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Le Cœur Du Loup

Chapitre1- l’arrivée de Frank

Naples, en plein été. La chaleur semblait s’être infiltrée jusque dans les murs de pierre du manoir Costa. Le silence régnait dans le salon privé, brisé uniquement par le tintement discret de la glace dans un verre de whisky.

Pedro Costa était seul, assis dans son fauteuil de cuir, regard tourné vers la grande baie vitrée. On venait de lui annoncer l’arrivée du garçon. Il n’avait encore rien dit.

Marco entra, accompagné d’un jeune homme maigre au regard incertain. Il portait un vieux sac sur l’épaule et semblait à peine conscient de la scène dans laquelle il venait d’entrer.

— Voilà le fils d’Andrea Bellini, annonça Marco d’un ton neutre.

Pedro ne bougea pas. Il se contenta de tourner lentement la tête vers eux. Son regard s’attarda sur le garçon. Vingt ans, peut-être moins. Trop mince. Trop doux. Un agneau perdu dans la gueule du loup.

— Il s’appelle Fanck, ajouta Marco. Il n’a nulle part où aller. Son père a tout perdu. Et maintenant, il est mort.

Pedro reposa son verre sans bruit.

— Tu sais qui je suis ? demanda-t-il d’une voix calme.

Fanck leva les yeux, incertain, mais il répondit :

— Pedro Costa. Le… roi de Naples. Le loup noir.

Pedro plissa légèrement les yeux. Le garçon tremblait. Pourtant, il tenait bon.

— Et malgré ça, tu viens frapper à ma porte ?

— Je n’avais pas le choix, murmura Fanck. Je ne veux pas mourir.

Pedro se leva. Sa silhouette imposante projeta une ombre longue sur le sol. Il s’approcha lentement. Fanck recula d’un pas, mais ne fuyait pas.

Pedro s’arrêta à moins d’un mètre. Il étudia son visage, ses mains, sa respiration.

— Tu as peur de moi ? demanda-t-il doucement.

Fanck répondit, la gorge serrée :

— Oui… mais vous m’avez laissé entrer.

Un silence tendu tomba sur la pièce. Pedro se détourna brusquement et marcha vers la porte.

— Tu dors ici ce soir. On verra demain ce que tu vaux.

Il quitta la pièce sans un mot de plus.

Marco jeta un regard étrange à Fanck avant de le suivre. Le garçon resta seul, figé.

Cette nuit-là, Pedro ne dormit pas.

Il fixait le plafond de sa chambre, repensant aux yeux de Fanck. Ce regard tremblant… et pourtant honnête.

Il s’était juré de ne jamais s’attacher.

Mais quelque chose, déjà, avait craqué.

La lumière tamisée des lustres anciens baignait la pièce d’une chaleur fausse, comme un sourire forcé dans une salle d’interrogatoire.

Chaque objet dans ce manoir semblait avoir une mémoire, une histoire, souvent tachée de sang. Pedro Costa n’avait pas besoin de hausser la voix pour imposer le silence. Il suffisait qu’il regarde.

Son regard était une lame froide, aiguisée par des années de trahisons et de pouvoir.Fanck sentait le poids de chaque regard posé sur lui, comme si sa peau était devenue transparente.

Il serrait la poignée de son sac si fort que ses jointures blanchissaient, comme si c’était le seul lien qui lui restait avec le monde d’avant.Et dans le silence pesant, leur destin venait tout juste de commencer.

Chapitre 2 -la maison du loup

Le soleil d’Italie commençait à grimper derrière la baie vitrée lorsque Fanck quitta son lit, encore engourdi par une nuit sans rêves. Il trouvait dans chaque respiration l’odeur entêtante du jasmin qui poussait sur les terrasses du manoir Costa. Cette chambre immense, aux boiseries vernies, n’était pas la sienne, mais rien ne semblait vouloir le chasser.

Il enfila la chemise blanche laissée pliée au pied du lit ; les manches étaient trop longues, l’étoffe trop fine pour ce qu’il avait connu. Dans le couloir, aucun garde, seulement le tapis épais qui étouffait ses pas. Au rez-de-chaussée, la cuisine baignait dans une lumière dorée. Sur la table l’attendaient un torchon impeccable, un seau d’eau tiède et une pile d’assiettes de porcelaine à luiser.

Marco surgit, nerveux.

— Le patron veut que tu mettes un peu d’ordre ici. Rien d’autre.

Fanck répondit par un petit « merci », convaincu qu’un merci était encore la seule monnaie honnête dans cette maison. Il remonta ses manches et commença à frotter. L’eau glissa sur ses avant-bras, dessinant des rivières claires sur sa peau.

Pedro apparut sans bruit, costume sombre, regard brûlant. Il s’adossa au chambranle et observa, silencieux, le va-et-vient délicat des mains du garçon. Les reflets du matin dansent sur ces doigts, pensa-t-il, comme des bagues qu’il n’a jamais portées.

Un domestique entra pour prendre un plateau ; il adressa un sourire trop long à Fanck. La mâchoire de Pedro se serra.

— Laisse ça, ordonna-t-il d’une voix basse, tranchante.

Le domestique recula aussitôt, confus. Fanck releva la tête, surpris de trouver le mafieux si près.

