*Noir. Silencieux. Étouffant.*
Une goutte d’eau tombe dans l’obscurité.
*Ploc.*
Yochi ouvre brusquement les yeux. Une lumière blafarde, blanche, éclaire le plafond craquelé d’une pièce vide. Il est allongé sur le sol froid, habillé en uniforme gris, ses mains légèrement tremblantes.
*YOCHI (pensée)*
_Où… suis-je ? Pourquoi est-ce que je sens… rien ? Pas même une douleur. Pas même un souvenir._
Il se redresse lentement. La pièce est carrée. Quatre murs, sans fenêtres. Une seule porte, métallique, sans poignée. Le plafond grésille d’une lumière suspendue par un câble tordu.
Soudain, un *grincement*.
La porte s’entrouvre dans un craquement métallique. Une silhouette traverse lentement l’encadrement.
Une fille. Longs cheveux noirs, regard creux. Une robe blanche souillée. Elle s’arrête et fixe Yochi sans expression.
*FILLE*
— Tu t’es réveillé. Enfin.
*YOCHI*
— …Qui es-tu ? Où suis-je ?
*FILLE (regard neutre)*
— Tu ne te souviens pas, n’est-ce pas ? C’est normal. Aucun d’entre nous ne se souvient la première fois.
Elle tourne les talons, et commence à s’éloigner dans le couloir sombre. Sa voix résonne derrière elle.
*FILLE*
— Si tu veux vivre… suis-moi. Ou reste là, jusqu’à ce que la pièce se referme.
*YOCHI*
— Attends ! Tu veux dire que je vais mourir ici ?
*FILLE*
— Non. Tu ne vas pas mourir. Tu vas… t’effacer.
Il hésite. Puis avance.
Le couloir est long, couvert de symboles en spirales gravés sur les murs. La lumière oscille. Le sol semble bouger à chaque pas.
*YOCHI*
— Tu ne m’as toujours pas dit ton nom.
Elle s’arrête. Se retourne à peine.
*FILLE*
— Camille.
Ils marchent.
Au bout du couloir, une immense porte. Dessus, un mot est inscrit en lettres rouges : *RETOUR*.
*YOCHI*
— On sort par là ?
*CAMILLE*
— Non. On entre. Toujours. Ce monde n’a pas d’extérieur. Pas vraiment.
La porte s’ouvre sur une ville... mais étrange. Les bâtiments sont tordus. Les lampadaires sont penchés comme s’ils observaient les passants. Les rues dessinent une spirale géante.
Et il n’y a personne. Le silence absolu.
*YOCHI (fronçant les sourcils)*
— C’est une ville fantôme ?
*CAMILLE*
— Non. Elle dort. Pour l’instant.
*YOCHI*
— Tu veux dire que… des gens vivent ici ?
*CAMILLE (le fixant)*
— Disons… qu’ils t’attendent.
Une horloge suspendue au ciel indique *00:00*. Puis *23:59*. Puis *00:01*. En boucle.
*YOCHI*
— Le temps est… cassé ?
*CAMILLE (doucement)*
— Non. Il est enfermé. Comme toi.
Un bruit surgit derrière eux. Une *respiration lourde*. Quelqu’un les suit.
*CAMILLE (calme)*
— Tu veux une réponse ? Regarde derrière toi.
Yochi se retourne.
Un homme sans visage se tient à quelques mètres. Une silhouette noire, semblable à lui… mais floue. Son corps est parcouru de spasmes. Il tend la main vers lui.
*SILHOUETTE*
— …Toi… tu es moi.
*YOCHI (reculant)*
— C’est quoi ça ?
*CAMILLE*
— Ton premier reflet.
La spirale commence.
---
La brume épaisse s’enroule lentement autour des jambes de Yochi. Le silence est brisé seulement par les pas tremblants de la silhouette noire, son *reflet*, avançant vers lui, le bras tendu.
*YOCHI (haletant, recule)*
— Camille, c’est quoi ça… qu’est-ce que ça veut dire "mon reflet" ?!
*CAMILLE (calmement)*
— Ce monde te montre ce que tu refuses de voir. Ton reflet, c’est ce que tu caches, ce que tu nies, ce que tu as oublié. Ici, il prend forme. Il veut te rejoindre.
