Les premiers rayons timides du soleil filtraient à travers les rideaux pâles de la chambre modeste où Yuki Soma ouvrait lentement les yeux. La pièce baignait dans une lumière douce, presque fragile, à l’image de la jeune fille qui s’éveillait là, dans ce petit monde qui lui servait de refuge.
Yuki posa délicatement ses pieds sur le sol froid, sentant la familiarité rassurante de sa canne appuyée contre le mur près du lit. Son pied gauche, fidèle compagnon de douleur et d’imperfection, la faisait souffrir dès le moindre pas, rappel cruel d’une blessure invisible aux yeux des autres mais qui marquait profondément sa démarche.
Malgré cela, elle se redressa avec une grâce presque paradoxale. Sa silhouette menue, d’une élégance naturelle, glissait avec lenteur vers la salle de bain, les longs cheveux argentés caressant ses épaules et captant la lumière du matin comme un halo précieux. Ses grands yeux rouges rubis, encore voilés de sommeil, reflétaient une détermination farouche — celle d’affronter un monde souvent cruel, malgré ses cicatrices.
Le lycée privé où elle étudiait grâce à une bourse représentait pour Yuki un monde à la fois fascinant et hostile. Entourée de jeunes issus de familles aisées, souvent ignorante de son existence, elle portait en elle le poids du regard des autres. Mais surtout, le poids des murmures méchants, des insultes lâchées sans vergogne, des rires étouffés derrière son dos.
Chaque pas dans les couloirs carrelés semblait amplifier la différence qu’elle incarnait. Sa canne, discrète mais indispensable, trahissait son handicap à ceux qui savaient regarder, et faisait d’elle une cible facile pour les moqueries et le harcèlement. Pourtant, Yuki ne cédait pas. Le masque qu’elle portait — tantôt un simple bout de tissu, tantôt des vêtements amples — était son armure contre un monde trop dur. Elle ne voulait pas que sa mère, Yume, découvre la vérité, préférant affronter seule ses tourments.
Chez elle, Yume était un pilier. La douceur incarnée, même si la fatigue et la tristesse marquaient ses traits. Couturière à domicile, elle travaillait sans relâche pour offrir à sa fille un avenir meilleur. Leur lien était leur force commune, une lumière qui résistait aux tempêtes invisibles.
Ce matin-là, comme tous les autres, Yuki prit soin de dissimuler sa douleur derrière un sourire fragile et un regard fier. Chaque jour était une bataille silencieuse, mais elle avançait, pas après pas, avec une grâce que personne ne semblait remarquer. Parce qu’au fond, même boiteuse, Yuki marchait avec une force que peu possédaient.
La vapeur s’échappait en volutes paresseuses de la tasse entre les doigts fins de Yume Soma. Elle était déjà assise à la petite table carrée de la cuisine, dans sa robe de chambre pâle, les cheveux châtains relevés dans un chignon flou qui laissait s’échapper quelques mèches grisonnantes. Sur son visage fatigué flottait un sourire doux, voilé d’inquiétude. Le tic-tac régulier de l’horloge murale accompagnait les effluves de thé chaud qui emplissaient la pièce.
Yuki arriva lentement, sa canne dans une main, l’autre tenant le col de son pull large. Elle portait un pantalon trop long, un gilet gris trop large, et comme toujours, un masque fin recouvrait la moitié inférieure de son visage.
— Bonjour, maman.
La voix de Yuki était douce, posée, mais Yume détectait chaque nuance, chaque soupir caché derrière le calme. Elle répondit avec tendresse :
— Bonjour, ma fille. Tu es toute belle aujourd’hui.
Yuki baissa légèrement les yeux, gênée, sans répondre. Elle s’assit doucement à table. Le moindre mouvement lui coûtait un effort qu’elle camouflait bien. Yume versa une seconde tasse de thé et la glissa vers sa fille.
— Tu as bien dormi ?
— Oui, ça va.
Un mensonge doux, récité avec soin. Yume l’accepta sans insister, mais elle ne fut pas dupe. Elle savait que Yuki se fermait parfois, et elle respectait ce silence-là. Alors elle parla d’autre chose, de la robe qu’elle devait terminer pour une cliente, du chat errant qui était repassé devant la fenêtre la veille, et du printemps qui approchait.
