Chapitre I – Sous la pluie de Douala
(Notre histoire se déroule au Cameroun 🇨🇲)
---
La pluie s’abattait sur Douala comme un rideau épais, noyant les rues dans une brume d’argent. Les lampadaires diffusaient une lumière hésitante, vacillante à travers les gouttes. Les klaxons qui d’ordinaire rendaient la ville bruyante semblaient étouffés, absorbés par le déluge.
Adrian marchait d’un pas rapide, son manteau sombre plaqué à son corps par l’eau. Il avait quitté le bureau plus tard que prévu, emportant avec lui ce mélange de fatigue et d’insatisfaction qui pesait souvent sur ses épaules. Trente ans à peine, et déjà la sensation d’être enfermé dans une routine qui l’étouffait. Pourtant, ce soir-là, quelque chose flottait dans l’air, une impression diffuse que sa vie allait basculer.
Le café « L’Horizon Bleu » apparaissait au coin de la rue. Petit, discret, mais chaleureux, Adrian aimait s’y réfugier les soirs de pluie. Il devait y retrouver Ricardo, son ami de toujours, celui qu’il considérait comme un frère.
Il entra, secouant la pluie de ses cheveux, et la chaleur du lieu l’envahit. L’odeur de café fraîchement moulu se mêlait aux notes sucrées de pâtisseries. Les conversations feutrées, les rires timides, tout semblait adouci par les vitres embuées. Adrian choisit une table près de la fenêtre, observant la pluie ruisseler en lignes capricieuses.
C’est alors qu’elle entra.
La porte s’ouvrit dans un tintement léger, et une femme franchit le seuil. Ses cheveux noirs, trempés, collaient à son visage. Elle secoua doucement sa tête, laissant échapper des perles d’eau qui brillaient sous la lumière. Son manteau crème, pourtant détrempé, semblait encore lui donner une allure distinguée.
Elle leva les yeux, balaya la salle du regard, puis s’assit à deux tables d’Adrian. Il sentit son souffle se bloquer. Ses traits étaient d’une délicatesse troublante : lèvres fines, nez droit, mais surtout ce regard… profond, presque insondable, comme si des secrets y dormaient.
Adrian détourna les yeux, mal à l’aise face à cette soudaine attirance. Mais déjà son cœur battait plus fort, résonnant dans sa poitrine comme un tambour.
Un carnet tomba de son sac, glissant au sol dans un bruit feutré. Adrian n’hésita pas : il se leva, ramassa l’objet, et s’approcha.
— Vous avez fait tomber ceci, dit-il en tendant le carnet.
Elle releva les yeux vers lui. Et dans ce simple geste, ce simple échange de regards, Adrian sentit le temps s’arrêter.
— Merci… répondit-elle d’une voix douce, presque musicale.
Il fut frappé par la clarté de son timbre, par la manière dont son sourire semblait réchauffer même la pluie battante dehors.
— Je m’appelle Adrian, dit-il un peu maladroitement.
— Estella, répondit-elle avec un sourire qui s’imprima aussitôt dans sa mémoire.
À ce moment précis, Ricardo entra, essuyant lui aussi la pluie de ses cheveux. Son regard vif passa d’Adrian à la jeune femme, et un sourire complice se dessina sur ses lèvres.
— Adrian ! s’exclama-t-il en posant une tape amicale sur son épaule. Je vois que tu as déjà fait connaissance… Je te présente Estella, une amie très chère.
Adrian hocha la tête, troublé. Estella. Un prénom qui sonnait comme une promesse.
Chapitre II – La flamme qui consume
Le lendemain matin, Douala s’éveillait sous une chaleur humide, caractéristique des matins trop tôt après une nuit de pluie. Les rues, encore perlées de gouttes nocturnes, miroitaient sous les premiers rayons du soleil qui perçaient entre les nuages. Adrian sortit de son appartement, le cœur encore troublé par la rencontre de la veille. Chaque détail d’Estella revenait en mémoire avec une précision presque douloureuse : le glissement de ses doigts lorsqu’elle avait saisi son carnet, l’ombre de timidité dans ses yeux, la douceur de sa voix qui résonnait encore comme une musique lointaine.
Il se surprit à marcher plus lentement que nécessaire, s’attardant à observer les passants pressés, les vendeurs de beignets et de café sur le trottoir, les enfants éclaboussant les flaques d’eau. La ville, habituelle et familière, semblait soudain différente, animée par la promesse de quelque chose qu’il ne savait pas encore nommer.