*YOCHI (regard fixe sur la silhouette)*
— Rejoindre… pourquoi ?!
*CAMILLE (presque murmurant)*
— Pour que tu sois entier. Mais l’un de vous deux devra disparaître.
La silhouette s’arrête net, puis incline la tête comme si elle l’écoutait.
*REFLET (voix distordue)*
— Tu m’as abandonné… tu m’as oublié… tu ne peux pas fuir éternellement…
*YOCHI (serrant les poings)*
— Je ne te connais même pas !
*CAMILLE (posant une main sur l’épaule de Yochi)*
— Et pourtant il connaît tout de toi. Même ce que tu refuses de te dire.
Soudain, la silhouette se jette sur Yochi. Mais au moment de l’impact… rien. Le reflet s’évapore dans une spirale noire, aspiré dans le sol.
Yochi tombe à genoux, en sueur.
*YOCHI*
— Il a… disparu ?
*CAMILLE*
— Non. Il est retourné là où il dort. Pour l’instant. Mais tu vas le revoir. Plus fort. Plus clair. Jusqu’à ce que tu acceptes de fusionner… ou de l’effacer.
*YOCHI (murmurant)*
— Je veux comprendre…
*CAMILLE*
— Alors suis-moi.
Ils s’enfoncent dans la ville spirale. Chaque bâtiment semble tordu par une main invisible. Les escaliers montent vers le bas. Les fenêtres reflètent le passé.
Ils arrivent sur une place ronde, où se trouve un vieil homme assis sur un banc, tenant une horloge cassée.
*VIEIL HOMME (sans les regarder)*
— Le temps est un cercle. Comme l’oubli. Tout revient. Même les cris.
*YOCHI*
— Qui est-ce ?
*CAMILLE*
— Lui ? Un fragment. Une mémoire bloquée ici. Il parle parfois.
*VIEIL HOMME*
— Vous aussi… vous allez tourner.
Camille le fixe.
*CAMILLE*
— Tais-toi, vieil écho. Il n’est pas encore prêt.
Mais la voix du vieil homme monte, comme un chœur :
*VIEIL HOMME (chuchotements multiples)*
— Spirale… spirale… spirale…
Le sol se met à vibrer.
Un grondement.
*YOCHI (tremblant)*
— Qu’est-ce qui se passe ?!
*CAMILLE (calme, déterminée)*
— La ville se souvient. Tu as réveillé quelque chose.
Une faille s’ouvre au sol, une spirale noire immense, et de l’intérieur, des mains tordues sortent, cherchant à agripper tout ce qu’elles peuvent.
*YOCHI*
— On doit fuir !
*CAMILLE (le tirant par le bras)*
— Non ! On doit passer à travers.
*YOCHI*
— Tu es folle ?!
*CAMILLE (yeux brillants)*
— Oui. Folle de vérité. C’est la seule sortie.
Sans prévenir, elle saute dans la spirale.
Yochi hésite. Les mains le frôlent. L’air devient lourd. Il ferme les yeux.
*YOCHI (murmure)*
— Si je dois comprendre… alors allons-y.
Il saute.
Silence.
Puis, un grondement sourd… et tout redevient noir.
---
Tout est noir. Pas une ombre, pas une lumière. Juste un battement. Régulier. Sourd. Comme un tambour lointain dans une poitrine géante.
*YOCHI (flottant dans le vide, voix tremblante)*
— Camille ?! Tu m'entends ?! C’est où ici ?!
Aucune réponse. Le silence est absolu, étouffant. Jusqu’à ce qu’une voix, douce, presque enfantine, perce le néant.
*VOIX*
— Tu es à l’intérieur. Dans la moelle de la spirale.
Une faible lumière apparaît, pulsant doucement, révélant des murs organiques. Ils respirent. Des veines parcourent les parois. Le sol est fait de mots. Des mots en spirale. Ils bougent, chuchotent, griffonnent le passé.
*YOCHI (regardant autour de lui)*
— C’est... vivant ?
*VOIX (plus proche maintenant)*
— C’est ton souvenir. Tes peurs. Tes refus. Tout ce que tu n’as jamais voulu affronter.
Une silhouette s’approche : *Sora*. Le garçon étrange aux yeux trop clairs, presque argentés, l'air toujours calme mais insondable.
