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Nihilo

Nihilo 1 : Une silhouette dans le vide

Il était 2h47 du matin. Le silence dans l’internat universitaire de Mornay-sur-Lac était presque sacré, comme si même le vent retenait son souffle. Jellal, yeux ouverts dans l’obscurité, fixait le plafond. Depuis deux nuits, il sentait quelque chose… pas une présence, non. Plutôt une *absence* — une sorte de vide dense qui semblait flotter dans sa chambre.

*Jellal (pensée)* : *Ce n’est pas un rêve. C’est là, juste là, mais… ça n’existe pas.*

Il se leva, mit ses lunettes, enfila son sweat et sortit de la chambre. Dans le couloir, la lumière vacillait. Ce n’était pas inhabituel, mais ce soir-là, elle semblait suivre son souffle. Il descendit au sous-sol, où la bibliothèque désaffectée était censée être fermée.

Mais la porte était entrouverte.

Il poussa doucement. Une odeur de métal froid et d’humidité le frappa.

— *Tu ne dors jamais, hein ?*

Il sursauta. Yasmine se tenait derrière lui, un livre dans les bras. Elle avait l’air pâle, comme si elle ne dormait pas depuis des jours.

— *Tu sens aussi ?* demanda-t-elle doucement.

Jellal ne répondit pas. Il entra, suivi de Yasmine. Au fond de la salle, une silhouette noire se dessina un instant contre le mur, puis disparut.

— *T’as vu ?!* souffla Yasmine.

— *Oui… mais rien ne laisse de trace. Toujours rien.*

Ils trouvèrent Natsu au petit matin, assis sur une des tables, trempé de sueur, les yeux grands ouverts.

— *Vous avez entendu la voix ?* demanda-t-il.

— *Quelle voix ?* dit Yasmine.

— *Elle me dit mon nom. Elle me demande de regarder dans le vide. De voir ce qui n’est pas là.*

Jellal s’approcha. Sous la table, un mot était gravé à l’ongle : *nihilo*.

— *C’est toi qui as écrit ça ?*

Natsu secoua la tête.

— *Je l’ai vu dans mon rêve. Ce mot. Il était… vivant.*

Quelques heures plus tard, le professeur Victor les convoqua. Il n’était pas homme à s’intéresser aux étudiants ordinaires, mais son regard froid s’arrêta longuement sur eux.

— *Le néant vous observe*, dit-il sans détour. *Ce n’est pas une croyance, c’est un phénomène. Il se manifeste autour de certains sujets... sensibles.*

— *Vous voulez dire qu’on est contaminés ?* s’énerva Natsu.

— *Je veux dire… que vous êtes exposés. À quelque chose d’invisible, d’inquantifiable, mais qui existe dans les interstices du monde. Entre les secondes, entre les pensées. Nihilo n’est pas un mot. C’est un parasite.*

Blessing entra à ce moment-là. Silencieuse, elle regarda le professeur, puis Jellal. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres.

— *Vous avez commencé à entendre les souffles ?* demanda-t-elle d’une voix douce.

Tous se figèrent.

— *Tu les entends aussi ?* demanda Yasmine, choquée.

Blessing hocha la tête. Puis elle dit :

— *Ils ne viennent pas de dehors. Ils viennent de *nous*. C’est ça, le piège.*

Cette nuit-là, aucun d’eux ne dormit. Et dans chaque chambre, un souffle se fit entendre. Lent, régulier, vide. Comme si… quelque chose de mort essayait de respirer.

Et dans chaque esprit, un seul mot tournait lentement, inlassablement : *NIHILO*.

 

Nihilo 2 : l'écho du vide

Le jour s’était levé, mais l’université semblait prise dans un brouillard immobile. Mornay-sur-Lac était à l’écart de tout, perdu dans une campagne grise, entourée de forêts et d’un lac trop silencieux. Une ville parfaite pour se faire oublier. Ou pour être observé par quelque chose qu’on ne comprenait pas.

Dans la cafétéria quasi vide, Jellal sirotait un café froid. Yasmine lisait un vieux livre d’occultisme qu’elle avait trouvé au fond de la bibliothèque fermée.

