ep 6

Près de notre maison se trouvait une aire de jeux pour enfants que ma mère et moi fréquentons souvent lors des belles matinées d’été. Je commençais toujours par les balançoires, demandant à ma mère de me pousser plus fort pour me faire aller plus haut. Les jambes tendues et la tête renversée en arrière, je hurlais de plaisir pendant que la balançoire m’emportait toujours plus haut. De là, je voyais les voisines étendre leur linge, les enfants jouer et les adolescents se prélasser au soleil. Quand ma mère était lassée de me pousser, nous passions aux balançoires à bascule où elle me faisait monter et descendre.Les mauvais jours,lorsqu’elle ignorait mes supplications pour nous rendre au parc en raison de sa fatigue, j’étais confinée à notre petit jardin et devais m’amuser toute seule. On sortait mon ballon sauteur rouge, et j’arpentais inlassablement le chemin de ciment délabré en y rebondissant pendant des heures.N’étant pas capable de comprendre pourquoi elle était si heureuse un jour et si malheureuse le lendemain, je pensais que quelque chose en moi avait dû déclencher sa peine. Peut-être, me disais-je, était-ce la vue de ces affreuses plaques d’eczéma qui étaient apparues peu après ma naissance; je n’eus jamais le courage de lui poser la question.

__ Tu es une belle petite fille, me disait-elle dans ses bons jours.

Mais quand j’eus l’âge d’aller à l’école, je ne la croyais déjà plus.Je ne peux qu’imaginer ce que ma mère a dû ressentir lorsque la sage femme me plaça pour la première fois entre ses bras après tout, ce souvenir est le sien, pas le mien, mais un de ces souvenirs arrangés par l’amour avant d’être partagé, comme les mères le font naturellement. Je t’ai aimée dès que je t’ai vue, me dit-elle. Avec ton petit duvet brune et ces grands yeux, tu étais un bébé magnifique.Peut-être l’étais-je en effet pour elle, mais chaque fois qu’elle tentait ainsi de me rassurer, je songeais à mon eczéma. Il couvrait mes bras, me remontait dans le cou et tacheté mon buste, et je ne pouvais m’empêcher de penser à l’allure que je devais avoir avec ma tête de bébé fripée et la peau marquée de toutes ces vilaines plaques rouges. Depuis ma plus tendre enfance, j’avais subi les commentaires des gens soi-disant bien intentionnés. Alors que je marchais près de ma mère, sa main tenant fermement la mienne pour m’empêcher de tomber, j’entendais les voisins et amis prendre des nouvelles de ma santé et de mon eczéma. Je levais les yeux vers eux pour leur signifier de se pencher vers moi et de me poser la question, mais cela n’arrivait jamais. C’était comme si ces horribles taches rougeâtres me rendaient à la fois sourde et invisible.

— Ces rougeurs vont-elles s’arranger? question pose t-il ils , Est-ce que ça lui fait mal? Est-ce que ça va s’atténuer quand elle grandira?

Chaque fois qu’ils arrêtaient ma mère et lui posaient ces questions.

Je sentais ses doigts serrer ma main un peu plus fort, Je comprenais ma mère.

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