Rik monta les marches en râlant doucement, son sac glissant de son épaule.
Il avait passé la journée dehors avec ses potes, et la fatigue commençait à se faire sentir.
En arrivant devant la maison, il remarqua tout de suite un détail bizarre.
La porte d’entrée était entrouverte.
— "Hein ?..."
Il fronça les sourcils. Poussa doucement.
La serrure n’était pas tournée.
— "Jada ? C’est toi qui… ?"
Pas de réponse.
Il entra lentement.
Déposa son sac dans l’entrée.
Et là encore : autre détail étrange.
La lumière du couloir était restée allumée.
Il monta les escaliers, un peu plus vite.
Dans sa poitrine, un sentiment nouveau s’installa. Un mélange de doute et de peur.
Arrivé à l’étage, il vit :
La lumière de la chambre de Jada allumée.
Mais elle n’était pas debout.
Elle n’était pas sur son lit.
Elle n’était pas sur son téléphone.
Non.
Elle était là, par terre.
À genoux, les mains serrées sur le bord du lit. La tête basse. Et elle pleurait.
Pas de grands cris.
Pas de bruit.
Des larmes silencieuses, qui secouaient tout son corps.
Rik resta figé une seconde.
Il n’avait jamais vu sa sœur comme ça.
— "Jada… ?"
Elle ne répondit pas.
Il entra lentement.
Avança jusqu’à elle.
— "Qu’est-ce qu’il s’est passé ?"
Elle secoua la tête.
— "Rik... s’il te plaît, pars."
— "Non. J’pars pas. Regarde-moi, Jada. Dis-moi c’est quoi."
Mais elle ne pouvait pas.
Elle posa son front sur le matelas.
Ses mains se crispaient.
Son souffle était court.
Rik posa une main sur son dos.
Il sentait sa sœur trembler.
Et là, il sut.
Même si elle ne disait rien.
Quelqu’un lui avait fait quelque chose.
Il ne savait pas quoi exactement.
Mais dans ses tripes, il sentait la vérité approcher, et ça le rendait fou.
Rik s’accroupit lentement à côté d’elle.
Sa main était encore sur son dos, il essayait de la rassurer, mais son cœur battait vite. Trop vite.
— "Jada, dis-moi ce qu’il y a… Je t’en supplie, parle-moi."
Elle ne répondit pas.
Mais son souffle était saccadé.
Ses épaules tremblaient.
Et puis, d’une voix faible, brisée, presque inaudible…
— "Amir…"
— "Quoi Amir ?" dit Rik, confus.
— "Jo… Demba…"
Rik se redressa légèrement, les yeux grands ouverts.
— "Attends. Répète. Tu viens de dire Amir, Jo et Demba ? Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Jada, réponds-moi maintenant !"
Elle n’arrivait plus à parler. Sa gorge se bloquait.
Elle recula légèrement, s’écarta du lit, à genoux sur le sol, le regard perdu.
Puis, sans le regarder, elle leva lentement le drap qu’elle avait enroulé autour d’elle.
Sur ses cuisses, des marques rouges, des bleus, des traces qui ne mentent pas.
Rik pâlit. Il recula d’un pas, comme si le sol venait de s’ouvrir sous ses pieds.
Elle leva enfin les yeux vers lui.
— "Ils m’ont..."
Sa voix se brisa.
— "...ils m’ont violé."
Et là, les larmes coulèrent.
Elle pleurait comme une enfant. Comme quelqu’un qu’on a détruit.
Et Rik, lui, restait là, figé, le cœur en miettes, la rage montant en lui comme un feu noir.
Il voulut parler. Mais aucun mot ne sortait.
Juste une phrase tournait dans sa tête :
"Ils ont fait ça… à ma sœur."
Rik sentit tout son corps trembler.
Il avait envie de tout casser. De hurler. De courir.
Mais il ne pouvait pas.
Pas maintenant.
Parce qu’elle, sa sœur, était là, à genoux, détruite. Et elle avait besoin de lui.
Alors il s’approcha doucement.
Il s’agenouilla. Il ne toucha pas ses blessures. Juste son épaule.
