Le silence pesait lourd dans la salle du trône, aussi lourd que la menace invisible qui planait sur Elyndor. Le roi Aldric gisait à terre, la gorge déchirée par une blessure profonde d’où le sang s’échappait comme une rivière écarlate, maculant la pierre froide du palais. Kaelan se tenait figé, le souffle court, incapable de détourner le regard de la scène atroce. Autour de lui, les nobles présents retenaient leur souffle, les regards remplis d’une peur mêlée de suspicion et de confusion.
Les murs, jadis décorés de tentures aux couleurs éclatantes de la maison royale, semblaient s’être assombris, comme si la mort qui venait de frapper avait déjà terni toute la lumière qui habitait le trône d’Elyndor. Le roi, affaibli mais conscient, tenta de parler. Sa voix, rauque et faible, brisa enfin le silence.
« Kaelan… » murmura-t-il, ses yeux cherchant avec urgence ceux de son fils, « Le royaume s’effondre… la malédiction… elle revient… Toi seul peux l’arrêter… »
Le prince, les mains tremblantes, s’agenouilla près du corps de son père, sentant l’horreur s’abattre sur son cœur comme un coup de marteau. Ses pensées tourbillonnaient, tissant la toile d’un futur incertain, où la peur, la trahison et la douleur seraient ses seuls compagnons.
Avant qu’il ne puisse répondre, une ombre apparut au seuil de la salle. Un homme encapuchonné, dont le regard brûlait d’une froide détermination, s’avança d’un pas sûr. D’un geste rapide, il planta un poignard dans le flanc de la reine, qui jusque-là restait prostrée en silence. Un cri déchirant retentit, suivi de la chute de la reine dans les bras de Kaelan.
Les nobles restèrent figés, incapables d’agir, certains déjà paralysés par la terreur, d’autres trahis par la stupeur. Parmi eux, un homme sourit avec mépris : Lord Varyn, l’ambitieux seigneur qui depuis des années complotait dans l’ombre pour prendre le pouvoir.
Dans ce moment, Kaelan comprit que le coup ne venait pas seulement d’un assassin solitaire, mais d’une conspiration plus vaste, tissée dans les couloirs mêmes du pouvoir. Son propre sang allait être la monnaie d’un jeu mortel dont il ne connaissait encore ni les règles, ni l’enjeu.
Le souffle de son père s’évanouit, laissant derrière lui un royaume brisé et un héritage maudit.
Le poids du silence
La salle du trône se vida rapidement, les nobles fuyant comme des rats avant le navire qui sombre. Kaelan resta seul, tenant dans ses bras le corps sans vie de la reine Elenya, sa mère, dont les yeux s’étaient éteints comme les flammes d’une bougie soufflée par un vent cruel.
Il se releva lentement, les genoux fléchissant sous le poids de la douleur et de la peur. Les murs semblaient s’effondrer, les ombres s’allongeaient, comme si la nuit elle-même avait décidé de descendre sur Elyndor plus tôt que prévu.
Kaelan savait que le temps n’était plus à l’hésitation. Chaque seconde perdue rapprochait le royaume d’une chute irréversible, chaque souffle le rapprochait de la mort.
Mais il y avait quelque chose d’encore plus terrible que la perte de ses parents : la malédiction ancestrale, cette ombre sinistre qui planait sur la lignée royale depuis des siècles, et qui maintenant se réveillait dans toute sa noirceur.
La malédiction des Rois de Sang
Depuis des générations, les Rois de Sang portaient un fardeau invisible. Une magie ancienne et noire, née d’un pacte oublié avec des forces obscures, condamnait chaque héritier à une destinée sanglante. Ceux qui naissaient du sang royal étaient liés à une force qui consumait peu à peu leur vie, les menant irrémédiablement vers la trahison, la folie, ou la mort prématurée.
Le roi Aldric avait découvert l’existence de cette malédiction tardivement, mais il n’avait jamais pu trouver un moyen de la briser. Ses sacrifices et ses efforts n’avaient fait que retarder l’inévitable.