*SORA*
— Bienvenue, Yochi. Tu as franchi le seuil.
*YOCHI (méfiant)*
— Tu es qui, toi ?!
*SORA (souriant doucement)*
— Celui qui marche entre toi et toi-même. Le pont. L’aiguille dans la spirale.
*YOCHI*
— C’est une métaphore ? Ou t’es vraiment perché ?
*SORA (penchant la tête)*
— Et si la vérité était plus folle que la folie ? Viens. On a peu de temps.
Yochi le suit. Les couloirs se referment derrière eux.
*YOCHI (regardant le sol fait de lettres mouvantes)*
— C’est quoi ces mots ?
*SORA*
— Tes pensées. Celles que tu refoules. Regarde bien.
Yochi lit :
> *"Je ne mérite pas."*
> *"Ils avaient raison."*
> *"Je n’y arriverai jamais."*
Il recule instinctivement.
*YOCHI*
— C’est... non. C’est pas ce que je pense.
*SORA*
— Non. C’est ce que tu caches sous tout ce que tu montres.
Ils s’arrêtent devant une grande porte noire, couverte de spirales gravées. Au centre : un œil.
*YOCHI*
— Qu’y a-t-il là-dedans ?
*SORA*
— La graine. Là où la spirale a commencé. Si tu veux comprendre ce monde, il faut voir ce qu’elle protège.
*YOCHI (inspirant profondément)*
— Ouvre.
La porte s’ouvre. L’intérieur est une salle circulaire, et au centre… Camille. Suspendue dans les airs, prisonnière d’un cocon translucide, son regard est vide, ses pupilles en forme de spirales.
*YOCHI (choqué)*
— CAMILLE ?! Qu’est-ce que…
*SORA*
— Elle a regardé trop longtemps. Elle a essayé de contrôler la spirale, de la comprendre seule. Mais elle est trop vaste. Trop ancienne.
*YOCHI (s’approche du cocon)*
— Tu peux la libérer ?
*SORA*
— Ce n’est pas moi qui dois le faire. C’est toi.
Le cocon tremble au contact de la main de Yochi. Soudain, une voix familière emplit la pièce :
*CAMILLE (faiblement, dans sa tête)*
— Yochi… tu dois… ne pas regarder trop profond…
Une spirale noire s’échappe de son front et se plante dans celui de Yochi.
Il hurle.
Des souvenirs refoulés affluent : son père, les cris, les nuits seul dans le noir, la honte, les échecs. Tout.
Il tombe à genoux. Sora s’agenouille à ses côtés.
*SORA*
— La spirale t’a reconnu. Tu es prêt. Mais attention, Yochi.
*YOCHI (haletant, les larmes aux yeux)*
— Attention à quoi… ?
*SORA (yeux luisants)*
— Une fois que tu vois, tu ne peux plus oublier. Et le prochain cercle commence.
La spirale sur le sol s’illumine.
Une nouvelle silhouette surgit dans l'ombre de la salle : *Kaede*, une fille à la longue chevelure hirsute, les yeux fous, le sourire trop large pour être vrai. Elle rit doucement.
*KAEDE*
— Vous voulez comprendre la spirale ? Héhé… vous êtes déjà à l’intérieur. Je vous y attendais.
---
La pièce se referme sur eux. Les spirales sur les murs semblent palpiter à mesure que Kaede s’avance. Sa silhouette oscille entre grâce et désordre, comme si sa colonne vertébrale dansait à chaque pas. Un sourire scindait son visage, mais ses yeux… ses yeux hurlaient quelque chose d’ancien.
*KAEDE (chantonnant)*
— Yochi, Camille, Sora… tous les petits grains pris dans le tourbillon… *tic-tac, tic-tac…*
*YOCHI (la fixant, méfiant)*
— Qui t’a permis de prononcer son nom ?
*KAEDE (penchant la tête, imitant sa voix)*
— “Qui t’a permis de prononcer son nom ?” Oh, j’adore quand les héros font genre ils comprennent quelque chose… sauf que… personne ne comprend vraiment.
*SORA (bas, à Yochi)*
— Ne l’écoute pas trop longtemps. Elle mord… à l’intérieur.
*KAEDE (l’entendant malgré tout)*
— Oh, je fais plus que mordre, Sora. Je creuse. Je creuse dans les esprits, dans les os. Dans la mémoire des lieux. Tu sais ce que cache cette salle ?