Son téléphone vibra, un message inattendu. « Bonjour Adrian, c’est Estella. J’espère que la pluie n’a pas effacé votre souvenir d’hier… » Son cœur fit un bond. Les mots simples contenaient une chaleur qu’il ne pouvait ignorer. Il répondit aussitôt, essayant de cacher son excitation derrière des phrases mesurées. Rapidement, une conversation s’engagea, légère, teintée de curiosité et de sourires invisibles.
L’après-midi, il la retrouva dans un petit café du quartier Akwa, celui qu’elle avait mentionné dans ses messages. Elle l’attendait, un livre à la main, et lorsque leurs regards se croisèrent, un frisson passa dans l’air, imperceptible pour les autres clients, mais suffocant pour eux deux. La chaleur du lieu contrastait avec l’humidité extérieure, mais ce n’était pas la température qui réchauffait Adrian ; c’était sa présence.
Ils parlèrent pendant des heures, découvrant des fragments de leurs vies. Estella racontait avec passion sa jeunesse dans les quartiers de Douala, ses rêves de voyage et d’écriture. Adrian, d’ordinaire si réservé, se surprit à lui confier ses ambitions, ses peurs, et même ces moments de solitude qu’il gardait jalousement pour lui-même. Il y avait dans ses mots une transparence rare, une authenticité qu’il n’avait jamais connue avec personne.
Le soleil commençait à décliner, teignant le ciel de nuances rouges et dorées. Douala se transformait sous cette lumière crépusculaire, les immeubles reflétant les derniers rayons, les rues se peuplant de silhouettes pressées. Adrian et Estella sortirent, marchant côte à côte le long des quais du Wouri. Le vent léger apportait le parfum de l’eau et des fleurs des marchés flottants. Chaque pas rapprochait leurs mondes, et chaque regard volé laissait une brûlure douce au cœur d’Adrian.
Ils s’arrêtèrent près d’un banc, où l’on pouvait voir les bateaux glisser lentement sur le fleuve. Les mots devinrent superflus. Estella posa sa main sur celle d’Adrian, et un silence chargé de désir s’installa entre eux. Le contact, si bref et pourtant si intense, éveilla une flamme qu’aucun des deux ne voulait éteindre. Les bruits de la ville semblaient s’éloigner, remplacés par le tumulte de leurs cœurs battant à l’unisson.
Pourtant, sous cette passion naissante, un frisson d’inquiétude persistait. Adrian sentait cette peur étrange, subtile, que quelque chose dans cette perfection fragile pouvait basculer à tout instant. Il tenta de chasser cette pensée, se concentrant sur le sourire d’Estella, sur la chaleur de sa main contre la sienne. Elle, de son côté, semblait elle aussi consciente de la tension entre désir et incertitude, mais ses yeux brillaient d’une détermination tendre, presque audacieuse.
Les jours suivants s’écoulèrent comme un rêve éveillé. Chaque rencontre renforçait leur lien, Douala devenant le théâtre de leur romance. Ils se promenaient dans les ruelles animées de Bonanjo, goûtaient aux délices des marchés, riaient sous la pluie qui revenait parfois inopinément, chaque goutte semblant ponctuer leur passion. Le soir, Adrian rentrait chez lui avec l’esprit en feu, incapable de détacher son imagination des courbes d’Estella, de la douceur de sa voix, de son rire cristallin qui persistait longtemps après qu’ils se soient séparés.
Mais l’amour naissant ne connaissait pas que la lumière. Un jour, en traversant le marché de Mokolo, Adrian aperçut Estella discuter avec un homme dont l’allure éveilla un malaise immédiat. La conversation était ponctuée de gestes intimes, et Adrian sentit un éclat de jalousie, un poison inconnu qui s’insinuait dans son cœur. Il détourna les yeux, tentant de chasser cette vision, mais le doute s’était installé, fragile mais tenace.
Le soir, ils se retrouvèrent au même café qu’ils avaient appris à aimer ensemble. Adrian, incapable de contenir ses sentiments, la questionna doucement. « Est-ce qu’il y a quelqu’un… dans ta vie ? » Les yeux d’Estella s’emplirent d’une surprise mêlée de tendresse. « Non, Adrian… Il n’y a que toi. » Pourtant, un voile d’incertitude persistait dans ses yeux, une hésitation qu’Adrian ne pouvait interpréter.
La passion, cependant, avait son propre langage. Une soirée, sur la terrasse d’un petit restaurant surplombant le fleuve, la chaleur de leurs corps rapprochés, le parfum de la pluie mêlé à celui de la nourriture, tout conduisit à un rapprochement irréversible. Leurs lèvres se touchèrent enfin, et le monde autour d’eux s’effaça. Les émotions qu’ils refoulaient depuis des jours explosèrent en un torrent de désir et de douceur. La flamme qui consumait Adrian brûlait maintenant en Estella, et chaque geste, chaque souffle partagé scellait un lien que rien ne semblait pouvoir rompre.
