___
Le soleil se couchait lentement à l'horizon, teintant le ciel de nuances orangées et roses. Les derniers rayons illuminaient les feuilles des grands chênes bordant la résidence du Grand-Duc, leur donnant l'apparence de flammes dansantes. Une brise légère caressait les jardins, faisant frissonner les pétales des roses écarlates soigneusement entretenues. Tout semblait paisible, presque romantique, comme si la nature elle-même offrait un instant de répit dans un monde empli de tensions.
Dans la salle à manger, cependant, cette sérénité contrastait cruellement avec le silence pesant qui régnait autour de la longue table magnifiquement dressée. Les couverts en argent étincelaient sous la lumière tamisée des chandeliers, et les plats, préparés avec soin par les chefs, dégageaient un parfum alléchant. Mais la table restait vide, à l'exception de Lysandra, assise seule à l’une des extrémités.
Elle tapotait nerveusement le rebord de son assiette avec sa fourchette, son regard oscillant entre la porte et l’horloge suspendue au mur.
— Mais où se trouve Kael ? demanda-t-elle enfin, d’un ton qui trahissait son mécontentement.
Clothilde, debout près d'elle, baissa légèrement la tête, cherchant ses mots.
— Dans son bureau, Madame, répondit-elle avec hésitation.
Lysandra plissa les yeux, irritée.
— Pourtant, je lui avais dit de venir. Transmets-lui mon message. Il a sûrement oublié... enfin, je l’espère.
— Bien, je m’en occupe immédiatement, répondit Clothilde avant de quitter la salle.
Seule à nouveau, Lysandra laissa échapper un soupir. Elle avait espéré que ce dîner marquerait un tournant. Mais en réalité, elle se demandait si son mari daignerait jamais lui accorder une once d’attention.
---
Dans son bureau, Kael était plongé dans des documents stratégiques, des cartes et des lettres qui s’empilaient sur son bureau. Une lampe à huile projetait une lumière vacillante sur son visage fermé. Mais il n’était pas concentré. Les mots de Lysandra tournaient en boucle dans sa tête : "Comment pouvons-nous vivre sous le même toit et ne pas nous connaître ?"
Un léger coup résonna à la porte, interrompant le fil de ses pensées.
— Entrez, dit-il sèchement.
Clothilde passa timidement la tête.
— Votre Grâce, Madame Lysandra vous attend dans la salle à manger. Elle souhaite que vous veniez dîner avec elle.
Kael leva les yeux, ses traits se durcissant encore davantage.
— Et elle a pensé que me déranger dans mon travail était une bonne idée ?
Clothilde hésita, mal à l’aise sous le regard perçant du Grand-Duc.
— Elle semblait... contrariée, murmura-t-elle finalement.
Kael se leva brusquement, faisant grincer sa chaise.
— Très bien. Dites-lui que j’arrive.
Clothilde s’inclina rapidement et quitta la pièce, soulagée de s’éloigner de l’aura glaciale de son maître.
---
De retour à la salle à manger, Lysandra attendait toujours, le menton appuyé sur sa main. En entendant des pas approcher, elle se redressa instinctivement, espérant que Kael allait enfin faire son apparition.
Mais ce n’était que Clothilde.
— Il a dit qu’il arriverait bientôt, Madame, l’informa-t-elle.
Lysandra hocha la tête, mais son impatience grandissait. Elle n’avait jamais été du genre à attendre passivement, et ce soir ne ferait pas exception.
— Très bien. S’il ne vient pas, alors j’irai le chercher moi-même, déclara-t-elle avec détermination.
Avant que Clothilde ne puisse protester, Lysandra se leva et quitta la salle, son esprit en ébullition.
---
Elle trouva Kael dans son bureau, debout près de la fenêtre, regardant les jardins plongés dans l’obscurité. Il n’eut pas besoin de se retourner pour savoir qu’elle était là.
— Tu ne peux pas attendre, n’est-ce pas ? lança-t-il d’un ton acerbe.
Lysandra s’arrêta juste à l’entrée, croisant les bras.
— J’ai attendu, Kael. Toute la soirée. Mais visiblement, le respect n’est pas une priorité pour toi.
Il se tourna lentement vers elle, son regard froid rencontrant le sien.
— Le respect doit se mériter, répondit-il calmement, mais avec une pointe de mépris.
Ces mots frappèrent Lysandra comme une gifle. Mais au lieu de se laisser abattre, elle avança d’un pas, les poings serrés.
— Alors prouve-moi que tu le mérites aussi, répliqua-t-elle, sa voix tremblante d’émotion.
Un silence tendu s’installa, les deux se défiant du regard.
Kael finit par détourner les yeux, mais pas avant qu’un éclair de quelque chose d’indéchiffrable — peut-être de la culpabilité — ne traverse son visage.
— Très bien, dit-il finalement, sa voix plus basse. Allons dîner.
---
Le repas fut silencieux, presque inconfortable. Lysandra tentait de briser la glace avec quelques remarques, mais Kael se contentait de réponses monosyllabiques.
Quand enfin ils atteignirent le dessert, Lysandra posa sa fourchette et le fixa directement.
— Pourquoi es-tu comme ça ? demanda-t-elle, la voix douce mais chargée de curiosité.
Kael releva lentement les yeux.
— Comme quoi ?
— Froid. Distant. Comme si rien ni personne ne comptait.
Il la fixa un moment, ses yeux semblant scruter son âme.
— Peut-être parce que rien ni personne ne compte, répondit-il finalement.
Ces mots glacials firent frissonner Lysandra. Mais elle n’était pas prête à abandonner.
— C’est faux, murmura-t-elle, presque pour elle-même.
Kael se leva alors, signalant la fin du repas.
— Ce n’est pas faux, Lysandra. C’est juste... la vérité.
Elle soutint son regard, les lèvres serrées, avant de se lever à son tour, brisant le silence pesant.
— Belle philosophie pour un homme qui se cache derrière des murs. Continue de te complaire dans ton isolement, Grand-Duc, mais ne t’attends pas à ce que je m’y enferme avec toi.
Sans attendre une réponse, elle quitta la salle avec une démarche assurée, sa colère dissimulée sous une façade impeccable.
Une fois dans le couloir, cependant, ses pensées bouillonnaient.
“Quel imbécile arrogant ! Monsieur le Grand-Duc préfère les ombres de son bureau à la compagnie humaine. Quel enfant gâté, à croire que sa seule joie est de jouer les statues de glace. Patience, Lysandra, patience. S’il croit pouvoir m’intimider, il se trompe lourdement.”
En regagnant sa chambre, elle prit une plume et son journal, écrivant avec énergie :
"Je vais lui prouver qu'il a tort"
Elle ferma le carnet avec un claquement sec, un léger sourire en coin. Ce combat silencieux ne la briserait pas. Il ne faisait que l'affermir.
...Toxicity...
***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***
3 épisodes mis à jour
Comments