Kaelan, désormais seul, devait accepter que son sang était à la fois une bénédiction et une malédiction. Le poids du trône ne se limitait pas à un siège ou un royaume à gouverner : il portait en lui la clé de la survie ou de la destruction d’Elyndor.
La fuite et la trahison
Quelques heures plus tard, sous le ciel gris d’une nuit orageuse, Kaelan s’échappa en secret du palais. La ville d’Elyndor, autrefois vibrante et prospère, était désormais un théâtre d’ombres et de murmures. Des patrouilles de soldats aux ordres de Lord Varyn quadrillaient les rues, cherchant à capturer le dernier héritier.
La fuite du prince fut chaotique, chaque ruelle semblait une embuscade, chaque visage un potentiel ennemi. Kaelan sentait le regard des traîtres, mais aussi celui de ceux qui espéraient encore en lui, bien cachés dans l’ombre.
À ses côtés, son fidèle ami et conseiller, Tharin, lui offrit son épée et sa promesse d’allégeance. Mais Kaelan ne pouvait s’empêcher de remarquer une ombre fugace dans le regard de Tharin, une étincelle difficile à déchiffrer.
Alors que le prince franchissait la porte de la ville, un frisson d’appréhension le traversa. Il savait que tous les dangers ne venaient pas des ennemis visibles. La trahison pouvait naître du sang même qui coulait dans ses veines.
Une rencontre inattendue
Sur la route qui menait à la frontière, dans une forêt dense et obscure, Kaelan fit une rencontre qui allait bouleverser sa quête.
Une silhouette svelte apparut devant lui, une créature à la beauté étrange, à la peau lumineuse sous la lune, les yeux d’un vert surnaturel qui brillaient comme des émeraudes. Lysara, l’elfe des bois, gardienne d’un savoir ancien et d’une magie oubliée, se présenta à lui.
« Prince Kaelan, » dit-elle d’une voix douce, presque hypnotique, « ton sang est marqué par le destin, et la malédiction te suivra jusqu’à ce que tu trouves la vérité. Mais sache que la lumière seule ne pourra suffire. Il faudra aussi plonger dans l’ombre. »
Kaelan, méfiant mais désespéré, écouta. Lysara proposa son aide, mais à un prix : un pacte, une alliance dangereuse qui pourrait changer le cours de sa destinée.
Cette rencontre marqua le début d’une aventure où le héros allait devoir naviguer entre le bien et le mal, où chaque choix pourrait être fatal.
Le poids du destin
Alors que l’aube se levait sur un royaume en ruines, Kaelan sentait la solitude s’emparer de lui, mais aussi une étrange force grandir en son sein. La malédiction semblait vouloir le consumer, mais elle éveillait aussi des pouvoirs anciens, hérités du sang des rois.
Le jeune prince comprit que sa quête ne serait pas seulement de sauver un trône, mais de se sauver lui-même. Entre les ténèbres qui le rongeaient et la lumière qu’il cherchait à retrouver, il allait devoir affronter non seulement des ennemis extérieurs, mais aussi ses propres démons.
Alors que le vent froid de la matinée soulevait les feuilles mortes sur le chemin, Kaelan fit un dernier regard vers le château derrière lui, une silhouette sombre sur fond de ciel rougeoyant.
Le royaume d’Elyndor était en péril. Le sang des rois coulait encore, mais à quel prix ?
Fin du Chapitre 1 — Tension et suspense
Une ombre s’allongea sur le chemin que Kaelan venait d’emprunter.
Dans les bois, un bruit furtif attira son attention.
Une silhouette se glissa silencieusement derrière lui, un sourire cruel se dessinant sur ses lèvres.
« Tu ne peux fuir ton destin, Prince Kaelan... »
Le froid de la menace glaça le sang du jeune héritier. Le jeu venait de commencer, et les enjeux étaient plus mortels que jamais.
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Le vent mordait la chair comme des crocs invisibles. La cape de Kaelan claquait dans la tempête, lourde de pluie et de sang séché. Il ne s’était pas retourné depuis qu’il avait franchi les portes du palais en flammes. Le regard figé, le cœur en lambeaux, il courait vers un avenir incertain, les échos de la trahison bourdonnant encore dans ses oreilles.