Entre elles, les silences avaient un parfum d’intimité. Yume effleura doucement la main de Yuki sur la table.
— Tu sais… tu es forte. Je suis fière de toi.
Yuki releva les yeux. Ce fut un regard d’une intensité rare : rubis éclatant dans un écrin de tristesse contenue. Un minuscule sourire glissa sous son masque.
— Merci, maman…
Elles restèrent un moment là, à partager le thé, sans bruit, comme pour prolonger cet instant de paix avant que le monde extérieur ne vienne tout gâcher.
Le chemin vers le lycée privé était long. Trop long pour quelqu’un qui boitait, mais Yuki le parcourait chaque jour avec la même lenteur digne, soutenue par sa canne. Les passants la regardaient parfois du coin de l’œil, intrigués par cette jeune fille au visage caché, aux cheveux d’argent et aux yeux rouges inoubliables.
Elle arrivait toujours en avance. Elle préférait éviter la foule à l’entrée. Ce jour-là, comme d’habitude, elle franchit les grilles en silence. Personne ne la salua. Personne ne fit attention à elle… jusqu’à ce qu’elle croise Hikari Naruse, talons claquant contre le sol carrelé du hall.
— Tiens… la clocharde est de retour, lança Hikari, un sourire venimeux aux lèvres.
Hikari était entourée de ses deux satellites préférées, Ayane et Mio, qui gloussèrent comme des pies en écho à sa cruauté. Elles portaient toutes les trois l’uniforme parfaitement ajusté, jupe courte, maquillage impeccable, sac griffé.
Yuki ne répondit pas. Elle regarda droit devant elle, sans s’arrêter.
— T’as vu comment elle marche ? On dirait un épouvantail qui a perdu une jambe, ricana Mio.
— Elle se prend pour une princesse avec ses cheveux blancs… alors qu’elle n’est qu’une erreur génétique, ajouta Ayane.
Yuki sentit l’insulte la frapper comme un frisson glacé. Mais elle continua à marcher. Son cœur accélérait, sa main serrait un peu plus la canne, mais son regard restait droit.
Elle ne pleurait plus depuis longtemps.
En entrant dans la salle, elle choisit toujours la même place : au fond, près de la fenêtre. Isolée. Invisibilisée. Même les professeurs semblaient ne jamais la voir.
— On va tous mourir gelés avec elle, lança quelqu’un plus loin, faussement discret.
— Ouais, elle est comme une malédiction ambulante…
Yuki s’assit sans broncher. Elle regarda dehors. Le ciel était clair. Elle aimait la lumière. Elle l’aimait parce qu’elle savait que le monde n’était pas que noirceur… même si elle y baignait constamment.
Quand la sonnerie annonça la pause déjeuner, elle tenta de sortir rapidement, mais un pied se plaça sur son chemin, la faisant trébucher.
Elle se rattrapa à peine avec sa canne.
— Oups. J’ai glissé, dit Hikari, faussement innocente.
Yuki se redressa lentement, sans rien dire, fixant Hikari dans les yeux.
— Tu veux quoi ? grogna Hikari.
Yuki répondit calmement :
— Rien. Je voulais juste passer.
Sa voix n’était ni faible, ni agressive. Juste tranquille. Ce qui agaça encore plus la blonde qui préférait voir ses proies trembler.
Yuki s’éloigna sans un mot de plus.
Le soir, chez elle, Yuki retira enfin son masque. Elle se regarda dans le miroir. Son visage était magnifique, mais elle ne le voyait plus. Elle ne voyait que ce que les autres disaient. Ce qu’ils plantaient en elle à coups de mots.
Mais ce soir-là, comme tous les soirs, elle souffla doucement… et se promit de ne pas plier.
Le soleil ne s'était pas encore levé sur Tokyo, mais Izana Kurokawa était déjà debout.
Du haut de son gratte-ciel noir, au sommet de Roppongi Hills, il contemplait la ville comme on contemple un champ de bataille.
En bas, le monde dormait encore. Là-haut, le roi veillait.
