Une Double Identité
Un uniforme parfaitement dressé, des cheveux noirs de jais et des manuels éparpillés. Je suis la déléguée de ma classe, en dernière année, dans un lycée en plein Séoul.
Au lycée, je ne parle qu'à mes livres. Je ne socialise pas avec les autres élèves sauf quand je suis dans mon rôle de délégué.
En plus d'être la parfaite déléguée solitaire, je suis la première dans le classement des examens de trimestres, pour toutes les matières sauf une, le sport. Il faut croire que mes capacités physiques ne sont pas les meilleures.
On ne peut pa être doué en tout apparemment.
Cependant, en dehors de mes cours et de l'école, je suis une tout autre personne.
Cheveux roses, vêtements peu ordinaires et une vie sociale bien plus complète.
J'ai tout simplement une double vie que personne ne connait. Ni l'extérieur, ni les élèves du lycée.
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On pourrait croire que ma vie est rose vue de l'extérieur, mais ce n'est pas si simple. Je dois constamment maintenir une image correcte. Bonne élève au lycée et bonne personne en dehors. Entre ceux que je dois réprimander pour le bruit qu'ils produisent en classe et ceux que je dois éviter dans la rue, mon cerveau reste 24 h/24 sur le qui vif.
Dès les premières heures passées au lycée, les filles se mettent à brailler. Chaque matin, c'est la même histoire. Des fanatiques qui hurlent à la vue de leur idole. Seung-wan, l'idole super populaire qui a récemment débuté dans un groupe. Je n'ai pas grand-chose à dire sur lui à part qu'il est agaçant.
- Kyaaa\~ ! Seung-wan ! Coucou !
Les filles de la classe se penchent aux fenêtres de la salle de classe tous les matins pour le voir et l'interpeller.
— Waaaa, regardez comme il est classe notre chouchou.
– Depuis qu'il a débuté, il a pris en popularité. Dommage.
— C'était bien mieux quand on était les seules à le connaître. Et tous les matins, je me lève pour faire cesser leurs pitreries.
– Taisez-vous ! Il y en a qui essaient d'étudier.
- Eh ! Madame rabat joie\, sors ton nez de tes livres un peu. C'est toi qui nous dérange.
– Les examens sont pour bientôt. Vous devriez vous concentrer sur vos études plutôt que de baver devant les autres.
- Oh \~ Miss déléguée parfaite veut étudier ? Descendons voir Seung-wan avant que Soo-ah ne pète un câble.
Ses remarques changent tous les jours, mais restent toujours d'un ton hautain et moqueur. Si je pouvais lui faire avaler ses mots, je le ferais volontiers avec un mélange des plus répugnants comme repas.
Après la sortie bruyante de ces filles à la grande bouche, une autre gardant la tête baissée se place au seuil de la porte coulissante de la salle. Elle est une de mes camarades. Elle ne parle pas beaucoup, voire moins que moi, et est la personne la plus discrète parmi nous tous. Je soupçonne même qu'elle se fasse harceler à ses heures perdues. Je ne la vois pas du tout se défendre ni même riposter d'une quelconque manière quand un élève vient lui faire les poches.
- S...Soo-ah, le professeur demande à ce que tu ramasses les devoirs et que tu les lui déposes en salle des professeurs
- D'accord.
À peine ai-je eu le temps de lui adresser un mot, qu'elle est déjà partie. Malheureusement pour moi, je vais à nouveau devoir quitter mes manuels pour une bonne dizaine de minutes.
En faisant le tour de la classe, je ramasse les sujets des autres. Certains ont la gentillesse de me les donner en main propre et d'autres les ont juste laissés dépasser de leur sac de cours. Et enfin, il y en a toujours quelques-uns qui manquent à l'appel. Soit ils ne sont pas présents, soit ils sont en retard, soit ils ne l'ont pas fait. Tant pis pour eux si on leur donne une mauvaise note.
Une fois les copies rassemblées, je sors de la classe et marche dans les longs couloirs de l'école.
Celle ci est relativement grande. Elle est composée de plusieurs bâtiments reliés entre eux et d'un nombre incalculable d'élèves. Le seul problème avec cette école, c'est qu'on doit tout traverser pour atteindre le bâtiment administratif, dont la salle des professeurs.
Chance à ceux qui sont aux premiers étages ou au rez-de-chaussée, mais ceux en dernière année comme moi, sont aux derniers étages la plupart du temps. Une perte de temps dans nos études lors des pauses repas ou lorsque l'on doit aller rendre des copies.
Le seul avantage, c'est que le bâtiment dans lequel je suis est relativement proche de la salle des profs.