Et murmura, d’une voix qu’il ne reconnaissait même plus :
— "Jada, c’est bon… t’es là maintenant. Personne ne va plus te faire de mal. Je suis là. Je bouge pas."
Elle secouait la tête, les lèvres tremblantes. Les mots sortaient par morceaux.
— "jo.. m'a dit… viens… c’est juste pour parler…"
Rik ferma les yeux. Sa mâchoire se contracta.
— "Ils étaient là. Tous les trois. Ils ont poussé sur le gazon. Et après… j’ai crié, Rik… j’ai crié mais…"
Elle étouffa un sanglot.
— "J’arrivais plus à respirer. Mes jambes… je voulais fuir mais… j’arrivais plus."
Il posa sa tête contre la sienne. Il ne pleura pas.
Pas devant elle.
Mais à l’intérieur, il hurlait.
— "C’est fini, Jada. Ils vont payer. Je te le jure. Mais toi, faut que tu respires. Doucement, ok ? Inspire. Expire. Juste ça."
Elle essaya. En pleurant. En secouant la tête.
Mais peu à peu, son souffle se calma.
Rik se leva.
— "Viens. Tu vas prendre un bain chaud. T’as besoin de te sentir propre. T’as besoin de respirer."
Il l’aida à se lever. Doucement. Sans la brusquer.
Elle titubait. Il la guida jusqu’à la salle de bain.
Pendant qu’elle se lavait, Rik alla dans la cuisine.
Il réchauffa du riz, un peu de sauce.
Il n’avait même pas faim, mais il savait qu’elle devait manger un peu. Ne serait-ce qu’une bouchée.
Elle sortit, trempée, enroulée dans une serviette. Il ne dit rien.
Juste un regard, doux, inquiet.
Il posa l’assiette devant elle.
— "Tu peux pas rester le ventre vide. Juste un peu."
Elle mangea. Deux bouchées. Peut-être trois. Puis reposa la cuillère.
— "Merci…" murmura-t-elle.
Il hocha la tête. La fit s’allonger.
Elle s’étendit, mais ne ferma pas les yeux.
Elle regardait le plafond. Figée.
Rik s’assit au bord du lit.
Un long silence.
Puis il souffla :
— "J’vais sortir un moment. Je reviens."
Elle tourna doucement la tête.
— "Tu vas où ?"
Il lui sourit, doucement.
Mais dans ses yeux, il n’y avait plus rien de calme.
— "Je reviens."
Il sortit. Referma doucement la porte.
Puis il descendit, prit ses baskets…
Et quand il sortit dans la nuit,
il ne pensait plus. Il allait juste faire ce qu’il devait faire..
Le ciel était lourd ce soir-là.
Pas un souffle de vent.
Mais dans le cœur de Rik, c’était la tempête.
Il avançait d’un pas rapide, les mâchoires serrées, le regard noir.
Ses mains dans les poches… mais prêtes à sortir.
Direction : le terrain.
Là-bas, sous la lumière tremblotante du vieux lampadaire, ils étaient là.
Amir. Jo. Demba.
Comme si de rien n’était.
Assis, à rire. À blaguer.
À vivre.
Rik resta une seconde debout, juste à quelques mètres.
Personne ne l’avait encore vu.
Et dans cette seconde de silence…
Il sentit le feu dans sa poitrine.
Un feu noir. Un feu dangereux.
Puis il s’élança.
Sur Jo.
Un cri sortit de sa gorge, brut, animal :
— "COMMENT T’AS PU ?!"
Jo n’eut pas le temps de se lever.
Le premier coup le faucha direct.
Le second l’écrasa au sol.
— "MA SOEUR, SALE BATARD ! C’ÉTAIT MA SOEUR !"
Demba sauta en arrière, choqué.
Amir se leva lentement, un sourire en coin.
— "Calme-toi, Rik… héhé. Respire, mon gars."
Rik se tourna vers lui, les yeux rouges.
— "Toi… t’ouvres encore ta bouche après ça ?!"
— "Tu jouais au malin, hein ? Depuis toujours. Voilà. Faut savoir encaisser aussi."
Il riait. Doucement.
