé par le combat. Elle n’hésita pas. Fonçant vers l’un des ravisseurs, elle le frappa violemment avec son bâton, le faisant tomber à genoux. Kaoru profita de l’ouverture pour maîtriser le deuxième homme, et bientôt, les deux ravisseurs étaient inconscients.

Kaoru se redressa, essuyant le sang qui perlait à sa lèvre.

— « J’avais la situation sous contrôle, » dit-il avec un demi-sourire.

— « Bien sûr, » répliqua Yuna, les bras croisés. « Tu avais l’air de t’amuser. »

Malgré la tension de la situation, ils échangèrent un regard complice. Ensemble, ils retournèrent auprès d’Itsuki et Soutaro, qui les attendaient avec anxiété. Le soulagement de voir Kaoru sain et sauf se reflétait sur leurs visages, bien qu’aucun d’eux ne l’exprima ouvertement.

Cette nuit-là, alors qu’ils s’éloignaient enfin de la forêt, un changement subtil mais palpable s’opéra dans le groupe. Itsuki, habituellement si critique envers Yuna, lui lança un regard respectueux.

— « Merci, » dit-il simplement, sa voix empreinte de sincérité.

Soutaro, quant à lui, regardait Kaoru avec une nouvelle curiosité, bien qu’un soupçon de méfiance persistât.

Ils n’étaient pas encore amis, pas encore unis par autre chose que cette épreuve, mais pour la première fois, ils comprirent qu’ils devaient se soutenir. Car dans ce monde où les dangers étaient omniprésents, l’union, même fragile, était leur meilleure chance de survie.

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