— *Écoute ça*, dit-elle. *Il y a un passage sur un concept vieux comme le monde. Le néant. Pas le vide, pas le rien... mais un « non-être » qui infecte la perception. Nihilo, ça vient du latin "nihil"… mais ici, il est personnifié.*

— *Tu veux dire… vivant ?*

— *Exactement.*

Natsu entra, l’air hagard.

— *Je me suis enfermé dans ma chambre. J’ai tout éteint. Et pourtant j’ai entendu frapper. Trois coups. Lents. Juste sur le mur, pas la porte.*

— *Tu hallucines peut-être ?* proposa Jellal.

— *Non.* Blessing venait d’arriver. *J’ai entendu pareil. Mais les coups venaient de l’intérieur de mon armoire. Et l’armoire était vide.*

Un silence. Puis, sans prévenir, elle sortit un carnet noir de son sac.

— *Ce carnet, je l’ai trouvé dans le bureau du professeur Victor. Il contient des notes sur nous. Nos noms. Nos chambres. Nos habitudes. Et une mention étrange à côté de chacun : "Exposition au Nihilo : instable."*

Yasmine fronça les sourcils.

— *Le professeur sait ce qui se passe. Il joue avec ça.*

— *Il joue pas… il teste*, corrigea Jellal. *On est des cobayes.*

Ils décidèrent de le confronter.

Le bureau de Victor était plongé dans l’ombre, malgré le soleil. Le professeur était debout, les yeux rivés à la fenêtre.

— *Vous avez découvert le carnet, je suppose ?*

— *Vous saviez depuis le début*, dit Jellal. *Pourquoi nous ?*

Victor se retourna lentement. Il tenait une photo dans la main : un cliché en noir et blanc d’un couloir vide… mais au fond, floue, une silhouette penchée apparaissait.

— *Parce que vous avez vu la Spirale Blanche*, murmura-t-il.

— *La quoi ?* s’étrangla Yasmine.

— *C’est ainsi qu’on nomme la première manifestation du Nihilo. Une forme qui n’est pas visible en plein jour. Mais quand vous êtes seul… quand vous doutez… elle se tord devant vous.*

— *Et vous pensez qu’on est liés à ça ?!* s’énerva Natsu.

Victor s’approcha, lentement.

— *Non. Je pense que vous êtes porteurs. Et que l'un de vous est déjà... *atteint*. L’ennemi n’est pas dehors. Il est déjà entré.*

Un silence glacé tomba dans la pièce.

Ce soir-là, alors qu’ils se retrouvaient tous dans la salle d’étude désaffectée, les néons se mirent à clignoter. Blessing tenait le carnet serré contre elle.

— *Quelqu’un ment ici*, dit-elle. *Et ce n’est pas Victor.*

Yasmine blêmit.

— *Tu crois que l’un de nous…*

— *Je ne crois plus rien*, coupa Jellal. *Mais on doit savoir ce que c’est. Le Nihilo. Ce qu’il veut.*

C’est alors qu’ils l’entendirent.

Un rire. Doux. Féminin. Mais qui venait de nulle part.

Ils levèrent tous les yeux. Au plafond, un mot venait d’apparaître, comme gravé par une lame :

*"VOYEZ-CE QUI N’EST PAS."*

Le monde autour d’eux sembla se plier, et pendant une seconde… ils virent.

Une ville à l’envers, un ciel noir, un lac sans reflet, des gens sans visage. Et au centre, une forme blanche qui spirale vers l’intérieur, comme si le monde s’aspirait lui-même.

Puis tout redevint normal.

Mais aucun d’eux n’avait crié.

Ils savaient que c’était seulement le début.

Et que *le Nihilo venait les chercher, de l’intérieur*.

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Nihilo 3 : celle qui rit

Le lendemain matin, le silence dans le campus était anormal. Même les oiseaux semblaient avoir fui. La pluie tombait sans un bruit, comme si elle avait peur de déranger.

Dans le hall, les quatre étudiants se retrouvèrent. Yasmine, pâle. Natsu, agité. Blessing, renfermée. Jellal, sur ses gardes.

— *Personne ne parle de ce qui s’est passé hier ?* demanda Yasmine, brisant le silence.

