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Silence

Chapitre 1 : Une Routine Parfaite

« NON. Absolument PAS. »

Kaito était affalé sur le canapé de son luxueux appartement, un masque noir sur les yeux. Sa voix était ferme, teintée d'une lassitude qui n'était pas feinte.

« Je suis épuisé, Yuki. Annule. Dis que je suis malade. Dis n'importe quoi. »

Yuki, sa manager et cousine, ne se laissa pas démonter. Elle savait parfaitement comment s'y prendre avec lui.

« Écoute-moi, Kaito ! Cette visite à l'hôpital pour les enfants malades... C'est parfait pour ton image ! Ren est gentil, généreux, attentionné ! Les photos feront le tour des réseaux ! Tu as besoin de ce genre de pub en ce moment. »

« Je m'en fiche, de mon image », grogna-t-il en se redressant, repoussant son masque. Son visage était tiré, marqué par la fatigue. « J'ai besoin de repos. De vrai repos. Pas de jouer les pantins souriants. »

Yuki s'assit à côté de lui, son expression devenant plus sérieuse, plus personnelle. « Je sais. Et je te promets, après ça, je te dégage deux jours complets. Rien. Nada. Mais là... fais-le pour moi ? S'il te plaît ? » Elle le regarda avec ces yeux suppliants qui avaient toujours raison de ses résistances depuis leur enfance. « Juste une heure. Tu souris, tu signes des autographes, tu poses pour quelques photos et tu repars. Rien de plus simple. »

Kaito poussa un long soupir, dramatique, sachant pertinemment qu'il avait perdu. Il ne pouvait jamais rien lui refuser.

« Une heure. Pas une minute de plus. Et tu tiens ta promesse : deux jours sans aucune obligation. »

« YES ! Tu ne le regretteras pas ! » s'exclama Yuki, déjà en train de pianoter sur son téléphone pour tout confirmer.

L'agitation était palpable dans le service pédiatrique. La star Ren allait venir ! Infirmières et médecins chuchotaient, excités.

Tout le monde... sauf Sayuri.

«Docteur Tanaka, vous venez ? Ren arrive ! » s'exclama une jeune infirmière.

«J'ai des rounds à faire », répondit Sayuri calmement, sans même lever les yeux de son dossier. « Amusez-vous bien. »

Le monde des paillettes et des sourires factices lui semblait aussi distant que la lune. Son monde à elle était fait de diagnostics et de soins, et cela lui convenait parfaitement.

Kaito était là. Au milieu du couloir, sourire parfait collé aux lèvres, costume impeccable. Il serrait des mains, signait des autographes, distribuant des « Merci pour votre soutien ! » avec une grâce automatique.

Une heure. Juste une heure, se répétait-il intérieurement, comme un mantra.

Sayuri sortit d'une chambre, son dossier patient à la main. Pressée, le regard baissé sur ses notes, elle tourna dans le couloir... et heurta de plein fouet quelqu'un.

CLAC !

Son dossier,ses papiers, tout vola en l'air avant de s'éparpiller sur le sol.

« Oh ! Pardon, je ne regardais pas... », commença-t-elle en se relevant.

Elle leva les yeux.

Et son cœur fit un bond inexplicable.

Ces yeux.

C'étaient ces yeux. Ceux qu'elle avait vus dans le clip que Midori lui avait montré. Ceux qui l'avaient troublée sans raison. Mais en vrai, c'était différent. En vrai, elle voyait la fatigue derrière le maquillage. La tension autour de sa bouche souriante. L'effort surhumain pour maintenir le masque.

Kaito, lui, se figea en la voyant. Son sourire de star s'éteignit une seconde, surpris par la collision. Et dans le regard franc et intense de cette jeune femme en blouse blanche, il ne vit pas l'admiration habituelle. Il vit... de l'attention. Un vrai regard, qui semblait voir au-delà de la célébrité, droit vers la fatigue qu'il cachait.

Une infirmière paniquée s'excusa : « Ren ! Je suis désolée ! Docteur Tanaka, je vous présente Ren, notre invité... »

« Ce n'est rien », dit Kaito, retrouvant son sourire en un éclair, mais un peu moins brillant qu'avant. « C'est moi qui étais mal placé. »

Il se pencha pour l'aider à ramasser ses papiers. Leurs mains se frôlèrent.

