POISON
NOVA
La première chose que j’ai sentie en franchissant les portes de la prison de Fer-Acier, ce n’est pas la liberté.
C’est la pluie. Froide. Sale. Mécanisée. Une foutue pluie acide qui sentait l’huile moteur et le désespoir recyclé.
Bienvenue à Nécrapolis. Encore.
Je n’ai pas souri. Je ne souris jamais sans raison. Et là, j’avais zéro raison.
Un bruit de moteur bien trop lisse pour cette ville crasseuse m’a fait tourner la tête.
Il était là. Adossé à une bagnole chromée, façon limousine armurée, le genre que seuls les riches ou les suicidaires osaient garer dans ce coin.
Il portait un manteau long, noir comme ses yeux.
Les boutons de manchette brillaient, l’élégance incarnée.
Et cette gueule de statue grecque cybernétique, froide, figée, parfaite.
Je l’aime bien. J’aime les hommes comme lui : distants, rigides, beaux comme le danger.
Mais je ne l’aime pas. Trop de contrôle. Trop de calculs. Trop... prévisible.
Il a ouvert la portière sans un mot. J’ai roulé des yeux et je suis montée, trempée jusqu’aux os et toujours aussi charmante.
À peine assise, il a lancé :
Draven
Tu ferais mieux de faire gaffe cette fois, Nova. Le Conseil te surveille.
J’ai explosé de rire. Un rire sec, moqueur, presque félin.
Nova
Ferme-la, Draven. Je sais très bien ce que je fais. C’est pas une bande de bureaucrates stériles qui vont me faire trembler.
Il n’a pas réagi. Il ne réagit jamais à mes provocations. C’est frustrant. Et excitant.
Draven
Tu reprends du service. Une nouvelle mission. Un gros truc. Waste Hunter a besoin de toi.
Ces mots-là m’ont fait redresser la tête. Pas "le Conseil", pas "la mission". Non.
Ce nom. Ce foutu département de l’ombre où on balance les monstres, les déchets de la société, les anomalies.
Des chasseurs avec des pouvoirs à faire frémir les légendes.
Moi, je suis Nova. Et mon pouvoir ?
Je peux devenir ce que je veux.
Littéralement. Une femme-renard aux crocs dorés.
Une ninja aux lames d’ombre.
Je suis l’illusion incarnée. Le chaos métamorphosé. La beauté qui saigne.
Et aujourd’hui, je sors de prison.
Pas pour redevenir une citoyenne modèle.
Mais pour redevenir une arme.
Nova
C’est où, le carnage cette fois ?
J’ai demandé, les pieds sur le tableau de bord.
Draven a juste répondu, la voix tranchante :
Draven
District 7. Quelque chose s’est réveillé dans les profondeurs. Et ça porte ton nom.
DÉCHET
Un trou à rats. Pire que ma cellule à Fer-Acier. Des néons brisés, de la rouille sur les murs, l’air qui pue le sang et le câblage cramé. La joie en barres.
Je descends de la voiture sans dire merci à Draven. Il sait très bien que la politesse n’a jamais été mon truc.
Je marche, talons cliquetants sur le béton humide, jusqu’au point d’extraction. Le signal vient d’un ancien hangar à drones désaffecté.
Un amas de chair fondue, des bras disproportionnés, des câbles qui lui sortent du dos comme des veines métalliques.
Une tête à faire fuir un miroir. Des yeux injectés de données corrompues, un sourire qui pue la haine.
Je m’arrête, le regarde de haut en bas avec une grimace de pure horreur.
Nova
Bordel... t’es vraiment dégueulasse. Qui t’a sculpté, un gosse bourré avec une perceuse ?
Il me fixe. Son œil gauche clignote, glitché. Il bave, littéralement.
Déchet
Pute. T’es juste une autre pute envoyée pour me nettoyer. Comme les autres.
Je ricane. Lentement. Un rire bas, carnassier.
Nova
Oh, non, mon chou. Je suis pas une pute. Je suis la fin de ton histoire. Et toi, t’es qu’un déchet. Et devine quoi ? C’est moi qu’on envoie pour sortir les poubelles.