Derrière lui, le silence était total. Aucun bruit. Aucune présence inutile. Le parquet sombre de son bureau brillait sous les spots discrets encastrés dans les murs. Tout dans cet espace dégageait puissance, richesse et danger.
Un long fauteuil de cuir noir, un bureau en verre blindé, des écrans intégrés, une cave à whisky encastrée dans un mur, et un large trône d’ébène sculpté, placé en hauteur — comme pour rappeler que même assis, Izana dominait.
Il portait une chemise en soie noire ouverte sur un torse sculpté, un pantalon de costume ajusté, et des chaussures en cuir noir parfaitement cirées.
Ses cheveux blancs, lissés en arrière, brillaient sous la lumière. Sa peau sombre captait les ombres.
Ses yeux lavande pâles, presque irréels, semblaient éteints… jusqu’à ce qu’ils s’allument d’un éclat glacé.
Il sortit un cigarillo, l’alluma, inspira lentement, et regarda la ville comme un empereur regarderait ses terres : avec détachement et contrôle.
La porte en verre blindé s’ouvrit sans bruit.
— Izana.
C’était Kakucho. Toujours le même air calme, la mâchoire serrée, l’œil droit attentif, l’œil gauche barré d’une large cicatrice. Il portait l’uniforme sombre du Tenjiku, veste longue ouverte sur un haut noir.
— Les deals avec le cartel sud-coréen sont finalisés. Ils veulent une réunion.
— Je les reçois ici. Demain soir. Qu’ils se plient à nos règles.
Izana n’élevait jamais la voix. Il parlait bas, lentement. Mais chaque mot était une lame.
— Compris. Tu as reçu le rapport sur les fuites internes ?
Izana tapota deux doigts contre l’accoudoir de son fauteuil.
— Oui. Kisaki enquête. Mais si c’est lui… je le détruis moi-même.
Kakucho ne répondit pas. Il savait qu’Izana ne menaçait jamais en vain.
Un autre homme entra. Ran Haitani, toujours aussi nonchalant, mains dans les poches, longs cheveux tressés tombant sur ses épaules.
— Yo, boss. J’ai entendu dire qu’on avait des parasites dans le système… Tu veux que je les saigne proprement ?
— Pas encore, Ran, murmura Izana. On observe. On attend qu’ils baissent la garde.
Rindou entra à son tour, l’air fatigué, chewing-gum en bouche, tonfa attaché dans le dos.
— Les gars de l’Est veulent retarder le paiement.
— Ils auront deux jours. Après, je veux leurs têtes, dit Izana d’un ton calme, presque tendre.
Ses hommes hochèrent la tête. Ils savaient.
Après le briefing, Izana descendit à la salle du trône.
Un gigantesque hall souterrain, tapissé de noir et d’or, où les membres du Tenjiku les plus importants se rassemblaient.
Le sol était en marbre, les murs ornés de bannières rouges au symbole du Tenjiku — un dragon stylisé entouré de chaînes.
Izana entra. Tous se turent.
Il avançait lentement, imposant, sa seule présence glaçant les bavardages.
Il monta sur l’estrade, s’assit sur son trône en bois noir et en acier, sculpté à son effigie, et croisa les jambes.
Un silence. Puis il leva les yeux.
— Qui me déçoit sera puni. Qui me trahit sera effacé. Qui me sert loyalement… sera immortel.
Un tonnerre d’applaudissements, de cris, de hurlements de guerre résonna dans la salle.
Izana était un roi. Un dieu pour eux.
Plus tard, seul dans son bureau, il regardait une vieille photo qu’il avait sortie d’un tiroir verrouillé.
Un orphelinat. Lui, à genoux, entouré de gamins crasseux.
Le seul à ne pas sourire, c’était lui.
— Tu es au sommet… et tu n’as toujours rien, murmura-t-il pour lui-même.
Il posa la photo, se servit un verre de vin rouge. S’approcha de la baie vitrée.
Ses paupières se fermèrent un instant.
Il se sentait vide. Incomplet. Étrangement las.
Chaque jour, il dirigeait un empire de peur et d’argent. Il était respecté, craint, adulé.
Mais jamais aimé. Jamais compris.
