chapitre 1:
Le faste du palais n’était plus qu’un souvenir douloureux.
Pourtant, Elian se souvenait de chaque détail : la froideur des marbres sous ses pieds nus, la lourdeur des étoffes autour de ses poignets, le regard dur de sa famille, plus acéré qu’une lame.
À vingt-deux ans, il était l’Oméga royal destiné à un avenir tracé — un avenir qu’il avait appris à haïr, jour après jour.
Depuis son plus jeune âge, il avait appris à plier sous le poids des attentes, à dissimuler ses blessures sous des sourires forcés. Mais la douleur n’en était jamais partie. Elle se nichait là, dans chaque regard, chaque murmure, chaque nuit sans sommeil.
Surtout parce que la trahison venait de ceux qu’il croyait proches.
Son fiancé, Dante, Alpha noble, était censé être son refuge. Au lieu de cela, il s’était révélé un loup cruel, trompant Elian avec celle qu’il croyait son amie d’enfance : Iris.
Le jour où Elian les avait surpris dans leur alcôve, le monde avait basculé.
Il se rappelait la morsure glacée de la trahison, le goût amer des larmes qu’il avait dissimulées pour ne pas faire de scandale.
Et la décision déchirante, presque instinctive : rompre. Briser les chaînes dorées.
Le murmure des couloirs s’était alors transformé en cris.
La famille royale l’avait jugé coupable d’avoir brisé l’image parfaite.
Banni. Exilé.
Envoyé dans un appartement minuscule au cœur de la ville, loin des ors et de la puissance, loin de tout.
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Ce jour-là, la pluie s’abattait sans pitié sur la ville grise.
Elian marchait sans but, le cœur lourd, les épaules voûtées. Il était une ombre, un corps fatigué, une âme meurtrie.
Il passait devant le parc abandonné, ses pas résonnant sur le bitume détrempé.
C’est là qu’il l’aperçut.
Un petit garçon, seul, tremblant, assis sur un banc, les joues rougies par le vent froid et les larmes.
Ses yeux noirs semblaient brûler d’un feu invisible.
Une flamme fragile et furieuse dans ce monde glacé.
Le garçon avait à peine trois ans.
Il serrait dans ses mains une peluche effilochée, son seul refuge.
Elian s’agenouilla doucement à ses côtés, le cœur battant.
— « Tu es tout seul ? » demanda-t-il d’une voix plus douce qu’il ne l’aurait cru.
Le petit leva la tête, surpris, méfiant.
— « Je veux rentrer… chez moi… » souffla-t-il.
Elian hésita.
Puis tendit la main.
— « Tu peux venir avec moi. »
L’enfant resta un moment figé, puis s’agrippa au bras d’Elian comme à une bouée.
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Ils n’avaient rien, ni l’un ni l’autre.
Mais ils allaient tout construire ensemble.
Dans ce petit appartement, mal chauffé et trop exigu, Elian s’appliquait à faire sourire Taeo.
Il volait des glaces à la fraise au marchand du coin — un péché doux qui faisait briller les yeux du garçon.
Ils cuisinaient des gâteaux avec des ingrédients de fortune, riant malgré les brûlures et la farine sur le nez.
Chaque soir, ils regardaient des dessins animés serrés l’un contre l’autre, la voix de Taeo chantonnant les chansons maladroitement.
Elian sentait son cœur battre plus fort, se réchauffer.
Peu à peu, le poids de la solitude s’allégeait.
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Mais dans l’ombre, les souvenirs refaisaient surface.
Elian avait coupé les ponts avec son passé — son fiancé, sa famille, ses amis — mais eux ne l’avaient pas oublié.
Un message le fit trembler.
Une photo. Dante et Iris, riant, bras dessus bras dessous.
Et un simple mot : « On t’a exclu de la famille. Tu n’es plus rien. »
La douleur s’infiltra comme un poison dans ses veines.
Elian savait ce qu’il devait faire.
Il rompit définitivement ses fiançailles, coupant les derniers liens.
Mais la famille royale le déclara persona non grata.
Banni.