ZAP.

Une étincelle. Un choc silencieux.

Sayuri le fixa, interdite. Pourquoi son pouls s'emballait-il ?

Kaito la regarda,intrigué. Pourquoi ce visage sérieux lui semblait-il... familier ?

« Docteur... Tanaka ? » dit-il, son nom sur les lèvres comme une question.

« Oui », murmura-t-elle, ramassant la dernière feuille. « Bienvenue à l'hôpital. »

Leurs regards restèrent accrochés un instant de trop, dans le bruyant couloir, comme si le monde autour avait soudain disparu.

Chapitre 2 : Après la Collision

Le reste de la visite de Kaito se déroula comme prévu : sourires, photos avec les enfants malades, signatures. Mais son automatisme était troublé. Son regard, derrière le masque de Ren, errait parfois, cherchant inconsciemment la silhouette en blouse blanche qui avait disparu aussi vite qu'elle était apparue.

Docteur Tanaka. Le nom tournait dans sa tête. Il y avait quelque chose dans ses yeux... Une absence de fascination, une lucidité qui l'avait transpercé. Ça avait été... déstabilisant. Et étrangement rafraîchissant.

De son côté, Sayuri avait regagné son bureau, tentant de se replonger dans ses dossiers. Mais la scène du couloir revenait par intermittence. La sensation du choc. L'éclat surpris dans le regard ambré de l'idole. La brève vulnérabilité qu'elle y avait lue. Elle secoua la tête, s'efforçant de chasser ces pensées.

C'est absurde. Il fait son show, c'est tout.

Pourtant, en fin d'après-midi, alors qu'elle passait près de la salle de repos du personnel, une voix l'interpella.

— Docteur Tanaka ?

Elle se retourna. C'était Yuki, la manager dynamique qu'elle avait aperçue plus tôt.

— Oui ?

— Je voulais m'excuser encore pour tout à l'heure, dit Yuki avec un sourire désarmant. Ren était vraiment désolé, vous savez. Il déteste les malentendus.

— Il n'y a pas de mal, vraiment, assura Sayuri, un peu surprise. C'était ma faute.

— Vous êtes très gentille. Au fait... — Yuki baissa un peu la voix, comme pour partager un secret. — Ren a été un peu secoué par cette rencontre. Dans le bon sens ! Il a trouvé que vous aviez... une énergie très apaisante.

Sayuri leva un sourcil, perplexe. « Apaisante » ? Voilà un compliment pour le moins inattendu.

— Je... vois, dit-elle, ne sachant quoi répondre d'autre.

— Écoutez, je ne vais pas tourner autour du pot, enchaîna Yuki, passant en mode manager. Ren a une schedule infernale. Le stress, la fatigue... Vous savez, ce métier... — Elle eut une petite moue complice. — Il aurait besoin de moments pour se recentrer. De calme. Et cet hôpital, malgré tout, a des espaces plutôt... sereins. Pensez-vous que ce serait possible qu'il revienne, parfois ? Pas en idole. Juste pour souffler. Discrètement, bien sûr.

Sayuri resta bouche bée. La proposition était si incongrue qu'elle en était presque ridicule.

— Madame... Yuki, n'est-ce pas ? Je ne suis pas sûre que l'hôpital soit le lieu idéal pour... se ressourcer. Et puis, je ne vois vraiment pas ce que je...

— Oh, mais si ! insista Yuki. Juste une présence tranquille. Une oreille neutre. Vous semblez si... grounded. C'est exactement ce dont il a besoin. En dehors de tout ça. — Elle fit un geste vague pour désigner le monde du spectacle.

Sayuri hésita. La demande était étrange, mais elle sentait une sincérité inquiète chez Yuki. Une inquiétude qui dépassait le simple souci d'image.

— Je... devrais en parler à ma supérieure, finit-elle par dire, très prudente.

— Bien sûr ! Bien sûr ! s'exclama Yuki, lui glissant une carte de visite dans la main. Appelez-moi. S'il vous plaît. Réfléchissez-y.