Je dois longer les longs couloirs, descendre les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée, passer une double porte vitrée donnant sur la cour et traverser un couloir couvert extérieur menant à une autre double porte. Après celle-ci, un autre couloir à longer, puis, enfin, la salle où les professeurs ont leurs bureaux.
En arrivant au couloir extérieur, je suis de nouveau interpellée par quelqu'un.
- Yo\, Soo-ah !
Ne m'attendant pas à ce qu'on m'appelle, je m'arrête net dans mes mouvements tout en tournant la tête dans la direction de la voix.
Cet élève est assis sur un banc non loin de ma position.
- Ah...
Il me regarde curieusement et reprend la parole après mon air désespéré.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Tu ne vois pas ?
- Hmm\, tu portes des feuilles\, donc je suppose que tu vas les donner au prof ?
- Oui. Comme tu le vois\, je suis occupée. Qu'est-ce que tu me veux ?
- Rien\, je voulais juste te voir un peu.
- Pourquoi ?
- Parce que tu es la seule que je ne connais pas. Du moins\, je ne t'ai pas autant parlé à toi qu'aux autres.
- Eh bien\, continue de parler aux autres et laisse-moi tranquille comme à ton habitude.
L'élève se lève et se déplace jusqu'à moi. Un mal-être pour ma part, puisque je ne supporte pas d'être près de lui, le gars populaire et qui dérange les studieux à cause du bruit qu'il provoque. Seung-wan.
- Je peux t'aider ? Ça semble plutôt lourd.
- Non.- Aller\, donne-les moi.
- Je suis capable de les porter toute seule. Je n'ai pas besoin de ton aide. D'ailleurs\, tu devrais y ajouter un peu de poids à ce tas de feuilles.
- Comment ça ?
- Ton devoir.
- Ah !
Sa façon d'être et son manque de sérieux me rendent las. Je ne peux m'empêcher de le mépriser et de le regarder avec cette lassitude.
- Ok\, Ok. Tu devras attendre un peu\, le temps que je le fasse.
- C'est fou le nombre de personnes qui ne font pas leurs devoirs. Je n'ai pas ton temps. J'ai autre chose à faire que d'attendre un Punk qui va bâcler son devoir.
- T'as dit quoi ?
- Tu n'as qu'à écouter. Pas comme en cours.
- Je ne suis pas un Punk\, je te signale. J'ai des principes et une morale.
- Ah bon ? Je pensais le contraire jusqu'à maintenant. Je le pense toujours\, en fait.
- Je vais te le prouver.
Seung-wan se jette soudainement sur les copies que je tiens dans mes bras et essaye de les prendre.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je vais t'aider à les porter.
- Je t'ai dit que je n'ai pas besoin d'aide\, et encore moins de la tienne ! Maintenant\, retourne en classe ! Les cours vont bientôt commencer. Et la prochaine fois\, évite de faire du boucan en venant au lycée. Ça me dérange\, moi et les autres.
- Quel boucan ? Tu veux parler de mes fans ?
- Dis-leur de se taire.
- Laisse-les faire. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut me voir ici.
- Si tu pouvais ne jamais revenir\, ce serait mieux.
- Brrr Tu es tellement froide avec moi. Pourquoi tu me traites comme ça ?
- Je n'aime pas les gens. Et encore moins ceux de ton genre.
- De quel genre tu parles ? Je suis une personne comme les autres.
- Ton espèce à toi\, ton monde. Tu me répugnes. Toujours là à venir quand ça te chante\, dormir en cours les jours où tu viens\, ne pas faire d'efforts pour tes études.
Le pire, c'est que tu ne fais d'effort en rien concernant la vie de base. Tu as juste à claquer des doigts pour avoir tout ce que tu veux.
- Tu ne sais rien de moi. As-tu des preuves pour avancer ce que tu dis ?
- Oui. Tu es le fils d'un homme d'affaires qui gagne des centaines de milliers et tu travailles dans un monde dans lequel tu n'as pas besoins d'études. Mais tu sais\, le jour où ta gloire montante tombera\, tu tomberas avec. Et de très haut.
Tu n'auras plus rien et tu regretteras de ne pas avoir étudié correctement au lycée.
- J'aime ce que je fais. C'est le principal. Je n'ai pas besoin d'étudier\, c'est vrai que ça me sera donné. Mais moi\, j'ai une vie. Une vie en dehors des études et du travail. Je sais m'amuser\, j'ai des amis qui tiennent à moi et qui me poussent à aller de l'avant.
Je profite d'être encore assez jeune.
- Profite\, mais plus tard\, tu auras des problèmes.
- Tu devrais te poser de temps en temps.
- Pour rater mon avenir ? Non merci.
- Pour mieux réfléchir sur toi-même. Tu dois sortir\, te faire des amies\, voir des garçons de temps en temps. Amuse-toi un peu. Lâche tes bouquins et profite.