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Alors qu’il se relevait, au milieu des décombres de sa vie, une tempête plus sombre encore se préparait.
Taeo n’était pas un enfant comme les autres.
Son père, Nero Kaelis, était un Alpha de sang pur — un homme mystérieux et redouté, chef d’une puissante organisation mafieuse.
Quand Nero apprit que son fils avait disparu… et qu’il se trouvait avec Elian, il entra dans une colère noire.
Pour lui, Elian était un ennemi.
Un kidnappeur.
Et ce fut le début de leur confrontation.
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Chapitre 2:
La porte de l’appartement s’ouvrit avec fracas.
Un homme en noir, grand, imposant, à l’allure glaciale, entra sans prévenir. Sa présence aspirait l’air de la pièce, comme un orage silencieux. Elian, figé près du canapé, serra instinctivement Taeo contre lui, son cœur battant si fort qu’il crut un instant qu’il allait tomber.
— Taeo ! appela la voix grave de l’inconnu.
L’enfant leva les yeux. Une étincelle de terreur traversa ses prunelles, suivie d’un silence absolu. Il tremblait, agrippé au pull d’Elian.
— Papa... souffla-t-il enfin, d’une voix minuscule.
Le regard d’acier de l’homme se posa sur Elian. Un jugement instantané. Froid. Tranchant. Et d’une violence silencieuse. Il ne parla pas, se contenta d’avancer vers eux comme une tempête contenue.
— Je... je ne lui ai rien fait, dit Elian, la gorge serrée. Il est venu à moi, je ne savais même pas qui il était...
Nero n’écoutait pas. Il n’entendait rien d’autre que l’écho d’une alarme muette dans sa tête. Son fils avait disparu. Huit semaines. Et il le retrouvait dans les bras d’un inconnu ? D’un oméga ?
Il arracha Taeo à Elian, sans ménagement.
— NON ! cria l’enfant en pleurant. Non ! Maman ! MAMAN !
Le cri glaça le sang de tous les présents. Même Nero, dans sa colère aveugle, hésita une seconde. Taeo s’agitait dans ses bras comme un animal blessé.
— Elle n’a rien fait ! hurla-t-il. Je veux rester avec elle ! C’est ma maman maintenant !
— Tais-toi, Taeo.
Mais l’enfant continuait, le visage noyé de larmes.
— Elle m’aime ! Elle me soigne quand j’ai mal ! Elle me lit des histoires ! On mange des gâteaux ! Papa, laisse-la tranquille !
Nero, déstabilisé, jeta un regard rapide à Elian. L’omega était en larmes, les mains tremblantes. Il semblait si frêle. Si... hors de ce monde.
Et pourtant, il avait réussi à faire quelque chose que personne n’avait su accomplir : apaiser Taeo.
Mais la colère reprit le dessus.
— Attachez-le, ordonna-t-il froidement.
— Non, s’il vous plaît...
Les gardes, venus avec lui, se saisirent d’Elian. Il ne résista pas. À quoi bon ? Ses yeux restèrent fixés sur Taeo, qui hurlait encore, agrippé à son père.
— Ne l’emmène pas ! Papa, s’il te plaît ! Je veux ma maman !
— Ce n’est pas ta mère, Taeo ! grogna Nero, agacé.
Mais l’enfant se débattait, mordait, frappait.
Nero, exaspéré, quitta les lieux en tenant son fils. Elian fut traîné à l’arrière, les poignets attachés, son cœur en miettes.
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Le manoir de Nero était situé à la lisière d’une forêt, à l’écart de la ville. Une bâtisse ancienne, grandiose, mais silencieuse comme un tombeau.
On jeta Elian dans une pièce en sous-sol. Une cave froide, humide, sans fenêtre. À peine éclairée par une ampoule vacillante.
— Tu resteras ici jusqu’à nouvel ordre, cracha un garde avant de refermer la porte.
Elian s’écroula contre le mur, le souffle court. La peur l’enveloppait. Mais plus encore : la douleur d’avoir vu Taeo pleurer. Son petit rayon de lumière.
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À l’étage, Taeo hurlait encore.
