Elsa descendit de la calèche, ses talons claquant contre les pavés alors qu'elle levait les yeux vers les tours étincelantes du château de vacances. Le soleil d'été brillait sur le lac qui entourait la cour, et des bannières pastel flottaient dans la brise. C'était censé être une retraite paisible — un rassemblement annuel entre princesses, loin des devoirs royaux, des intrigues de cour et des attentes.

Mais dès qu'Elsa franchit les portes, un frisson d'angoisse glissa sous sa peau. Ce n'était pas la magie. C'était... autre chose.

— Elsa! s'exclama Belle en courant vers elle, le visage illuminé d'un sourire radieux. On est si heureuses que tu sois enfin là!

Elle l'enlaça chaleureusement, et Elsa lui rendit l'accolade, bien que son regard fouillait déjà la grande salle. Cendrillon, Blanche-Neige, Ariel, Aurore, même Raiponce — elles étaient toutes là, vêtues de robes fluides et baignées d'une aura de contentement. Et pourtant...

Chacune était accompagnée d'un homme.

Ils étaient tous charmants, souriants, confiants. Mais l'inquiétude d'Elsa s'accentua à mesure qu'elle les observait.

— J'ai raté une info? demanda-t-elle discrètement alors que Belle la guidait vers un fauteuil. On avait dit qu'on amenait des invités cette année?

Le sourire de Belle se figea une demi-seconde.

— Oh. Eh bien... c'est arrivé comme ça. Une par une. Nous sommes toutes mariées, maintenant.

— Mariées? répéta Elsa, clignant des yeux. Toutes?

Belle hocha la tête en joignant les mains.

— Oui! N'est-ce pas merveilleux?

Le regard d'Elsa balaya de nouveau la pièce. Ariel tenait la main d'Éric comme s'il possédait tous les secrets de l'océan. Cendrillon reposait la tête sur l'épaule de son prince, docile et silencieuse. Blanche-Neige riait à une plaisanterie, mais son rire sonnait trop aigu, trop sucré, presque répété. Et Aurore... le prince tenait sa taille d'une main possessive, les doigts crispés.

— Depuis combien de temps... vous les connaissez? demanda Elsa, la voix plus tranchante.

Belle hésita.

— Eh bien, j'ai rencontré Adam — la Bête — quand j'étais sa prisonnière, mais...

— Je connais ton histoire, l'interrompit Elsa. Mais les autres?

— Aurore a vu Philippe une fois dans la forêt. Blanche a... elle s'est réveillée avec un baiser. Et Ariel a troqué sa voix pour approcher Éric.

Le cœur d'Elsa se serra.

— Vous avez épousé des hommes que vous connaissiez à peine.

Belle cligna des yeux.

— Nous les aimons.

Elsa recula d'un pas, du givre traînant derrière elle sur le sol poli.

— Ou vous pensiez devoir les aimer. Parce que c'est ce que les contes disent, non? Que l'amour est immédiat. Un regard, une danse, un baiser. Et puis... le mariage.

Un silence pesa dans la salle. Même les princes se tournèrent vers elle.

— Elsa, commença doucement Cendrillon. Tu as toujours été... différente.

Les yeux d'Elsa se fixèrent sur elle.

— Différente parce que je n'avais pas besoin d'être sauvée?

— Non, dit Raiponce d'une voix douce. Différente parce que tu ne voulais personne.

— Ce n'est pas vrai, répondit Elsa. Je ne voulais pas qu'on me dise qui vouloir.

Le silence devint lourd comme un ciel d'hiver chargé de neige.

Un des princes — sans doute Charmant — ricana.

— Allons, allons. Elle est juste seule. C'est pour ça qu'elle s'énerve.

— Je ne suis pas en colère, dit Elsa, sa respiration gelant l'air. Je suis inquiète. Vous vous êtes données à des inconnus, au premier qui vous a regardées ou embrassées. Ce n'est pas de l'amour. C'est un scénario. Et je croyais que nous étions plus fortes que ça.

Blanche-Neige avança, les yeux tremblants.

— Mais qu'est-ce qu'on devait faire, Elsa? On nous a dit toute notre vie qu'un prince viendrait nous sauver de tous nos problèmes. Qu'un baiser changerait tout. Que le mariage était la récompense. Que l'amour serait simple.

— Et ça l'est? demanda Elsa, tout bas. C'est simple?

Personne ne répondit.

Elsa soupira, laissant sa magie se retirer de ses mains.

— Je ne dis pas que l'amour est mauvais. Mais l'amour demande du temps. De la confiance. Connaître l'autre. Le choisir — pas juste l'accepter parce que l'histoire l'a décidé.

Belle, muette à présent, baissa les yeux.

— Et maintenant, on fait quoi?

— Parlez-leur, répondit Elsa doucement. Vraiment. Posez des questions. Exigez des réponses. Demandez-vous si l'homme à vos côtés est celui que vous auriez choisi — pas celui que le conte a choisi pour vous.

Un instant de silence. Puis lentement, Aurore se dégagea de l'emprise de Philippe.

— Je ne sais même pas ce qu'il aime manger.

— Je n'ai jamais parlé à Éric de mes sœurs, murmura Ariel.

— Je ne sais même pas à quoi ressemble le royaume de Charmant, chuchota Cendrillon. J'ai toujours vécue enfermée sur le domaine familial...

Elsa esquissa un petit sourire.

— Alors peut-être... que ces vacances sont une chance. De découvrir. De choisir vous-mêmes.

La salle sembla relâcher un souffle collectif, comme si elle retenait sa respiration depuis des années.

Et dehors, sur les montagnes, la neige commença à fondre — non pas à cause de la chaleur, mais grâce à la vérité.