— Je voulais aider, dit-il.

— Tu aides déjà, murmura Pedro. Continue.

Il resta là, à le surveiller, sans s’expliquer ce nœud d’impatience dans sa poitrine. Chaque fois que Fanck baissait les yeux, Pedro remarquait une veine fine battre à sa tempe et se surprenait à compter les pulsations.

Plus tard, dans le jardin, Fanck étendit des draps encore humides sur la corde. Le vent salé de la mer les gonflait comme des voiles. Pedro, depuis la loggia, suivait chacun de ses gestes. Deux soldats discutèrent à voix basse ; leurs rires portèrent jusqu’à lui. Cela suffit pour qu’il descende les marches, tempête contenue.

— Retournez à votre poste ! lança-t-il. Les hommes obéirent aussitôt.

Fanck sursauta, la pince à linge tremblant entre ses doigts.

— Je… je n’ai rien fait de mal, balbutia-t-il.

Pedro adoucit son ton, conscient de sa propre rudesse.

— Je sais. Mais certains ici oublient leur place. Toi, tu n’as qu’à rester près de moi.

Il tendit la main, le pouce effleurant la jointure fragile des doigts de Fanck. Une décharge traversa le garçon ; Pedro la sentit aussi, comme une brûlure douce. Il retira sa main trop vite, effrayé qu’on puisse voir dans ce simple contact l’obsession qui grandissait en lui, minute après minute, devenue plus coupante que les couteaux rangés dans son bureau.

Cette nuit-là, Pedro fit verrouiller toutes les portes donnant sur l’extérieur. Non par prudence, mais parce qu’il savait que si Fanck s’échappait, il n’aurait plus de raison de respirer.

Chapitre 3🩸🩸🩸

Le manoir Costa s’agitait dès l’aube. On nettoyait la cour, on ouvrait les volets, on préparait la salle du fond : Pedro attendait du monde, et ce n’était pas le genre d’invités qu’on servait avec du vin et des olives.

Don Salvatore Di Luca, venu de Palerme, débarqua en fin de matinée avec deux hommes armés jusqu’aux dents. Le premier, un type au crâne rasé, s’appelait Rocco ; l’autre, aux yeux jaunes comme un félin, c’était Santo. Tous deux respiraient la violence.

Pedro les accueillit dans le grand salon, sans sourire.

— Tu aurais pu prévenir, Salvatore.

— Je me suis dit qu’une surprise ferait plaisir, lança le vieil homme en riant. On doit parler. Il y a eu un massacre à Cosenza. Un des nôtres. Éventré. On a trouvé un message sur le corps.

Pedro acquiesça, les mâchoires tendues.

Pendant ce temps, Fanck, dans la cuisine, s’affairait à essuyer une pile d’assiettes anciennes. Il entendait les voix, les bruits de bottes, les rires d’hommes dangereux. Il savait qu’il ne devait pas sortir. Mais la curiosité était plus forte.

Il jeta un œil dans le couloir… Et croisa le regard de Rocco.

Le mafieux s’approcha lentement, un rictus au coin des lèvres.

— C’est toi, le gamin ? Le nouveau jouet du patron ?

Fanck recula d’un pas.

— Je… je ne suis pas un jouet.

— Oh ? répondit Rocco en s’approchant encore. Pourtant, t’as la gueule pour. Doux. Propre. Docile.

Soudain, il attrapa le poignet de Fanck. Fort. Trop fort.

— Tu crois que tu fais partie de ce monde, toi ?

— Lâchez-moi, murmura Fanck, paniqué.

Pedro entra à cet instant.

Il n’eut besoin que de deux pas pour arriver jusqu’à eux.

Le bruit du coup retentit dans tout le couloir.

Pedro venait de frapper Rocco en pleine tempe. L’homme chancela, surpris, avant de reculer avec un rire nerveux.

— Tu deviens sensible, Pedro ? Pour un gamin ?

Pedro ne répondit pas. Il attrapa Fanck par les épaules, doucement, et le poussa derrière lui, comme pour le protéger.

— Tu poses encore une main sur lui, Rocco, et je t’arrache les dix autres. Compris ?

Rocco ravala sa réplique.

Fanck fixait Pedro, les yeux écarquillés. Ce n’était pas seulement de la protection qu’il avait vue dans ce geste. C’était de la rage. Une rage possessive. Et ça le troublait.

Pedro se tourna vers lui, plus calme.

— Tu n’as pas à avoir peur. Pas tant que je suis là.

Fanck hocha la tête, mais son cœur battait si fort qu’il avait du mal à respirer. Il n’avait jamais vu un homme comme Pedro. Brutal avec le monde, doux avec lui. C’était effrayant… et magnétique.

Plus tard, alors que Fanck lavait les dernières assiettes, il remarqua une fine fissure dans l’une d’elles. Il la toucha du doigt, pensif.

Comme Pedro, pensa-t-il.

Beau, solide, mais fêlé quelque part.

Et cette fissure, elle s’agrandissait. Pour lui.Fanck regarda l’assiette fêlée une dernière fois, puis la rangea doucement. Il se demanda combien de temps il tiendrait ici, avant que lui aussi ne se brise comme cette porcelaine.

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