L'Ombre de la Forêt

                       Chapitre 3

Iria n’avait pas dormi cette nuit-là. Ses pensées tourbillonnaient, trop nombreuses, trop effrayantes. Elle se leva avant l'aube, le cœur lourd de questions sans réponses. La forêt, l'homme mystérieux, les démons… Tout semblait s’entrelacer dans une toile invisible, et elle en était au centre, sans savoir comment en sortir.

Elle n'avait pas hésité une seconde. Elle devait retourner là-bas, là où tout avait commencé. Sa mère l’avait mise en garde, mais Iria ne pouvait plus ignorer l’appel qui résonnait en elle. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un, l’attendait dans l’ombre des arbres.

La forêt semblait plus dense ce matin-là, comme si les arbres s’étaient rapprochés dans une danse silencieuse. L’air était lourd, saturé d’humidité, et les rayons timides du soleil filtraient à peine à travers le feuillage. Iria sentit un frisson glacé courir le long de son dos. Ce n'était pas la forêt qu'elle connaissait. C'était un autre endroit, un lieu où la réalité semblait se déformer, se tordre sous une pression invisible.

Elle marcha sans bruit, ses pas feutrés sur le sol recouvert de mousse. Chaque bruit semblait amplifié, chaque souffle d’air plus profond que le précédent. Elle savait qu’elle ne devait pas se hâter, qu’elle devait garder son calme. Mais à mesure qu’elle s’enfonçait dans les bois, une présence pesait sur elle. Une sensation de malaise grandissait, comme si l’atmosphère elle-même essayait de l'étouffer.

Puis, au détour d’un sentier, elle le vit.

L’homme était là, debout, comme s’il l’avait attendue depuis des heures. Son regard perça les ombres, brillant d’une intensité surnaturelle. Il semblait n’être qu’une silhouette magnétique, une statue figée dans un éclat d’énergie pure. Il n’avait pas bougé d’un pouce, mais Iria ressentait sa présence comme une pression sur son esprit. Il la scrutait, et chaque fibre de son être semblait vibrer sous cette observation.

Elle s’arrêta net, et il sembla l’attendre, sans sourire, sans parole. Pourtant, il n’avait pas besoin de dire un mot. Son aura, toujours aussi étrange, suffissait à remplir l’air de tension. Iria se demanda, une fois de plus, comment il avait pu la retrouver. Il n’était pas un simple homme. Elle en était maintenant certaine.

« Tu es revenu », dit-elle, sa voix trahissant l’ombre d’un doute.

Il haussait les sourcils, un sourire léger flottant sur ses lèvres. « Oui. Je pensais que tu voulais me comprendre. »

Iria se redressa, son cœur battant à tout rompre. « Et pourquoi moi ? Qu’est-ce que tu cherches vraiment ? »

Il se détourna légèrement, comme s'il réfléchissait à sa réponse. « Tu as un pouvoir, Iria. Tu le sais, n’est-ce pas ? Mais ce pouvoir, comme toi, a ses limites. »

Les paroles de l’homme résonnèrent dans sa tête. Un pouvoir, oui, elle en avait un. Mais pourquoi lui parler ainsi ? Pourquoi insister sur ses « limites » ? Était-il venu pour l’effrayer, pour la manipuler ?

Elle se força à prendre une grande inspiration et avança d’un pas. « Je n’ai pas peur de toi. »

Il la regarda, un éclat de curiosité dans ses yeux. « Non, tu n’as pas peur. Mais tu te poses des questions, et tu ne sais pas si tu veux y répondre. C’est cela qui te rend intéressante. »

Elle sentit une vague de frustration l'envahir. « Pourquoi est-ce que tu te caches derrière des énigmes ? Si tu veux vraiment quelque chose de moi, dis-le clairement. »

L’homme sourit, mais il n'était pas sympathique. C'était un sourire froid, calculé. « Tu crois qu’il y a des réponses simples, Iria ? La vérité est plus complexe que ça. »

Soudainement, un vent glacial souffla à travers la forêt, faisant frémir les feuilles. Il la regarda intensément, son regard brillant comme des étoiles lointaines. « Mais, si tu cherches la vérité, tu devras peut-être accepter de voir au-delà des apparences. »

À ces mots, une onde de froid la traversa. Ses yeux se plissèrent, ses doigts se crispèrent autour des poignets. Quelque chose en lui... il y avait une dimension qui lui échappait.

Le vent se calma aussi vite qu'il était arrivé, mais l’air était désormais plus lourd. Il avait changé, chargé d'une énergie qu’elle ne pouvait identifier. Un murmure sembla émaner des arbres eux-mêmes, un souffle inaudible qui se mêlait à ses pensées.

« Qui es-tu vraiment ? » demanda-t-elle, sa voix presque étouffée par l'étrangeté du moment.

L’homme sembla hésiter une fraction de seconde avant de répondre, ses yeux brillant d’une lumière étrange. « Un nom ne signifie rien ici. Ce que je suis, ce que tu dois comprendre, c’est que tu es loin de tout savoir, Iria. »

Il s'approcha alors lentement d’elle, et son regard se fit plus pénétrant. « Tu veux connaître le bonheur, n’est-ce pas ? Mais peut-être que le véritable piège n’est pas de chercher le bonheur, mais de chercher quoi il faut sacrifier pour l’obtenir. »

Le sol sous ses pieds sembla vaciller. Iria sentit une brume envahir son esprit, une confusion grandissante. Elle voulait reculer, mais elle était paralysée par cette présence, par l’énigme vivante qu’il incarnait.

« Tu m’as trouvé, Iria. Mais tu n’as encore rien vu. »

Un frisson glacé parcourut son échine. L’homme s’éloigna d'un pas silencieux, et, avant même qu’elle puisse réagir, il disparut dans l’ombre des arbres, comme une illusion.

Iria se retrouva seule, dans le silence de la forêt. Mais ce silence n'était plus le même. Il portait désormais le poids de quelque chose de lourd, de caché. Elle se tenait là, le souffle court, le cœur battant.

Quelque chose venait de se briser. Et elle savait qu'elle ne pouvait plus revenir en arrière.

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