Il hurle. Un cri bestial, numérique, ça résonne dans tout le bâtiment.
Il commence à se déformer, ses câbles s’allongent, des lames sortent de ses bras, un vrai festival de glitchs cybernétique.
Je tends la main, claque des doigts. Mon corps s’embrase d’un halo rouge et or.
mes yeux virent au bleu foncé, mes ongles s’allongent en griffes effilées.
Ma bouche se fend en un sourire de renarde carnivore. Deux oreilles pointues jaillissent de ma tête. Ma queue touffue fouette l’air.
Nova
Mode : Kitsune activé.
Je l’esquive en riant, légère comme une danseuse. Une griffure sur son flanc.
Une autre dans son dos. Il tombe à genoux. Je le regarde, la tête penchée comme une bête curieuse.
Nova
Tu croyais vraiment que t’étais un boss ? Pauvre glitch ambulant.
Je le tranche. D’un seul mouvement. Net. La gorge. Le câble de vie. Terminé.
Son corps tombe. Il gargouille encore.
Je me mets à rire. Un rire de pure démence. De plaisir. De puissance.
Nova
Hahahahaha !
C’était trop drôle ! T’as vu ta gueule quand j’ai sorti les griffes ? Sérieusement ?! On devrait te cloner pour les soirées comiques !
Je crache sur son cadavre.
Puis je redeviens moi. Ma vraie apparence.
Nova
Un de moins. Envoyez-moi le suivant.
un bisou ?
Mon appartement est tout sauf modeste.
C’est un penthouse suspendu entre les néons de Nécrapolis et les ombres des drones de surveillance.
Un nid de luxe construit avec le sang et les primes de mes missions.
Marbre noir, verrières intelligentes, lumière d’ambiance contrôlée par mes humeurs
(actuellement : rouge écarlate, humeur massacrante).
Je referme la porte d’entrée d’un revers de main.
Et je le sens.
Pas besoin de capteurs, d’yeux bioniques ou de magie.
Est assis dans le fauteuil en cuir importé, jambes croisées, aussi à l’aise que s’il était chez lui.
Costume impeccable. Manteau suspendu. Une tasse de thé sur la table basse.
Qui boit du thé, sérieusement ?
Nova
T’étais pas censé me coller que pendant les missions, Draven.
Je balance mon manteau trempé sur le canapé.
Il lève à peine les yeux, puis referme un dossier holographique.
Sec, tranchant. Toujours aussi peu charmant. Mais efficace.
Je me sers un verre de poison personnel un whisky noir d’ombre fermentée. Je bois une gorgée et le regarde droit dans ses yeux sans chaleur.
Nova
Buté ton problème. Rien d’autre à signaler. Le déchet a été recyclé. Proprement.
Il incline légèrement la tête. Un hochement que seuls les morts émotionnels peuvent faire.
Draven
Aucun résidu d’énergie, pas d’activité secondaire ?
Je fais claquer ma langue.
Nova
Sauf si t’appelles "activité secondaire" le fait qu’il ait pleuré sa mère avant que je lui tranche la gorge.
Il se lève. Lentement. En silence. Sa présence prend tout l’espace, glaciale, parfaite, maîtrisée.
Je commence à tourner les talons.
Je me retourne, prête à mordre. Mais il est déjà là, tout près. Trop près.
Et sans prévenir, il m’embrasse le front.
Un contact bref. Léger. Glacé. Presque tendre.
Je reste figée. Je cligne des yeux.
Draven
Joyeux anniversaire, Nova.
Le silence s’installe. Un silence lourd, absurde, presque... étrange.
Je ris. Un rictus tordu, mi-sincère, mi-dégoutée.
Nova
T’es pathétiquement adorable.
Je lui mets une petite claque sur le torse, pas méchante.
Nova
Mais tu m’énerves. Toujours.
Je tourne les talons, cette fois sans m’arrêter.
Et je rentre dans ma chambre.
Et derrière, j’entends encore son souffle, parfaitement maîtrisé.
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