🌑 Entre les Ombres et Ton Souffle

Roman — Chapitre 1 : Le Silence Avant la Fièvre

Il est vingt-deux heures.

Le lycée d’élite des arts "Val Ariane" dort, ou feint de dormir. Les couloirs sont vides, les lumières tamisées, comme si le bâtiment retenait son souffle.

Mais dans l’atelier 314, deux âmes s’effleurent sans jamais se toucher.

Élia, 19 ans, trace des courbes sur une immense toile tendue à même le sol. Elle ne dessine pas vraiment — elle invoque. Chaque ligne qu’elle crée fait frissonner l’air. Autour d’elle, les ombres semblent vivantes, rampantes, attirées par ce qu’elle ne dit pas.

Naël, 20 ans, est adossé contre le mur. Il écrit dans un vieux carnet noirci par les secrets. Il ne parle presque jamais, mais ses yeux… ils lisent dans les autres comme on lit une blessure mal refermée.

"Tu ne dors jamais, toi non plus ?"

Sa voix est grave, chaude, mais voilée. Élia ne se retourne pas. Elle trace encore.

"Dormir, c’est pour ceux qui ne fuient rien."

Silence.

Il s’approche. Doucement. Comme s’il n’avait pas le droit. Comme s’il allait rompre quelque chose de sacré.

"Et toi… tu fuis quoi ?"

"Moi-même."

Les mots flottent. Et le sol tremble un peu — une des ombres s’est levée.

Naël la regarde, fasciné. Pas par son pouvoir. Pas par sa beauté. Mais par cette chaleur sauvage qu’elle tente d’enfermer sous des couches de silence.

"Tu fais peur aux autres," dit-il.

Elle s’arrête. Se lève lentement. Ses cheveux noirs tombent en cascade.

"Toi aussi."

Il s’approche, tout près. Leur souffle se mêle. Il tend la main, ne la touche pas.

"Je suis vide, Élia. Et toi… tu débordes."

Elle frissonne. L’ombre derrière elle se colle au mur, comme une deuxième peau.

"Alors laisse-moi remplir le vide."

À ce moment-là, tout aurait pu basculer.

Mais Naël recule. Encore. Toujours.

Pas par peur. Par loyauté envers une promesse ancienne, brisée.

Et Élia reste seule au milieu de l’atelier, le cœur tambourinant, les ombres autour d’elle plus denses, plus chaudes, comme des bras invisibles qui réclament ce qu’il refuse de donner.

💭 Fin du Chapitre 1.

🌑 Entre les Ombres et Ton Souffle

Chapitre 2 — Le Corps des Non-Dits

Il pleuvait doucement.

Le genre de pluie qui s’insinue sans fracas, comme un murmure. L’atelier était silencieux, mais chargé d’une tension presque... animale.

Élia était là, assise sur la table en bois usée, les jambes croisées, une mèche trempée glissant le long de sa clavicule.

Elle ne peignait pas. Elle attendait. Quelque chose. Ou quelqu’un.

La porte s’ouvrit avec un grincement trop honnête.

"Tu es venu."

Sa voix était basse, rauque. Pas fatiguée. Affamée.

Naël entra. Il était trempé, les cheveux collés à la nuque, les yeux plus sombres que d’habitude.

"J’aurais dû rester loin."

Il disait ça, mais ses pas le trahissaient. Il s’approchait. Lentement. Toujours trop lentement.

Élia le fixa, puis descendit de la table. Pieds nus sur le carrelage froid. Elle s’avança jusqu’à lui. À un souffle.

Elle leva la main. Son doigt traça une ligne invisible sur sa chemise mouillée, descendant lentement sur son torse, sans appuyer.

"Tu peux mentir avec ta bouche. Mais pas ton cœur."

Il attrapa sa main, doucement. Sa paume était brûlante contre la sienne.

"Tu joues à un jeu dangereux, Élia."

"Non. Je suis déjà perdue. Je veux juste que quelqu’un tombe avec moi."

Un silence.

Et là, ce regard.

Celui qui ne regarde pas juste ton visage, mais ton âme, nue, tremblante, offerte.

Naël posa son front contre le sien. Leur souffle s’entrelace. Une caresse sans contact. Un vertige retenu.

"Si je t’embrasse... je ne m’arrêterai pas là."

"Et si je te dis que j’ai arrêté d’avoir peur ?"

Ses doigts glissèrent dans ses cheveux, ses lèvres à une demi-seconde des siennes.

Mais...

Il se figea.

Recula.

"Pas encore. Pas ici. Pas comme ça."

Sa voix tremblait. Pas de désir. De respect. De peur de la blesser.

"Alors choisis le moment. Mais sache que moi, je suis déjà à genoux."

Et il partit. Sous la pluie.

Laissant Élia seule, tremblante, le souffle court, le cœur dans un poing fermé.

Ce n’est pas un refus. C’est une promesse.

💭 Fin du Chapitre 2

🌑 Entre les Ombres et Ton Souffle

Chapitre 3 – À Fleur de Peau

La nuit avait avalé la ville.

Il n’y avait plus que les battements de leurs cœurs. Deux corps dans une pièce close, un seul silence, lourd, brûlant.

Naël ferma la porte derrière lui. Lentement. Il n’avait rien dit. Il n’en avait pas besoin. Son regard disait tout.

Il avait choisi. C’était maintenant.

Élia se tenait debout, le dos droit, mais l’âme tremblante.

"Je t’attendais."

Il ne répondit pas. Il s’approcha.

Chaque pas résonnait dans l’atelier comme une note de musique. Une mélodie faite de peau et de souffle.

Quand leurs visages se frôlèrent enfin, ce ne fut pas un baiser —

c’était une chute.

Il l’embrassa avec une lenteur déchirante.

Comme s’il voulait sentir chaque souvenir qu’elle avait enfermé dans sa bouche.

Ses mains, grandes, puissantes, la touchaient comme une œuvre fragile, une toile sacrée.

Elle gémit contre lui. Doucement.

Pas un cri. Une offrande.

Ses doigts glissèrent le long de sa colonne vertébrale, comme on suit le fil d’un poème.

Et elle, elle dessina des cercles invisibles sur sa peau, des gestes qui ne demandaient rien, mais qui disaient tout.

Leurs souffles se mêlèrent. Leurs cœurs s’emballèrent.

Leurs corps cherchaient à se lire, pas juste à se posséder.

"Tu es beau quand tu doutes," murmura-t-elle.

"Et toi... quand tu brûles."

Ils ne firent qu’un.

Mais ce n’était pas un feu dévorant.

C’était une immolation douce, une danse des âmes.

Et quand tout fut terminé, quand leurs corps redevinrent silence,

il posa sa tête sur son ventre, comme un enfant qui retrouve sa maison.

"Ce n’était pas du désir," dit-elle en fermant les yeux.

"C’était toi."

Fin du Chapitre 3