Chaque pas l’éloignait de la tombe ouverte de son père, du trône éclaté et du cri muet de son peuple. Il était le dernier sang royal encore en vie… du moins, pour l’instant. Car il sentait déjà la malédiction palpiter dans ses veines, comme un serpent s’enroulant lentement autour de son cœur.
La forêt de Nyr se dressait devant lui — vaste, obscure, pleine de murmures et de légendes oubliées. On disait que ceux qui y entraient sans bénédiction n’en ressortaient jamais. Kaelan n’avait ni bénédiction ni prière. Juste une dague royale, une bourse presque vide… et la voix mourante de son père lui ordonnant de survivre.
Les premières nuits furent les plus rudes. Il n’y avait pas de feu. La peur était son unique chaleur. Des yeux l’observaient depuis les arbres, brillants, inhumains. Mais Kaelan tenait bon. Il avait grandi avec l’épée et la stratégie, mais jamais avec la survie. Maintenant, il n’avait que ses instincts, et une rage sourde contre les dieux qui avaient condamné sa lignée.
Un soir, alors que la pluie cessait enfin, il s'effondra dans une clairière. Son corps tremblait de fatigue, ses membres alourdis par le froid. Il rêva de flammes. Du trône ensanglanté. D’un miroir brisé reflétant un visage qui n’était pas le sien, mais celui d’un roi ancien, les yeux vides, la bouche hurlante.
À son réveil, quelque chose avait changé.
Sur son bras gauche, là où une écorce l’avait griffé la veille, une marque sombre s’était formée. Un cercle brisé, parcouru de lignes comme des veines. Elle brûlait, sans blessure apparente. Kaelan sut, d’instinct, que c’était la première manifestation de la malédiction. Elle le traquait, et maintenant, elle le touchait.
Au sixième jour, il rencontra un vieil homme au bord d’une rivière. L’homme portait une cape rapiécée et un bâton tordu, mais ses yeux brillaient d’un feu ancien.
— Tu es perdu, jeune sang royal, dit-il sans se présenter. Et pourtant, tu marches droit vers ton destin.
Kaelan recula, la main sur sa dague.
— Qui êtes-vous ? Comment connaissez-vous mon nom ?
— Ce n’est pas ton nom que je connais, mais ton sang. Il hurle. Il réclame vengeance… ou rédemption. Et les bois de Nyr entendent ce cri.
Le vieillard leva une main, et la rivière s’apaisa, comme soumise.
— Je suis Elandor. Jadis mage du palais. Aujourd’hui, exilé par la peur de ton père.
Kaelan ouvrit de grands yeux. Ce nom… son père le mentionnait souvent, dans les récits de guerre contre les Mages du Sceau.
— Si vous étiez un traître, je vous tuerais.
— Et si j’étais ton dernier espoir, me tuerais-tu quand même ? répondit Elandor en souriant.
Un silence lourd s’installa.
— La malédiction, dit Kaelan d’une voix basse. Elle est réelle. Elle m’a touché.
Elandor hocha lentement la tête.
— Le Sang Royal est lié au Pacte du Trône. Un serment ancien passé entre les premiers rois et les dieux du Néant, pour obtenir pouvoir et victoire. Mais tout pacte a un prix… et celui-ci n’a jamais été payé.
— Quel est ce prix ?
— Le sang. Le tien. Celui de tous tes ancêtres. La lignée royale s’est nourrie de conquêtes et de mensonges, oubliant que le pouvoir vole ce qu’il donne. Le pacte réclame le cœur du dernier héritier.
Kaelan sentit un frisson courir le long de sa nuque.
— Je ne veux pas mourir.
— Alors trouve la source. Brise le cercle. Sinon, le royaume tombera, et toi avec.
Elandor traça un symbole dans la terre : un serpent se mordant la queue, entrelacé à une couronne.
— Va au-delà de la Forêt de Nyr. Là se trouve l’entrée vers l’ancien monde, là où les rois ont scellé leur serment. Mais prends garde, prince. Tous ceux qui ont tenté ce voyage n’en sont jamais revenus. Et certains… sont devenus autre chose.