Pourtant, même dans ce tourbillon de passion, une ombre persistait. Adrian sentait une force invisible, un murmure lointain, comme si le destin, déjà, préparait ses épreuves. Chaque sourire échangé, chaque main serrée devenait un pacte fragile avec l’avenir, un futur incertain où l’amour et la trahison pourraient coexister. Et malgré l’ivresse de ces moments, Adrian savait, au plus profond de lui, que la flamme qui les consumait n’était peut-être pas seulement celle de l’amour, mais celle d’une tragédie qui se dessinait lentement dans les cendres de Douala.
Lorsque la nuit enveloppa la ville, et que les lumières des lampadaires se reflétaient sur l’eau du fleuve, Adrian et Estella s’attardèrent encore, enlacés, silencieux. Le vent jouait avec leurs cheveux, la pluie fine de la veille laissait des perles sur leurs visages, et la ville tout entière semblait retenir son souffle, spectatrice muette de ce lien intense et fragile. Dans ce moment suspendu, Adrian comprit que son monde venait de basculer. Il avait trouvé Estella, et avec elle, une passion qui le consumait entièrement… mais dont le prix restait encore inconnu.
Chapitre III – Frères de sang
La lumière de midi filtrait à peine à travers les stores du bureau d’Adrian, dessinant des lignes dorées sur le sol ciré. L’air était lourd, saturé de chaleur et de l’odeur du café tiède qui s’échappait de sa tasse. Pourtant, malgré ce cadre familier, Adrian ne pouvait se concentrer. Ses pensées revenaient sans cesse à Estella, à la manière dont elle avait illuminé son quotidien depuis leur rencontre.
Ce matin-là, Ricardo vint frapper à sa porte avec ce sourire confiant qui ne laissait jamais transparaître ses intentions véritables. Adrian leva les yeux, surpris par son ami d’enfance, dont la présence semblait à la fois rassurante et perturbante. Ricardo avait toujours été là, un frère de cœur plus qu’un simple ami. Mais depuis quelques semaines, Adrian avait perçu chez lui une ombre, subtile et inquiétante, qu’il n’arrivait pas à décoder.
— Salut, Adrian, lança Ricardo en franchissant le seuil, ses yeux brillants d’un éclat presque trop intense. Tu as l’air ailleurs.
— Je… Oui, je pense juste à Estella, répondit Adrian, embarrassé. Ricardo hocha la tête, comme s’il comprenait plus que ce qu’il ne voulait montrer.
— Je comprends, dit-il d’une voix douce mais calculatrice. Elle a ce pouvoir sur toi, n’est-ce pas ?
Adrian sentit un mélange d’étonnement et de malaise. Ricardo ne s’était jamais montré curieux à ce point des affaires de cœur d’Adrian. Pourtant, il ne posa pas de questions supplémentaires. Il s’assit, croisant les jambes, et fixa Adrian avec cette intensité qui l’avait toujours déstabilisé.
— Écoute, dit Ricardo après un moment de silence, je sais que tu tiens à elle. Mais fais attention. Les apparences peuvent être trompeuses. Certaines personnes cachent leur vraie nature derrière un sourire…
Adrian frissonna. Il avait confiance en Estella, et pourtant, les mots de Ricardo résonnaient étrangement dans son esprit. Était-ce une mise en garde sincère, ou un avertissement teinté de jalousie ? Il ne pouvait le dire.
Plus tard dans la journée, Adrian reçut un appel inattendu. La voix à l’autre bout était grave, presque cérémonieuse. Ricardo avait rencontré quelqu’un qui voulait le voir, et son ton laissait deviner que l’affaire n’était pas banale. Intrigué, Adrian décida de le suivre dans les rues étroites de Bonanjo, là où le quartier ancien semblait figé dans le temps, entre bâtiments coloniaux et boutiques modernes.
Leur destination était un café discret, presque oublié de tous, où l’air sentait le tabac et le bois ciré. Ricardo y avait déjà pris place, observant les lieux comme un chasseur guette sa proie. Lorsque Adrian s’assit en face de lui, Ricardo lui lança un regard pénétrant, et pour la première fois, Adrian sentit une tension véritable entre eux, un fil invisible qui n’existait pas auparavant.
— Adrian, dit Ricardo d’une voix basse, ce que je vais te dire doit rester entre nous, commença-t-il. Il y a des choses… des choses que tu ignores à propos de certains… certains cercles de Douala.