- J'en profiterai plus tard.
- Après\, ce sera trop tard. Tu auras un travail et tu n'auras plus le temps de faire ce que font les jeunes filles de ton âge.
- Je n'ai pas envie. Et j'aurais quand même du temps. Le week-end. J'aurais de quoi me payer ce que je veux pour sortir et voyager.
- Mais ça ne sera pas pareil. Tu n'auras pas la même innocence que maintenant et tu verras les choses différemment. Moi\, je pense que tu regretteras.
- Écoute\, ce ne sont pas tes affaires. Je fais ce dont j'ai envie. Tout le monde ne peut pas se permettre tes petites sorties.
- Comment ça ?
- Tu es vraiment ignorant. Tu as quoi dans le cerveau ? Des paillettes et de l'argent ?
- Je suis peut-être ignorant sur certaines choses\, mais je pense en savoir plus que toi qui passes ton temps dans ton coin sans te soucier de ce qui t'entoure.
Tu n'entends pas nos camarades parler dans ton dos ?
J'ai beau être présent rarement, j'arrive à savoir ce qu'ils pensent de toi.
- Je n'en ai rien à faire. Je n'ai pas besoin d'eux pour avancer.
- Tu devrais. L'humain a besoin d'être entouré de personnes proches. Tu devrais accepter l'aide des autres\, accepter de te dire que tu n'es pas seule au monde.
- Dommage\, ça n'arrivera pas.
- Je n'ai sûrement rien dans le cerveau comme tu dis\, mais toi\, tu es une tête de mule !
- Alors pourquoi tu continues de gâcher mon temps si tu sais que je vais rester telle quelle ?
- C'est vrai\, je ne sais pas. Toi aussi\, tu m'énerves. Débrouille-toi toute seule. J'en ai marre d'essayer de briser ta carapace.
- Je n'ai pas le choix que d'être comme ça. Dis-je en chuchotant pour moi-même.
- Tu sais que j'ai raison\, tu le regretteras. Miss déléguée parfaite.
Cette dernière phrase, bien qu'elle fût courte, me fait comme une secousse.
Seung-wan me rend les copies dans un geste nonchalant puis tourne les talons et finit par se diriger en direction du bâtiment de cours.
Après être restée quelques minutes droite comme un piquet à la même place, je reprends ma marche et j'arrive enfin à la salle des professeurs.
En entrant, je n'oublie pas la politesse et je salue ceux dans la salle. On me fait signe de déposer le tas sur le bureau du prof principal de ma classe puis je retourne rapidement en classe avant que mon absence se fasse trop longue.
- Merci Soo-ah pour ton aide. Tout le monde a rendu sa copie ?
- Presque. Il y en a deux au fond et Seung-wan qui ne me les ont pas rendus.
- Bien\, vous trois\, sortez de la salle et mettez-vous en planche. Je viendrai vous chercher quand vous aurez appris qu'il faut rendre vos devoirs en temps et en heure.
Les élèves commencent à chuchoter entre eux. Certains mécontents soufflent et jettent des regards meurtriers tandis qu'un autre me regarde avec mépris et pitié.
Le prof semble commencer à désespérer face au comportement des autres et me regarde en suppliant.
Pour ma part, je le regarde juste en levant les yeux de mon cahier. Il faut croire que je ne souris pas beaucoup ici, Même aux professeurs.
- HUM !!! Le professeur aimerait continuer son cours dans le calme et le silence.
Tout le monde se tait, le cours reprend dans le plus grand silence jusqu'à la sonnerie du midi.
À chaque heure de repas, je monte seule sur le toit avec un manuel et ma boîte repas. Un endroit calme, sans personne pour me déranger, ni pour me voir.
Me posant contre le mur extérieur de la cage d'escalier, là où il fait mi-ombre, mi-soleil, je commence mon repas et profite du calme.
- Waaa\~ ça fait du bien. Pourquoi ils font toujours autant de bruits ? Ils ne peuvent pas écouter calmement ?
J'aime bien pouvoir me défouler pendant que je mange. Mais le moment que je préfère, c'est quand je peux être moi-même. Le moment où je peux libérer ma tête de tout ce poids. Ce moment où j'enlève ce masque cachant mon vrai moi. J'enlève la perruque qui me sert à dissimuler mes vrais cheveux et les lunettes qui me servent à être la déléguée parfaite.
L'envie de prendre l'air me prend. Je décide donc d'aller près des rambardes censées empêcher les élèves de sauter du toit.
Personnellement, je trouve qu'elles ne servent pas vraiment.
Alors que je m'y penche légèrement par-dessus, la porte en fer de la cage d'escalier s'ouvre dans un grincement insupportable.
- Qu'est-ce que ?
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