Point de vue de Sara -
Le campus avait une odeur étrange. Un mélange d'herbe mouillée, de feuilles mortes et de dégoût silencieux.
Elle marchait, les mains profondément enfoncées dans les poches de son manteau noir. Ce manteau qu'elle détestait mais qu'elle portait tous les jours. Il cachait ses bras. Il cachait trop de choses.
"Ils me regardent tous."
Ses yeux gris balayaient la foule. Elle ne cherchait personne. Elle cherchait juste une sortie. Un coin où se perdre. Où personne ne lui parlerait. Où elle n'existerait plus pendant quelques heures.
À 17 ans, Sara n'avait pas de rêves. Elle avait eu des rêves. Une fois. Avant. Avant que la vie ne l'arrache à l'illusion qu'être brillante suffisait à être heureuse. Elle avait sauté des classes, obtenu des diplômes, collectionné les compliments comme des cicatrices invisibles.
Mais aucune intelligence ne protège contre le chaos familial.
Elle avança entre les bâtiments, évitant les regards. Elle sentait leurs jugements glisser sur sa peau comme des lames.
- C'est la gamine dont tout le monde parle ?
- Elle a fini le lycée à 15 ans.
- Elle a l'air trop chelou...
Elle remit une mèche de ses longs cheveux bouclés derrière son oreille. Elle avait envie de leur hurler de la laisser tranquille. Mais elle ne criait jamais. Elle gardait tout à l'intérieur.
Et quand l'intérieur débordait, il y avait ses bras. Et la lame.
Elle accéléra le pas. Ses poignets bandés la démangeaient sous le tissu.
"Tu ne te coupes plus, tu es à l'université maintenant."
Mensonge. Elle mentait bien. À tout le monde. Même à elle-même.
Elle entra dans la bibliothèque. Son sanctuaire. Sa cachette. Elle savait exactement où aller : le fond, là où personne ne va. Elle s'installa, ouvrit un vieux Nietzsche, et se força à ne pas penser.
"Penser, c'est souffrir."
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- Point de vue de Elijah -
Il l'avait vue. Trois jours plus tôt. Une apparition noire au milieu du gris.
Elle marchait vite. Trop vite. Comme si le sol allait la brûler. Et pourtant, elle avait cette présence... ce magnétisme froid qui rend les gens accros sans comprendre pourquoi.
Elijah avait tiré sur sa cigarette sans la lâcher du regard. Son type ? Non. Elle était trop jeune. Trop cassée. Trop silencieuse.
Et c'est exactement pour ça qu'elle l'intriguait.
Il en avait vu des filles. Il avait goûté à la chaleur, à l'arrogance, au drame. Mais elle... elle était autre chose. Une énigme. Une grenade dégoupillée.
Il n'aimait pas les choses faciles. Il aimait les incendies.
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Il l'observa de loin dans la bibliothèque pendant plusieurs minutes. Elle lisait comme on se noie. Ses doigts serraient le livre. Ses lèvres étaient serrées. Elle ne bougeait presque pas, sauf pour changer de page.
Elle était belle. Mais pas douce.
Elle était magnifique, en fait. Une beauté dangereuse. Un genre de regard qui dit ne m'approche pas... ou je te détruis.
Il sourit, s'approcha, s'arrêta derrière elle.
- Tu sais que t'as pas l'âge pour lire ça ?
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- Retour au point de vue de Sara -
Elle le sentit avant même qu'il parle.
L'odeur de tabac. L'énergie masculine. Le poids d'un regard sur elle.
Il venait la déranger. Comme tous les autres. Mais celui-là... avait une voix grave. Et un ton insolent.
"Joue pas à ça avec moi."
Elle leva les yeux. Le vit. Grand. Ténébreux. Une clope à la main. Des cernes sous les yeux. Un rictus sur les lèvres. Il avait l'air aussi perdu qu'elle. Mais il le cachait sous une arrogance presque séduisante.
- Tu sais que t'as pas l'âge pour me parler, répliqua-t-elle froidement.
Touché.
Il ne bougea pas. Il sourit. Presque amusé.
- T'as un nom, Poison ?
Elle haussa un sourcil.
- Et toi, t'as un cerveau ou juste une addiction à la provocation ?
Elle retourna à son livre, feignant de l'ignorer. Mais son cœur battait plus fort.
"Merde. Pourquoi il reste là ?"
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- Retour au point de vue d'Elijah -
Elle l'avait mordu. Pas physiquement. Mais verbalement. Il adorait ça.
Elle ne jouait pas. Elle frappait.
Il resta là encore quelques secondes, puis recula sans un mot, juste un sourire aux lèvres.
Elle l'intriguait encore plus maintenant.
Et il n'avait aucune intention de la laisser tranquille.
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- Point de vue neutre (narrateur global) -
Ils ne le savaient pas encore, mais ce jour-là, quelque chose avait commencé.
Pas un amour. Pas un conte de fées.
Mais un jeu dangereux, un duel entre deux âmes brisées, prêtes à tout pour garder le contrôle... ou tout perdre dans les bras l'un de l'autre.
Et ça, ce n'était que le début.
(Point de vue de Sara )
La cafétéria du campus sentait la graisse froide et le faux sourire.
Sara s’assit à une table isolée, dos au mur. Elle ne mangeait pas. Elle ne parlait pas. Elle observait. Toujours.