— MAMAN ! MAMAN !
Il refusa de manger ce soir-là.
Puis le lendemain.
Et le surlendemain.
Il ne parlait plus à personne. Il avait verrouillé sa porte de chambre. Même les nounous et les gardes n’arrivaient plus à le faire sortir. Le petit garçon joyeux et malicieux était devenu une coquille vide, assise devant la fenêtre, silencieuse, le regard dans le vide.
Nero observait, impuissant. Ce fils qu’il croyait connaître... semblait brisé.
Il convoqua ses conseillers. Interrogea les domestiques. Puis il se rendit seul devant la porte de la chambre.
— Taeo... murmura-t-il, adossé au bois.
Silence.
— Que t’a-t-il fait, cet oméga ?
Une voix s’éleva, faible. Presque un souffle.
— Il m’a aimé...
Nero sentit son cœur se contracter.
— Il m’a dit que j’étais pas un problème... Il a dormi avec moi quand j’avais peur... Il m’a jamais crié dessus... Il me disait que j’étais important...
Un silence douloureux s’installa.
— Et toi ? Tu fais que me gronder... Tu cries tout le temps... Tu m’as pas cherché pendant deux jours... Lui il a pleuré toute la nuit quand j’ai disparu deux heures...
Nero resta là, figé.
Les mots de son fils résonnaient comme un verdict.
Il comprenait enfin que ce n’était pas un simple caprice. Pas une crise passagère.
Elian avait apporté à Taeo ce qu’il n’avait jamais su donner : de la tendresse. Une douceur sans conditions. Un amour pur.
Et maintenant, l’enfant se fanait sans lui.
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Trois jours plus tard, à l’aube, Nero descendit seul dans la cave.
Il ouvrit la porte. Elian était recroquevillé, transi de froid, les yeux rougis par les larmes.
— Viens.
L’oméga leva la tête, méfiant.
— Je ne vais pas te faire de mal. Taeo te réclame. Il ne mange plus. Il ne parle plus. Il ne dort plus. Tu lui as fait quoi ?
Elian serra les lèvres.
— Je l’ai aimé, murmura-t-il. C’est tout.
Un silence pesant s’installa. Nero observa cet être fragile, au fond d’une cave, prêt à tout pour un enfant qui n’était même pas le sien.
Il tendit la main.
— Viens. On va remonter.
Elian hésita. Puis, d’un pas vacillant, il accepta l’aide.
Et dans les couloirs silencieux du manoir, deux mondes se mirent en mouvement.
Un père qui doutait. Un omega brisé. Et un enfant prêt à tout pour les réunir.
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chapitre 3:
La serrure grinça doucement sous la main gantée de Nero.
Dans un silence pesant, il ouvrit la lourde porte de la cave où il avait jeté l’oméga à son arrivée. L’odeur d’humidité et de pierre froide n’avait rien à envier à la tension qui régnait dans l’air. La lumière crue des néons révéla la silhouette recroquevillée d’Elian, assis dans un coin, les bras serrés autour de ses genoux, la tête baissée, comme s’il craignait que le moindre mouvement attire un nouveau coup.
Ses yeux mordorés, aux reflets ternes d’épuisement, se levèrent lentement vers l’Alpha.
— Lève-toi, ordonna Nero d’une voix glaciale.
Elian obéit sans un mot, les jambes tremblantes, le cœur battant à tout rompre. Il pensait que sa fin approchait. Peut-être que cette fois, on allait le faire taire pour de bon.
Mais contre toute attente, Nero le mena non pas vers la sortie du manoir, ni vers un sous-sol plus profond… mais à l’étage, dans une aile plus calme.
— Tu seras assigné à cette chambre, annonça-t-il en ouvrant une porte à double battants. Tu n’en sors que si je t’y autorise. Tu ne parles à personne. Tu ne poses pas de questions.
La pièce était modeste pour un manoir aussi imposant : un lit large, des rideaux gris perle, un tapis épais, et un placard vide. Pas de miroir. Pas de téléphone. Aucune fenêtre donnant directement sur l’extérieur. Une cage dorée.
