...Prologue ...

« On ne peut pas défendre contre ce qu'on ne voit pas. »

C'était ce que l'on murmurait sur les terrains de Teikou pendant leur règne.

Cinq monstres. Voilà comment on les appelait. La Génération des Miracles — Aomine, Midorima, Murasakibara, Kise, Akashi. Chacun un prodige à sa manière. Mais il y avait toujours eu des rumeurs à propos d'un sixième.

Un fantôme.

Un spectre.

Personne ne pouvait vraiment expliquer la coordination parfaite de Teikou, leur unité terrifiante. Cinq rois sur le terrain, certes — mais quelque chose dans leur jeu semblait... hanté. Comme si une main invisible guidait le ballon. Comme si un souffle passait dans leur nuque. Comme si l'air changeait de densité avant chaque passe.

On parlait de stratégie. De génie. De synergie.

Mais si la vérité était bien plus étrange ?

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...Histoire ...

Le premier à le voir fut Aomine.

Il était en deuxième année à Teikou. Son talent brut était inégalé, son instinct sauvage. Le monde commençait à l'ennuyer.

Puis, un jour, à l'entraînement, quelque chose changea.

Aomine tendit la main pour attraper une passe, mais le ballon fut dévié en plein vol — parfaitement, impossiblement, comme si des doigts invisibles l'avaient effleuré.

Il se retourna. Personne.

- Yo, dit une voix, calme et froide.

Les yeux d'Aomine s'agrandirent.

Derrière l'entraîneur, à moitié dans l'ombre, flottait un garçon pâle. Des cheveux couleur ciel, des yeux comme la glace. Il ne clignait pas. Il ne respirait pas.

Personne d'autre ne réagit. Tout le monde continuait à jouer.

- Tu m'as vu, dit le garçon, avec un léger sourire. Intéressant.

...⸻...

On l'appela plus tard le sixième homme fantôme, mais son vrai nom — s'il comptait encore — était Kuroko Tetsuya.

Il était mort trois ans avant l'ascension de la Génération des Miracles. Un joueur prometteur, discret, loyal, souvent ignoré. Il s'était effondré sur le terrain un jour d'hiver. Arrêt cardiaque, disaient-ils. Trop de pression. Trop peu de reconnaissance.

Son fantôme était resté.

Il avait trop aimé le basketball pour partir.

Mais même les morts ont des règles.

    1.    Il ne pouvait être vu que par ceux ayant atteint un certain seuil de talent.

    2.    Il ne pouvait toucher que le ballon.

    3.    Il ne pouvait interagir — physiquement et mentalement — qu'avec ceux destinés à être exceptionnels: les Miracles.

Il ne pouvait pas crier. Ni pleurer. Ni toucher le sol ou ouvrir une porte. Il ne pouvait que faire des passes.

...⸻...

Aomine n'en parla à personne. Au début, il pensait devenir fou.

Mais Kuroko revenait — récupérant des rebonds, volant des passes, modifiant le jeu subtilement, parfaitement.

- Tu n'es pas fou, dit Kuroko un jour, dans un gymnase vide. Tu es juste assez fort pour me voir.

Aomine le fixait.

- Pourquoi moi?

- Parce que tu es le premier à ne pas avoir besoin de moi, répondit simplement Kuroko. Et le premier qui pourrait me faire à nouveau exister ne serait-ce qu'un instant.

...⸻...

Quand Akashi le vit à son tour, il ne fut pas surpris.

Akashi avait toujours su que le monde dépassait la chair et la physique. Son propre sang lui murmurait des secrets. Ses yeux voyaient trop.

- Tu es le fantôme, dit Akashi. Celui dont on parle. La main cachée.

- Je suis là pour le jeu, répondit Kuroko. Pas pour toi.

Akashi sourit.

- Tout est pour moi.

Mais il l'accepta. Il le voulut, même.

- Reste, dit Akashi, en tournant les talons. Si tu dois nous hanter, rends-nous au moins invincibles.

Alors Kuroko joua.

Il planait dans les marges. Ses passes étaient mythiques. Quand le ballon partait trop loin, sa trajectoire était corrigé juste assez. Quand un joueur sautait trop tôt, la balle lui arrivait comme par miracle.

Aucun adversaire ne le voyait.

Ils voyaient seulement le ballon se mouvoir comme s'il avait une volonté propre. Entendaient les grincements du parquet là où personne ne se trouvait. Ressentaient un souffle glacé lorsqu'ils tentaient de passer Akashi.

On appelait ça de l'intuition. Ou le destin. Ou une punition divine.

Mais c'était Kuroko.

Il était le sixième miracle — mais seulement pour ceux capables de le voir.

...⸻...

- Pourquoi tu fais ça ? demanda Kise un jour.

Il pleurait.