Il tendit à Kaelan un petit cristal bleu sombre, qui pulsait au rythme d’un cœur battant.
— Ceci te guidera, si tu écoutes. Mais il ne pardonne pas l’hésitation.
Kaelan voyagea encore, à travers vallées dévastées, villages en ruine, champs de bataille figés dans le silence. Elyndor n’était déjà plus que l’ombre de lui-même. Des rumeurs circulaient sur un seigneur autoproclamé — Lord Varyn — rassemblant des armées parmi les ruines, prétendant restaurer l’ordre en éradiquant les vestiges royaux.
À chaque pas, Kaelan sentait le poids de son sang.
Un soir, il s’abrita dans une caverne battue par les vents. Il s’endormit en tenant le cristal d’Elandor, espérant trouver des réponses dans ses rêves.
Il fut transporté dans une salle obscure, où un trône d’os trônait au milieu d’un cercle de flammes. Une silhouette l’attendait.
— Tu viens enfin, Kaelan, murmura la voix.
Il reconnut le visage de son père… mais distordu, pâle, les yeux noirs comme la nuit.
— Père ?
— Non, dit la chose. Je suis ce qu’il est devenu… ce que tu deviendras.
Kaelan recula, le souffle court.
— Le sang te lie. Tu ne peux fuir ce que tu es.
— Je ne suis pas toi, hurla Kaelan. Je briserai la malédiction !
La créature éclata d’un rire rauque.
— Alors prépare-toi, héritier. Car la malédiction ne se brise pas… elle se transmet.
À son réveil, Kaelan n’était plus seul.
Une silhouette armée se tenait à l’entrée de la caverne, épée tirée.
— Tu respires encore. Mauvais signe pour moi, dit-elle d’une voix rauque.
La femme portait une armure de cuir marquée par les flammes. Ses yeux brillaient d’une colère froide.
— Qui es-tu ? demanda Kaelan en se redressant.
— Maela. Rebelle. Survivante. Tueuse de rois si nécessaire.
Kaelan leva les mains.
— Je ne suis pas ton ennemi.
Elle le fixa.
— Tu portes l’anneau royal. Tu es Kaelan.
Il acquiesça, lentement.
— Je n’ai plus de royaume. Je ne suis plus roi.
— Cela ne t’empêchera pas de mourir. Des centaines sont mortes à cause de cette lignée maudite.
Kaelan serra les poings.
— Je n’ai pas choisi ce sang. Mais je choisirai ce que j’en fais.
Un silence tendu. Puis Maela abaissa son épée.
— Tu cherches à comprendre la malédiction ? Tu n’y parviendras pas seul.
— Et tu veux m’aider ?
— Non, dit-elle. Mais je veux l’aider, elle, ajouta-t-elle en posant la main sur son ventre. Car cette guerre, cette corruption… doivent finir avant que la génération suivante n’y soit sacrifiée.
Kaelan comprit alors qu’elle portait la vie. Une vie au milieu de la mort.
Et pour la première fois depuis la chute du trône, il sentit autre chose que la douleur. Il sentit l’espoir.
La nuit tomba sur la caverne.
Kaelan et Maela restèrent assis près d’un feu fragile, les regards tournés vers les étoiles.
— Tu sais, dit-elle, il y a un vieux dicton dans mon village : le sang des rois coule, mais il nourrit les racines du renouveau.
— Peut-être que c’est à cela que je suis destiné… mourir pour que le royaume vive.
— Ou vivre pour que le royaume meure mieux, dit-elle en souriant tristement.
Ils se turent.
Puis Kaelan parla.
— Je vais trouver l’origine. Et si je dois plonger dans les ténèbres, je le ferai. Mais je reviendrai. Je jure sur mon sang que je reviendrai.
Maela tendit sa main, et il la serra.
L’exil prenait fin. La quête commençait.
Mais dans l’ombre des bois, une silhouette aux yeux multiples observait… et attendait.