Elle tourne lentement sur elle-même, effleurant les murs qui réagissent à son toucher : des visages apparaissent brièvement. Hurlants. Dissous.
*KAEDE (s’arrêtant et murmurant)*
— Elle cache le noyau du monde. La toute première spirale. Celle qui a engendré toutes les autres. Celle que Camille a voulu voler.
*CAMILLE (toujours en lévitation, voix faible)*
— Ce n’est pas vrai…
*YOCHI (s’approche, serrant les poings)*
— Dis-moi ce que tu veux, Kaede. Pourquoi t’es là ?
*KAEDE (tapant son front)*
— Moi ? Je suis le canal. Je suis la bouche de la spirale. L’avatar du chaos. Et j’ai quelque chose à vous montrer…
D’un coup, elle s’arrache un ongle et le lance sur le sol. Là où il tombe, le sol se déchire dans un cri surnaturel, et une *vision* apparaît. Une ville. Normale. Moderne. Mais toutes les routes… forment des spirales. Les gens tournent en rond sans s’en rendre compte. Une voix monocorde s’élève.
*VOIX COLLECTIVE*
— Nous avançons. Nous progressons. Nous tournons.
*SORA (pâlissant)*
— C’est… la surface.
*YOCHI (abasourdi)*
— Attends… tu veux dire que le monde au-dessus… est déjà infecté ?
*KAEDE (ricanant)*
— Il l’a toujours été. Vous pensiez que la spirale venait d’ici ? C’est vous qui vivez dans son rêve. Et chaque pas, chaque pensée, chaque acte… alimente le cœur.
*CAMILLE (luttant pour parler)*
— Elle veut vous… faire croire… que tout est perdu…
*SORA (à Kaede)*
— Et toi ? Tu sers quoi, exactement ? Tu veux que tout s’effondre ?
Kaede se retourne lentement vers lui, son sourire s’élargissant à l’impossible.
*KAEDE*
— Je veux que tout *se souvienne*. Que tout le monde *regarde*. Qu’on arrête de fuir ce qu’on est. La spirale… ce n’est pas une malédiction. C’est la mémoire pure. Et moi ? Je suis là pour vous guider vers la dernière boucle.
Elle claque des doigts. Le cocon de Camille se fissure lentement. Des filaments noirs s’en échappent.
*YOCHI (hurle)*
— NON !
*SORA (s’agrippe à lui)*
— Trop tard ! Le lien est en train de fusionner avec elle !
Un vortex s’ouvre au centre de la pièce. L’aspiration est violente. Des fragments de souvenirs s’en échappent : des scènes de l’enfance de Yochi, de Camille, de gens qu’ils n’ont jamais rencontrés. Des générations entières.
*KAEDE (hurlant, exaltée)*
— VENEZ ! ENTENDEZ LE VÉRITABLE NOM DE LA SPIRALE !
Mais soudain, Camille, au centre, hurle d’une voix inhumaine. Son corps brille d’un éclat blanc. Les filaments se rétractent. Elle tombe, haletante, au sol.
*CAMILLE (tremblante)*
— Je… Je ne suis pas à elle. Pas encore…
*YOCHI (la rattrapant)*
— Camille ! Tu reviens, tu m’entends ?
*CAMILLE (faiblement)*
— Yochi… elle sait tout de toi. Même ce que tu caches à toi-même.
Kaede s’approche lentement.
*KAEDE (plus sombre maintenant)*
— Tu crois que tu m’as arrêtée, Yochi ? Ce n’était qu’un anneau. Il y en a des milliers. Et plus tu cherches à sortir… plus tu te rapproches du centre.
Elle tend la main vers Camille, mais Yochi la frappe brutalement au visage. Son sourire se fêle. Un instant. Puis elle rit.
*KAEDE*
— Parfait… tu commences enfin à jouer.
Elle disparaît dans la spirale au sol.
Silence.
*SORA (essoufflé)*
— Le prochain cercle a commencé. Elle ne va plus se cacher.
*YOCHI (regardant Camille)*
— Et nous, on ne va plus fuir.
Le sol pulse. Au loin, une nouvelle porte s’ouvre. Et derrière, un escalier sans fin. En spirale.
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