Ils venaient encore de gagner. Facilement. Kise l'avait vu pour la première fois cette semaine-là. Son niveau venait d'atteindre le seuil.

- Pourquoi tu nous aides? Pourquoi tu restes?

Kuroko flottait dans l'air, silencieux.

- Je veux voir du beau basketball, dit-il enfin. Aussi longtemps que je le peux. Tant que vous brillez.

Kise ravala ses larmes.

- Mais tu ne peux pas jouer.

- Je suis en train de jouer, répondit Kuroko.

Kise ne posa plus jamais la question.

Mais toutes les lumières finissent par vaciller.

Plus les Miracles grandissaient, plus ils s'assombrissaient.

Aomine cessa de sourire. Midorima s'isola. Murasakibara écrasait les adversaires pour s'amuser. Kise devenait une copie parfaite, mais vide. Et Akashi...

Akashi cassa.

Kuroko observait. Le pouvoir corrompt, dit-on. Et le talent absolu ?

Il déforme.

Il tenta de les guider. D'être leur ancre. De leur rappeler que le basketball est un sport d'équipe.

Mais il n'était qu'un fantôme.

Il ne pouvait pas crier.

Il ne pouvait pas les empêcher de sombrer.

Et surtout... il ne pouvait plus les toucher.

Plus ils devenaient puissants, moins ils avaient besoin de lui. Et ce manque de lien... effaça sa présence.

Un par un, ils perdirent la capacité de le voir.

Ce fut Akashi qui coupa le dernier fil.

- Tu es obsolète, dit-il dans un gymnase vide.

Il savait que Kuroko était encore là — quelque part, flottant, espérant.

Mais Akashi ne voulait plus partager le terrain de jeu. Il ne voulait plus de fantôme. Il voulait le contrôle.

- Tu es congédié de l'équipe!

Et Kuroko disparut.

Il erra, désincarné, pendant des mois.

Plus personne ne pouvait le voir. Il ne pouvait plus toucher le ballon. Ses derniers liens étaient rompus.

Jusqu'à ce que...

...⸻...

Une nouvelle équipe. Seirin.

Un garçon aux cheveux de feu et à la colère dans le sang.

Kagami Taiga.

Il était brut. Sauvage. Incomplet.

Mais le potentiel... Il brûlait comme un phare dans la nuit.

Kuroko flotta près de lui, prudent. Plein d'espoir.

Et un jour, dans un gymnase vide, Kagami tira. Il manqua.

Le ballon rebondit — légèrement — sur le côté.

Directement dans ses mains.

- ...C'est quoi ce délire? murmura Kagami, fixant le ballon.

Kuroko cligna des yeux. Sa main brillait faiblement. Le lien...

- Salut, dit-il.

Kagami lâcha le ballon et hurla.

...⸻...

Il fallut des semaines pour le convaincre que Kuroko n'était pas un démon.

- Mais t'es un fantôme!

- Techniquement, oui.

- Et tu veux jouer au basket?

- Oui.

- C'est de la folie...

- ...Tu dunkes ou pas?

...⸻...

Ensemble, ils formèrent un lien. Et grâce à ce lien, Kuroko recommença à se matérialiser.

Pas totalement — pas aux yeux du monde. Mais sur le terrain, il comptait à nouveau.

Il pouvait toucher le ballon. Diriger le jeu.

Et peu à peu, d'autres joueurs commencèrent à sentir sa présence.

Les adversaires murmuraient de nouveau sur des passes fantômes. La légende du sixième homme renaissait.

Les Miracles entendirent les rumeurs.

Et un à un, ils le revirent.

Ce n'était plus un simple fantôme.

Ni un ancien camarade.

C'était autre chose.

Quelque chose qui ne leur appartenait plus.

...⸻...

Lors du match final contre Rakuzan, Akashi entra sur le terrain.

Il regarda de l'autre côté du gymnase.

Et pour la première fois depuis des années, il vit un garçon pâle derrière Kagami. Des cheveux comme le ciel. Des yeux comme la glace.

- Toi, dit-il, bas. Tu es revenu.

- Je ne suis jamais parti, répondit Kuroko. C'est toi qui as cessé de me voir.

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...Fin...

On dit que les fantômes sont coincés à cause d'affaires inachevées.

Mais Kuroko ne voulait pas se venger. Ni être célèbre.

Il voulait simplement jouer.

Et avec Kagami, avec Seirin — avec ceux qui ressentaient le jeu au plus profond d'eux — il trouva la paix.

Il reste un fantôme.

Mais aujourd'hui, on l'appelle autrement.

Pas un fantôme.

Pas un miracle.

Juste un garçon, un adolescent qui a tant aimé le basketball...

...qu'il n'a jamais cessé de jouer.

Même après la mort.