Fin du Chapitre 2
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Le crépuscule baignait la vallée d’une lumière sanglante lorsque Kaelan atteignit enfin la lisière de la Forêt de Lyr’Nael. Ses pas étaient lourds, sa cape en lambeaux, ses pensées embrouillées par des jours de fuite, de douleur et de solitude. Chaque pas le rapprochait du cœur d’un territoire ancien, oublié de la plupart des hommes, hanté par des murmures de pactes anciens et de puissances oubliées.
La Forêt de Lyr’Nael. Là où, disait-on, les lois du monde n’avaient plus cours. Les bêtes y parlaient avec la voix des morts, et les arbres se souvenaient du sang des rois.
Kaelan n’avait qu’un nom : Lysara. Murmuré dans un songe fiévreux par un ancien prêtre avant qu’il ne succombe à la folie. Une entité, une créature magique, qui pourrait lui révéler les secrets liés à la malédiction. Mais l’approcher revenait à franchir une limite dangereuse — celle entre l’homme et l’obscur.
Il pénétra dans la forêt au moment exact où le soleil s’éteignait. Une fraîcheur surnaturelle tomba sur lui comme un linceul. Les arbres, noirs et noueux, semblaient se pencher, épier ses mouvements. Chaque craquement sous ses bottes résonnait comme un glas. La lumière diminuait sans logique naturelle — l’ombre s’imposait, envahissante, consciente.
Puis le silence fut brisé. Une voix douce, éthérée, presque enfantine, mais chargée d’un pouvoir ancien.
— Tu as traversé les terres mortes, les champs de larmes, et le seuil de l’interdit. Pourquoi viens-tu troubler le sommeil des oubliés, sang royal ?
Kaelan s’arrêta net. Autour de lui, la brume se souleva, et une silhouette apparut. D’abord floue, puis nette. Une femme à la beauté irréelle, les cheveux flottant comme dans l’eau, les yeux brillants d’un éclat lunaire, vêtue d’une robe tissée de brume et de lumière. Lysara.
— Je cherche des réponses, dit-il, sa voix plus rauque qu’il ne l’aurait voulu.
— Tous viennent chercher, peu repartent. Et ceux qui repartent... changent.
Elle s’approcha lentement, chacun de ses pas semblant déformer la réalité elle-même. Un parfum de fleurs d’outre-monde l’enveloppa, enivrant, déroutant.
— Tu portes la souillure du trône. Le sang ancien. Le fardeau des Rois de Sang. Pourquoi crois-tu que je t’aiderai ?
Kaelan sentit sa gorge se serrer.
— Parce que je n’ai plus d’armes. Plus d’armée. Seulement une cause. Si la malédiction n’est pas brisée, Elyndor sombrera. Et avec lui… tout ce que tu protèges dans cette forêt.
Un silence pesant suivit. Puis un ricanement. Cristallin. Cruel.
— L’humanité pense toujours pouvoir marchander. Tu offres le salut de mon monde en échange de ton propre. Noble… ou stupide.
Kaelan sentit la colère monter, mais il se força à rester calme. Il savait qu’il marchait sur une ligne dangereuse. Il s’agenouilla, le regard baissé.
— Je suis prêt à faire un pacte.
Le vent se tut. Puis elle parla, plus grave, plus sérieusement :
— Alors écoute bien, Kaelan d’Elyndor. Je peux t’ouvrir la voie vers les vérités perdues. Je peux éveiller la mémoire du sang. Mais en retour, tu devras me donner ce que tu chéris le plus. Pas aujourd’hui. Mais au moment où je l’exigerai.
— Et si je refuse, ce jour-là ?
— Tu ne le feras pas. Parce que ce que je te montrerai changera ta compréhension de ce monde. Et parce que tu n’auras plus rien d’autre à perdre.
Il hésita. Puis, lentement, prononça les mots.
— Je consens.
Elle s’approcha, posa sa main glacée contre son front. Une lueur bleu sombre traversa son esprit. Une magie ancienne, écrite en runes oubliées, s’insinua dans ses pensées. Il vit des images — des palais effondrés, des cris de douleur, un roi portant une couronne ensanglantée. Un pacte ancien. Une trahison divine.