Adrian fronça les sourcils, incapable de saisir pleinement la portée de ces paroles. Ricardo continua :
— Tu sais que j’ai mes sources, mes contacts. Et je commence à voir des liens… étranges, des convergences qui ne semblent pas innocentes.
Adrian sentit une inquiétude sourde s’installer. Ricardo était toujours prudent, jamais impulsif. Si lui-même exprimait ces doutes, il y avait forcément quelque chose de sérieux derrière.
— Et… Estella ? demanda Adrian, la voix tremblante.
Ricardo esquissa un sourire énigmatique, presque cruel.
— Elle est… différente, répondit-il vaguement. Mais il y a des forces que tu ne peux pas comprendre pour le moment. Fais-moi confiance.
Le reste de la conversation resta volontairement flou. Ricardo ne révélait pas tout, mais laissait suffire de quoi semer le doute dans l’esprit d’Adrian. La tension monta d’un cran, insidieuse, comme une pluie fine qui s’infiltre partout et mouille progressivement l’âme.
Ce soir-là, Adrian retrouva Estella au marché de Bonamoussadi, où les lampions rouge et or pendaient entre les étals de fruits et d’épices. La lumière des lanternes illuminait son visage avec douceur, et pour un instant, Adrian oublia les avertissements de Ricardo. Il s’approcha d’elle, la prenant dans ses bras avec une tendresse qu’il n’avait jamais ressentie.
— Tu m’as manqué, murmura-t-il, les yeux plongés dans les siens.
Estella répondit par un sourire, mais une ombre passa furtivement dans ses yeux, presque imperceptible, que seule l’expérience d’Adrian put déceler. Cette brève hésitation, cette nuance subtile, déclencha une alerte silencieuse dans son esprit. Était-ce simplement de la fatigue ? Ou y avait-il déjà quelque chose de plus complexe qui se tramait ?
Les jours suivants, Adrian remarqua des changements chez Ricardo. Plus de messages insistants, des conseils insistants et presque possessifs, des absences mystérieuses. Il semblait surveiller chaque interaction entre Adrian et Estella, analysant, jugeant, parfois intervenant sous prétexte de protéger son ami. Mais cette protection avait un goût étrange, une intensité presque possessive, qui trahissait quelque chose de plus profond et obscur.
Un soir, alors que le vent soufflait avec force et que les nuages couvraient la lune, Adrian croisa Ricardo au coin d’une rue déserte. Les lampadaires projetaient leurs ombres longues et vacillantes sur le bitume humide. Ricardo s’approcha, un léger sourire ironique aux lèvres.
— Tu sais, Adrian, dit-il doucement, certaines amitiés sont comme le feu. Elles peuvent réchauffer… ou brûler. Fais attention à ce que tu allumes.
Adrian sentit un frisson glacé parcourir son échine. Les mots étaient simples, mais l’avertissement était clair. Ricardo n’était pas seulement un ami. Il était un frère de sang dans le sens le plus ancien du terme, un lien indestructible, mais aussi un lien capable de blesser profondément.
Cette nuit-là, Adrian rentra chez lui le cœur lourd. Il repensa à Estella, à Ricardo, à Douala qui semblait soudain pleine de mystères et de dangers cachés derrière chaque sourire. La passion qu’il vivait avec Estella, encore douce et ardente, se mêlait maintenant à une inquiétude latente. Le triangle invisible qu’il formait avec Ricardo devenait de plus en plus complexe, une toile d’ombres et de flammes qui promettait que rien ne serait jamais simple.
Dans le silence de son appartement, Adrian contempla la ville illuminée depuis sa fenêtre. Les bateaux glissaient sur le Wouri, les lampadaires jetaient des reflets tremblants sur l’eau, et il comprit que les prochaines semaines seraient déterminantes. Il avait trouvé l’amour, mais il se préparait déjà à faire face à la trahison, à la manipulation, à la douleur.
Le destin de Douala semblait désormais écrire ses règles avec une plume de feu et d’ombre. Et Adrian, malgré son cœur enflammé, sentait que chaque pas le rapprochait d’un mystère dont il ne mesurait pas encore l’ampleur. Ricardo, frère de sang et ami de toujours, n’était plus seulement un allié. Il devenait, lentement mais sûrement, le pivot autour duquel tourneraient les vérités et les mensonges, les passions et les trahisons.
Dans ce jeu dangereux, Adrian comprit une chose : aimer Estella ne suffirait peut-être pas à le protéger. Et tandis que la nuit étendait son voile sur Douala, il sut que le véritable test de son cœur n’avait pas encore commencé.
Veuillez télécharger l'application MangaToon pour plus d'opérations!