— *Parce que ça ne s’est peut-être pas vraiment passé*, répliqua Natsu. *On a tous halluciné, ensemble ? C’est absurde.*

— *Ou alors c’est nous qui sommes absurdes, maintenant…*, murmura Blessing. *Le Nihilo veut peut-être juste ça. Rendre tout flou.*

Jellal tapota la table, pensif.

— *On doit garder les pieds sur terre. Un de nous ment. Et Victor a clairement dit que l’un est atteint. Si c’est le cas… on ne peut faire confiance à personne.*

— *Et si c’était lui, le problème ?* lança Natsu. *Il nous manipule depuis le début.*

Avant que Jellal ne réponde, la porte d’entrée s’ouvrit violemment. Une fille entra, trempée, les cheveux collés au visage, un grand sourire figé sur les lèvres.

— *Salut les amis… vous avez commencé sans moi ?*

Ils la fixèrent, interdits. Elle était mince, l’air perdu, et pourtant son regard semblait lire chacun d’eux.

— *Je suis Louisa*, dit-elle avec légèreté. *Nouvelle. En psycho. Mais je vous ai vus. Vous étiez là hier, près du lac… non ?*

— *Comment tu…* balbutia Yasmine.

— *Je vous observe depuis un moment. Vous êtes intéressants. Très…* Elle s’approcha de Blessing. *Toi, t’es la préférée du vide. Tu le sais, hein ?*

Blessing recula instinctivement.

— *Tu… tu parles de quoi ?*

— *Du sourire. Celui que vous avez tous vu. Celui qui s’étire dans l’ombre.* Elle éclata d’un rire aigu, presque trop humain pour être honnête.

Jellal se leva.

— *Tu n’étais pas censée être là. Tu fais partie de quoi, au juste ?*

— *Je suis la voix qu’ils entendent. La faille qui bouge quand on ne regarde pas. Je suis… Louisa.*

Elle s’assit calmement, essorant ses cheveux sans cesser de sourire.

— *Vous êtes au chapitre trois de votre chute. Il en reste neuf. Pas plus. Et croyez-moi… vous allez détester le septième.*

Plus tard, dans leur salle secrète, ils tentaient de comprendre.

— *C’est elle. Elle est liée au Nihilo, c’est sûr*, dit Blessing, tremblante.

— *Elle connaît trop de choses*, ajouta Yasmine. *Mais elle parle par énigmes. Elle joue un rôle… mais lequel ?*

Natsu, énervé, donna un coup dans le mur.

— *J’en ai marre ! On tourne en rond !*

— *C’est justement ça, le piège*, murmura Jellal. *Le Nihilo crée des cercles. Comme dans les spirales. Comme un virus qui boucle en lui-même. Il ne veut pas juste nous faire peur. Il veut qu’on ne sache plus ce qui est vrai.*

— *Alors on fait quoi ?*

Un silence.

Puis Jellal répondit :

— *On arrête de fuir. On provoque Louisa. On la pousse à craquer. Si elle est le lien… elle montrera sa vraie nature.*

Ce soir-là, ils la retrouvèrent dans le bâtiment désaffecté D. Elle était déjà là, comme si elle les attendait.

— *Alors ? Vous venez jouer ?* demanda-t-elle, les yeux brillants.

— *On veut savoir ce que tu es*, lança Jellal. *Pas ce que tu prétends être.*

— *Oh, mais je suis juste une fille… née dans une faille entre deux pensées. J’ai vu le monde cligner des yeux. Et depuis, je ris. Parce que je sais que vous n’en sortirez pas.*

Blessing se leva, tremblante, et sortit le carnet.

— *Tu connais ce carnet ?*

Louisa tendit la main… puis sourit encore.

— *Je l’ai écrit. Ou plutôt… je l’ai rêvé. Ce carnet m’a été murmuré par l’endroit d’où vient le Nihilo.*

Yasmine s’avança, furieuse.

— *Qu’est-ce que le Nihilo veut ?!*

Louisa la fixa.

— *Il ne veut rien. Il est. Et vous, vous n’êtes pas. Pas encore.*

Elle se leva lentement.

— *Et maintenant, la spirale continue. On se retrouve… au prochain virage.*

Elle disparut dans le couloir.

Mais à l'endroit exact où elle s’était tenue, le sol portait un symbole : *∞*, dessiné en cendre.

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