Il chancela, faillit tomber, mais Lysara le retint.
— Tu as vu ? murmura-t-elle. Le pacte de Draemhar. Le premier roi d’Elyndor. Il a lié sa lignée à une puissance pour protéger son trône. Une magie de sang. Mais le prix… était une malédiction éternelle.
Kaelan haleta.
— On… peut… rompre ce lien ?
— Oui. Mais il te faudra l’artefact de Jorh'El — la Larme d’Éclipse. Elle dort dans les ruines de l’Œil du Monde. Protégée par une créature qui dévore les souvenirs. Et nul n’y survit sans guide.
— Tu me guideras ?
Elle pencha la tête. Son sourire n’était ni bienveillant ni cruel — seulement… ancien.
— Je t’ai déjà lié. Je suis ton ombre, désormais. Mais rappelle-toi, sang royal : l’ombre peut protéger… ou consumer.
Ils quittèrent la clairière quelques heures plus tard. Kaelan, encore tremblant, sentait la présence de Lysara comme un feu froid sous sa peau. Elle avançait à ses côtés, sans bruit, flottant presque. Il savait que le prix de son aide serait élevé, mais il n’avait plus le luxe de reculer.
Sur leur route vers l’Œil du Monde, ils traversèrent les terres mortes de Narn'Zul. C’est là que Kaelan aperçut une silhouette se faufiler dans les ombres. Par réflexe, il dégaina son épée.
— Qui va là ?
Un sifflement. Une flèche vint frapper le sol à quelques centimètres de son pied.
— Si j’avais voulu te tuer, tu serais déjà mort, répondit une voix féminine.
Maela. La guerrière rebelle. Vêtue d’une armure de cuir, les cheveux en bataille, elle émergea d’un rocher, l’arc toujours tendu.
— Tu es loin du palais, Prince. Et très mal accompagné.
Son regard se fixa sur Lysara, un mélange de défi et de crainte dans les yeux.
— Tu sais ce qu’elle est ?
— Elle m’aide.
— Ou te manipule. Ces créatures n’ont pas d’âme.
Lysara sourit.
— L’ironie, venant d’une descendante de l’homme qui a brisé le Pacte des Quatre Peuples. Ton sang est aussi souillé que le sien.
Kaelan leva les mains pour apaiser la tension.
— Assez ! Maela… j’ai besoin de toi aussi. La Larme d’Éclipse. L’Œil du Monde. Tu connais ces lieux ?
Elle hésita. Puis hocha la tête.
— Je connais l’entrée. Mais j’ai juré de ne jamais y retourner.
— Alors reviens pour ton peuple, pas pour moi.
Un silence.
— Très bien. Mais si elle trahit… je la tue.
Lysara rit.
— Si je trahis, ma chère… vous serez déjà poussière avant de comprendre pourquoi.
La nuit tomba. Leur campement se dressait au pied d’un ravin noir. Les étoiles étaient absentes. Autour du feu, les tensions persistaient. Kaelan sentait le poids des regards : la méfiance de Maela, la condescendance froide de Lysara, le doute en lui-même.
Il se leva, scrutant l’horizon.
— Demain, nous entrons dans les ruines. Ce que nous trouverons changera tout. Ou nous détruira.
Maela s’approcha, à voix basse :
— Tu leur fais trop confiance, Kaelan. À elle, surtout. Tu joues avec une magie que tu ne comprends pas.
Il la regarda, épuisé, mais déterminé.
— Et toi, tu ferais quoi ? Rester à regarder le royaume s’effondrer ? Attendre qu’un autre se sacrifie ?
Elle soupira.
— Je t’aiderai. Mais j’aurai toujours une lame prête à trancher sa gorge si elle te trahit.
Lysara, à l’écart, caressait une pierre gravée de runes. Elle murmura :
— Ils croient tous être libres… Jusqu’à ce que les chaînes se révèlent.
Fin du Chapitre 3
Dans le dernier instant, un hurlement venu des ruines fit trembler la terre. Pas un cri humain. Quelque chose s’éveillait. Quelque chose d’ancien… et de très, très affamé.
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