Elian serra les poings, mais son regard se porta vers Nero, hésitant.
— Je peux… voir Taeo ? demanda-t-il d’une voix tremblante, à peine audible.
Le nom de son fils résonna dans le cœur de l’Alpha comme un choc électrique. Il se raidit.
Ses yeux sombres se plissèrent.
— Tu oses prononcer son nom ? Après ce que tu lui as fait ?
— Je ne lui ai rien fait ! Il… Il est venu à moi. Il était seul. Il avait froid. Il pleurait. Il disait qu’il voulait qu’on l’aime…
Nero serra la mâchoire, un tic nerveux agitant sa tempe.
Pendant huit semaines, ce petit avait disparu, et le monde entier avait été mis sens dessus dessous pour le retrouver. Et quand enfin il l’avait retrouvé, il l’appelait "maman". Refusait de s’alimenter. Le fuyait, lui, son propre père.
Tout ça à cause de cet oméga inconnu, faible et pauvre, qui vivait dans un taudis ?
— Une seule visite, déclara-t-il brusquement. Et tu la feras en ma présence.
Elian baissa la tête, soulagé malgré tout. Il hocha la tête avec reconnaissance.
Ils quittèrent la chambre sous les yeux vigilants de deux gardes postés au bout du couloir. Elian sentit leurs regards peser sur lui, mais il se contenta de suivre Nero, les pieds nus sur le parquet lustré.
Ils s’arrêtèrent devant une grande porte sculptée. Nero frappa deux fois. Aucun son ne répondit.
Il ouvrit.
Taeo était là, assis dans un coin, en pyjama, une peluche entre les bras. Son plateau-repas intact était posé sur la table. Ses joues étaient creusées, ses yeux rougis.
Mais dès qu’il vit Elian, son visage s’illumina.
— MAMAN ! cria-t-il en se précipitant dans les bras de l’oméga.
Elian s’agenouilla juste à temps pour le rattraper, le serrant contre lui si fort qu’il sentit ses côtes craquer. Il enfouit son nez dans les cheveux du petit garçon, retenant un sanglot.
— Mon cœur… tu vas bien ? Je suis là maintenant…
Taeo hocha frénétiquement la tête, puis, levant un regard implorant vers Nero, il supplia :
— Dis à maman qu’elle peut rester ici pour toujours, papa. Elle a été gentille. Elle a fait des gâteaux avec moi. Elle m’a appris à dessiner des cœurs. Et elle sent bon, comme la vraie maman dans mon rêve.
Nero détourna le regard, un frisson glacé parcourant son échine.
Son fils ne l’avait jamais regardé ainsi. Il ne s’était jamais blotti contre lui avec cette confiance-là. Pourquoi un parfait inconnu recevait-il ce que lui, son père, n’avait jamais mérité ?
Il fit un pas en arrière.
— Je dois partir. Une urgence au port. Reste ici avec lui. Mais…
Son ton devint tranchant comme une lame :
— Un garde restera devant la porte. Et chaque mot, chaque geste sera rapporté. Je veux aussi une enquête complète sur ton passé, Elian. Si j’apprends que tu as manipulé mon fils ou touché à un seul de ses cheveux…
Il ne termina pas. Il n’en avait pas besoin.
Il fit signe à un garde d’approcher, puis quitta la pièce, sans se retourner.
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Taeo s’endormit contre Elian, les bras autour de sa taille, le visage serein. L’oméga n’osait plus bouger. Son regard se perdit un instant vers le garde silencieux posté devant la porte entrouverte.
Il n’avait jamais demandé à être aimé. Il n’avait jamais imaginé être une figure maternelle. Mais cet enfant avait brisé quelque chose en lui. Ou plutôt… réparé un peu ce qui avait été détruit.
Il se pencha doucement pour embrasser le front de Taeo.
— Je suis là, mon petit trésor… murmura-t-il. Et même si ton père me déteste… je resterai.
Du couloir, dans l’ombre, un autre regard s’attardait.
Une silhouette féminine, fine, élégante. Une servante de l’aile Est. Elle observait. Elle notait. .
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