C’était devenu une forme de survie : regarder les autres pour ne pas avoir à penser à elle-même. Et surtout, pour que personne ne la regarde trop longtemps.
Elle avait l’habitude qu’on la juge. Trop jeune pour l’université. Trop brillante. Trop bizarre.
Mais elle n’en avait rien à foutre.
Ce monde n’avait plus rien à lui offrir qu’elle n’ait déjà vu en pire.
Ses doigts jouaient avec une capsule de jus qu’elle ne buvait pas.
Son regard glissait lentement d’un groupe de garçons bruyants à une fille qui riait trop fort à une blague stupide. Tout ça l’écoeurait.
“Ils vivent comme si rien ne pouvait les toucher. Comme si la douleur n’existait que dans les films.”
Elle, elle savait.
Elle portait la douleur dans la chair.
Mais personne ne la voyait. Pas vraiment.
Elle remit sa manche. Le pansement collait à sa peau.
Elle retourna dans sa chambre plus tôt que prévu.
La journée l’étranglait déjà.
Elle ôta ses vêtements lentement, comme si elle se déshabillait devant un miroir invisible qui l’évaluait.
Sous ses manches, ses bras étaient un champ de silence.
Cicatrices anciennes.
Bandages récents.
Pas de sang aujourd’hui.
Juste ce vide.
Elle s’assit sur son lit, nue, les jambes croisées.
“Tu ressembles à une poupée vivante, c’est ce qu’ils disent.
Mais même les poupées ont des coutures.”
Plus tard dans la soirée, elle croisa Elijah dans le couloir.
Il fumait, adossé au mur, discutait avec un autre mec.
Elle le vit avant qu’il ne la voie. Il riait d’un rire profond, mais mécanique.
Le genre de rire qui sert à cacher qu’il ne ressent plus rien.
Quand leurs regards se croisèrent, c’était une gifle silencieuse.
Il la fixa, juste une seconde de trop.
Pas d’envie. Pas de curiosité. Juste ce truc… ce dédain.
Elle ne détourna pas les yeux.
— Tu comptes continuer à me regarder comme si j’étais une erreur de la nature ? lâcha-t-elle froidement.
Il haussa un sourcil, écrasa sa clope lentement.
— C’est marrant, j’allais te poser la même question. Tu ressembles à un cauchemar ambulant.
Elle sourit. Pas pour lui plaire. Pour lui faire peur.
— Parfait. Comme ça t’as une excuse pour te barrer quand je passe.
Il la détailla. De haut en bas. Sans gêne. Mais sans désir non plus.
— T’es pas aussi effrayante que tu veux le faire croire. Juste... cassée.
Elle ne répondit pas. Elle avait déjà tourné les talons.
Il n’était rien. Et pourtant, il l’irritait comme une écharde dans la peau.
Point de vue d’Elijah)
Elijah ne dormait jamais bien.
Le lit était trop dur. Ou peut-être que c’était son esprit qui l’était.
Il passait ses nuits à tourner. Fumer. Boire. Penser à tout ce qu’il ne disait pas.
Cette nuit-là, il était assis au bord de son lit, torse nu, une bouteille à la main.
La lumière de la lune passait à travers les stores et dessinait des lignes sur sa peau.
Il n’avait pas revu la gamine depuis leur clash. Sara.
Il ne pensait pas à elle. Enfin… pas consciemment.
Elle l’agaçait. Elle avait ce regard vide qui le renvoyait à ses propres fractures.
"Une gamine surdouée qui pense que le monde lui doit des excuses.
T’as rien de spécial, princesse. On saigne tous, la différence c’est que moi je le montre pas."
Il but une gorgée. L’alcool le brûla à peine.
Le lendemain matin, il la recroisa.
Elle était assise sur un banc, seule, lisant un bouquin qu’il n’aurait même pas effleuré.
Elle portait un long manteau noir. Son visage était neutre. Trop neutre.
Il s’approcha sans réfléchir.
— Tu fais semblant de lire ou tu veux juste qu’on te laisse tranquille ?
Elle ne releva pas les yeux.
— Et toi, tu cherches quelqu’un à humilier ou tu t’ennuies trop de ton vide existentiel ?
Il éclata d’un rire bref. Sec.
— Putain, t’es chiante. T’as toujours ce ton de merde ou c’est juste avec moi ?
Elle referma lentement son livre, le fixa enfin.
— T’as une obsession avec moi ou t’as juste besoin de sentir que t’existes quand on te répond pas avec un sourire de bimbo ?
Il serra les dents. Elle avait visé juste. Encore.
— Tu crois que t’es intouchable parce que t’as un QI de 180 ? Laisse-moi te dire un truc : t’as peut-être de la cervelle, mais t’as pas d’âme. Juste un trou béant là où il devrait y avoir un cœur.
Elle ne réagit pas tout de suite.
Puis elle se leva.
S’approcha de lui.
Très près.
Ses yeux gris le transperçaient.
— Tu crois que t’es profond, Elijah ? T’es juste un déchet un peu mieux emballé que les autres. Tu pues l’alcool, le sexe creux et la colère mal digérée. T’es pas dangereux. T’es pathétique.
Et elle s’éloigna, calmement.
Il ne bougea pas. Pas tout de suite.
Elle l’avait touché. Pas physiquement.
Elle l’avait réduit à l’os.
Et c’était ça le pire. Elle le haïssait. Il la haïssait. Mais au fond, ils se reconnaissaient.
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