Et ce manque-là, il ne le nommait pas. Il le noyait dans le travail, la puissance, et le sang.
La nuit était tombée sur Tokyo.
Les néons des buildings traçaient des lignes rouges et blanches sur les vitres du penthouse d’Izana, à plus de soixante étages au-dessus du sol.
Le silence y régnait toujours, comme une consigne. Même la ville semblait s’étouffer en sa présence.
Il s'était installé dans le grand canapé noir, un verre de whisky pur à la main.
Sa chemise entrouverte laissait deviner ses clavicules, et un collier en onyx discret battait contre sa peau. Il fixait l’écran du grand mur, sans vraiment le regarder. Une émission d’actualités passait, sans intérêt. Il n’écoutait pas. Il pensait.
Un cliquetis léger brisa le silence.
La porte du salon s’ouvrit.
— Bonsoir, Izana. Tu m’as fait appeler ?
C’était Saya, une des nombreuses femmes qu’il avait connues. Belle. Très belle, même. Grande, silhouette sculpturale, lèvres pulpeuses, robe noire moulante, talons qui claquaient avec une assurance étudiée.
Elle s’approcha de lui lentement, avec ce sourire aguicheur qu’elle savait utiliser.
— Tu as l’air tendu ce soir… Tu veux que je te détende ?
Izana ne tourna même pas la tête. Il but une gorgée, lentement.
— T’es en avance.
— J’avais envie de te voir.
Elle vint s’asseoir à côté de lui, croisant les jambes, posant une main sur sa cuisse avec une audace qu’elle croyait séduisante. Il ne réagit pas. Son regard restait vide, son souffle calme.
— Tu penses à quoi ? demanda-t-elle en glissant ses doigts sur son torse.
— À rien.
— Tu mens.
Elle rit doucement, puis pencha la tête vers lui. Elle chercha ses lèvres. Izana la laissa faire.
Le baiser fut lent… mais vide. Il ne répondit pas vraiment. Pas de feu. Pas de frisson.
Juste un contact mécanique.
Après un instant, il se redressa légèrement et murmura, presque las :
— Tu peux t’en aller, maintenant.
Elle le regarda, blessée dans son orgueil.
— Tu me jettes comme ça ? Sans même un mot ?
— Je t’ai jamais promis autre chose, Saya. Tu veux des émotions ? T’es venue chez le mauvais homme.
Elle serra les dents, se leva sans rien dire, remit son talon, et sortit avec un claquement de porte feutré.
Izana resta seul. Comme toujours.
Il passa une main sur son visage, soupira. Ce genre de scène se répétait souvent.
Toutes les femmes qu’il fréquentait n’étaient que des distractions. Il ne cherchait ni tendresse, ni profondeur. Il ne leur offrait rien, à part une nuit, peut-être deux. Jamais plus.
Il ne leur confiait rien. Il n’écoutait jamais vraiment leurs mots.
Et il ne gardait aucun souvenir d’elles. Juste des prénoms oubliés, des parfums qui se ressemblaient tous.
Il n’avait pas de place pour l’amour. Pas de place pour l’attachement.
Il était trop méfiant. Trop froid. Trop seul, peut-être… mais incapable de se l’avouer.
Il se leva, se dirigea vers la baie vitrée, s’accouda. Les lumières de Tokyo vibraient à ses pieds.
Et quelque part, dans ce silence, une pensée étrange traversa son esprit.
> Est-ce qu’il existait quelqu’un, quelque part… qui pourrait un jour ne pas trembler devant lui ? Ne pas le désirer pour son nom, son argent, son pouvoir ?
Il rit doucement. Ironique.
— Non. Personne.
Et pourtant… au fond, il savait que cette solitude-là, il ne la combattrait jamais avec un corps contre le sien.
Il lui faudrait une âme. Une présence. Une voix qui ne tremble pas. Un regard qui le traverse.
Quelqu’un qui ne cherche pas à le séduire… mais qui le voit vraiment.
Et cette personne, il ne l’avait pas encore rencontrée.
Pas encore.
La porte claqua doucement derrière elle.
Yuki retira ses chaussures sans un mot, rangea sa canne dans le coin de l’entrée, et s’effondra sur le petit tatami du salon comme une fleur fatiguée par le vent.