Sur ce, elle tourna les talons et disparut dans le couloir, laissant Sayuri alone avec la carte en main et un profond sentiment de confusion.

Qu'est-ce qui vient de se passer ?

Elle regarda la carte. Le nom "Ren" brillait en lettres argentées. Irréel.

Ce soir-là, en rentrant chez elle, Sayuri trouva Midori en train de regarder en boucle le clip de Ren.

— Il est trop beau ! Regarde ce sourire ! s'extasia Midori.

Sayuri regarda l'écran. Le sourire parfait, éclatant. Mais maintenant, elle ne pouvait s'empêcher de chercher autre chose. La faille. La trace de cette fatigue qu'elle avait entrevue.

Et elle repensa à la proposition de Yuki. Une idée folle.

Mais une idée qui, contre toute attente, ne la laissait pas indifférente.

Fin du Chapitre 2

Chapitre 3 : Le Confident

Kaito fixait le plafond de son dressing-room, le maquillage à moitié démaquillé. Le reflet dans le miroir lui renvoyait l'image de Ren, mais en dessous, il ne voyait que le fantôme de Kaito, le lycéen lâche.

*Elle ne m'a pas reconnu.*

Le soulagement avait été bref, aussitôt remplacé par une honte plus acérée. Bien sûr qu'elle ne l'avait pas reconnu. Pourquoi se souviendrait-elle de lui ? Il n'était qu'un visage dans la foule de ceux qui lui avaient rendu la vie infernale. Un détail dans un cauchemar qu'elle avait fui.

*Elle est médecin.* L'information tournait en boucle dans sa tête, aussi douloureuse qu'un coup de poing. Elle avait réussi. Elle s'était construite, brillante et respectée, malgré eux. Malgré *lui*.

La porte s'ouvrit sans frapper. Riku entra, son sourire taquin déjà aux lèvres.

— Alors, superstar ? Raconte ! Comment s'est passée ta mission humanitaire à l'hôpital ? Tu as soigné des âmes avec ton sourire à un million de yens ?

Kaito ne se retourna pas. Sa voix était plate, étranglée.

— Je l'ai revue.

Riku cessa instantanément de sourire. Il n'eut pas besoin de demander « qui ? ». Il était l'un des seuls à connaître toute l'histoire, à porter le poids de la complicité par silence.

— ... Sayuri ? souffla-t-il.

— Docteur Tanaka, maintenant, corrigea amèrement Kaito. Elle travaille là-bas. Je lui ai rentré dedans. Littéralement.

Riku s'assisa lourdement sur le canapé.

— Putain. Et... elle t'a reconnu ?

— Non. Rien. Nada. — Il se redressa enfin, son visage était pâle, marqué par l'angoisse. — Elle m'a regardé comme on regarde une nuisance. Un obstacle dans son couloir. Elle ne voit que Ren. Elle ne voit même pas le connard que j'étais.

— C'est une bonne nouvelle, non ? lança Riku, essayant de trouver du positif. Elle a tourné la page. Toi aussi, tu devrais...

— COMMENT ? hurla soudain Kaito, faisant sursauter son ami. — Comment je pourrais tourner la page ? Regarde-la, Riku ! Regarde ce qu'elle est devenue ! Et regarde-moi ! Je suis une marque, un produit ! Je souris pour vendre des rêves en carton alors que j'ai détruit les siens !

Le silence tomba, lourd de vérités trop longtemps étouffées. Riku baissa les yeux.

— Qu'est-ce que tu vas faire ?

— Je ne sais pas, murmura Kaito en enfouissant son visage dans ses mains. Yuki veut que j'y retourne. Pour « me ressourcer ». Elle pense que le Dr Tanaka a une énergie « apaisante ». — Il eut un rire rauque, sans humour. — La seule chose que je mérite d'elle, c'est un coup de scalpel.

Riku le regarda, son cœur serré. Il voyait le vertige dans les yeux de son ami. Le vertige de la culpabilité, et quelque chose d'autre, de bien plus dangereux : une fascination malsaine, l'envie de se brûler à la flamme qu'il avait autrefois tenté d'éteindre.

— Fais attention, Kaito, dit-il gravement. Tu joues avec le feu. Pour toi. Et pour elle.

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