Ses jambes la brûlaient. Ses muscles étaient tendus. Mais ce n’était rien comparé à la tension intérieure qu’elle traînait.
Sa mère, Yume, apparut depuis la cuisine, les mains encore humides d’avoir lavé la vaisselle.
Elle sourit dès qu’elle vit sa fille, mais ses yeux, eux, s’inquiétaient.
— Tu es rentrée un peu plus tard que d’habitude.
Yuki hocha la tête, le regard perdu.
— Je suis juste passée par le parc. Pour marcher un peu.
Yume s’agenouilla près d’elle, essuya doucement une mèche argentée de son front.
— Tu veux du thé ?
— Oui, s’il te plaît…
La réponse fut murmurée, presque comme une supplique.
Quelques minutes plus tard, elles étaient là, toutes les deux, installées au sol autour de la table basse, une tasse chaude entre les mains. L’odeur du jasmin se mêlait à la lumière dorée du début de soirée.
Yuki observa sa mère, son doux visage tiré par les années, les rides au coin des yeux, les gestes usés mais tendres.
Un silence s’installa. Mais ce n’était pas le silence pesant du lycée, ni celui du rejet.
C’était un silence d’attente, de confiance.
Et Yuki finit par demander, à voix basse :
— Maman…
Comment il était… papa ?
Yume se figea doucement. Le thé entre ses mains trembla à peine.
Puis elle sourit. Lentement. Doucement. Comme si rien que l’évocation de cet homme suffisait à réchauffer ses entrailles.
— Il était… lumineux, Yuki.
Elle baissa un peu la tête, regardant le fond de sa tasse comme si elle y voyait son reflet d’antan.
— Ton père avait ce genre de regard… qui faisait croire que rien de mauvais ne pouvait arriver. Il avait toujours le mot juste. Il écoutait beaucoup, parlait peu. Mais quand il parlait, tout le monde se taisait.
Yuki l’écoutait, fascinée. Ce père dont elle ne savait presque rien. Qu’un portrait figé dans le salon et quelques bribes de souvenirs à demi effacés par le temps.
— Il m’appelait “sa neige d’été”. Il disait que j’étais la fraîcheur dans sa chaleur étouffante.
Un petit rire léger s’échappa de la gorge de Yume, vite remplacé par une ombre dans les yeux.
— Il adorait ta voix. Il disait que même bébé, tu ne pleurais pas pour rien. Tu fixais les gens… avec une intensité qui lui faisait presque peur. Il disait que tu allais bouleverser le monde. Que même si tu boitais, un jour, ce serait lui qui tremblerait sous tes pas.
Yuki sentit une chaleur douce lui monter à la gorge. Elle baissa les yeux, les doigts serrés autour de sa tasse.
— Il… il est mort comment ?
Yume inspira longuement. Cette question, Yuki ne l’avait jamais posée.
Et elle avait espéré ne jamais avoir à y répondre.
— Il a été appelé au front quand tu avais à peine deux ans. Il ne voulait pas y aller. Il m’avait dit qu’il avait trop de choses à perdre ici.
Mais il est parti. Parce qu’il pensait qu’il devait protéger d’autres familles… pour que la sienne reste debout.
Elle marqua une pause, comme si les mots lui coupaient la gorge.
— On m’a dit qu’il s’est interposé pour sauver un enfant… et qu’il n’a pas survécu.
Un silence s’installa. Plus lourd, plus épais.
Puis Yuki leva les yeux vers sa mère, les larmes au bord des cils, mais pas une seule ne tomba.
— Tu crois qu’il aurait été fier de moi ?
Yume lâcha sa tasse, prit doucement le visage de sa fille entre ses mains.
— Il l’est. Chaque seconde. Chaque pas que tu fais, même avec ta canne, même dans ce monde injuste… c’est une victoire.
Ton père serait fier de la femme que tu deviens, ma fille.
Yuki ferma les yeux. Et pour la première fois depuis longtemps… elle s’autorisa à laisser couler une larme. Une seule.
Pas de douleur. Pas de honte. Juste une goutte de chaleur.
— Merci… maman
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