Un rire qui n’avait rien d’humain.
Jo gémissait au sol.
Demba ne disait plus rien, figé comme une statue.
Rik fit un pas vers Amir.
Mais Amir ne bougea pas.
— "Viens. T’es chaud ? Allez. Frappe."
Mais dans son regard… il n’y avait pas de peur.
Plutôt un défi. Comme s’il attendait ce moment. Comme si tout ça… était voulu.
Rik serra les poings.
— "T’as intérêt à prier, Amir."
Et là, il se jeta sur lui.
Le poing partit tout seul.
Un coup. Net.
La mâchoire d’Amir craqua sous l’impact, et il tomba en arrière, comme un pantin qu’on a lâché.
Silence.
Juste un gémissement.
Et Demba, paniqué, hurlant :
— "Arrête Rik ! S’il te plaît, arrête maintenant ! C’est bon !"
Rik recula d’un pas.
Ses poings tremblaient, rouges.
Son cœur tapait fort, trop fort.
Il regarda Amir au sol.
Il aurait pu continuer. Il en avait encore la force.
Mais quelque chose en lui se brisa à cet instant.
Ce n’était pas suffisant.
Ce ne serait jamais suffisant.
Alors, il tourna le dos.
Sans un mot.
Il s’éloigna du terrain.
Sous les regards choqués des autres jeunes.
Sous les murmures.
Mais lui… n’entendait plus rien.
---
En rentrant à la maison, il ouvrit la porte doucement.
Il pensait que Jada dormait.
Mais non.
Elle était là.
Assise dans le salon, une couverture sur les épaules.
Ses yeux étaient rouges. Mais ouverts. Vivants. Observateurs.
Elle le fixa.
Longuement.
— "T’étais où ?"
Rik resta figé un instant.
Il baissa les yeux. Hésita. Puis répondit, d’une voix presque plate :
— "J’suis juste sorti."
Un silence.
Puis elle dit, doucement :
— "C’est pour ça que t’as du sang sur les mains ?"
Il leva les yeux vers elle.
Elle ne criait pas.
Elle ne le jugeait pas.
Juste une phrase.
Juste une sœur blessée… qui voyait que son frère l’était aussi.
Rik regarda ses mains. Il ne s’était même pas rendu compte qu’il saignait un peu.
— "Je voulais… rien faire au début."
— "Mais t’as fait."
Il hocha la tête.
Un temps.
Puis elle dit, les yeux dans les siens :
— "Ils méritent. Mais je veux pas te perdre toi aussi."
Rik sentit sa gorge se serrer.
Il s’approcha.
S’assit à côté d’elle.
Et pendant un long moment…
aucun mot.
Le lendemain matin, la lumière perçait à peine les rideaux.
Rik s’arrêta devant la porte de la chambre de Jada.
Il frappa doucement.
— "Jada… il est l’heure."
Silence.
Puis une voix faible, éteinte :
— "J’vais pas à l’école."
— "T’es sûre ? Je peux dire à la prof que t’es malade."
— "Dis rien."
Il resta un instant figé, le cœur lourd. Puis hocha la tête pour lui-même et descendit.
Quelques minutes plus tard, sac sur le dos, regard froid, il sortit.
L’école. Bruyante comme toujours.
Tout le monde riait, parlait fort, se plaignait des devoirs.
Comme si le monde n’avait pas changé.
Comme si hier soir n’avait jamais existé.
Rik, lui, était ailleurs.
Il marchait dans la cour, les poings dans les poches, l’air fermé.
Les sourires autour de lui glissaient sans le toucher.
À la récréation, deux filles s’approchèrent, comme souvent.
— "Rik, t’es toujours aussi beau hein. T’as grandi depuis l’année dernière !" dit l’une en riant.
— "Dis donc, c’est quelle fille qui t’a brisé le cœur comme ça ?" lança l’autre.
Il ne répondit pas.
Pas un regard.
Pas un mot.
Juste un soupir.
Et puis…
Demba.
Il apparut entre deux bancs, nerveux.
Il avança lentement, les mains ouvertes, la tête baissée.
— "Rik… frère… j’voulais m’excuser. Pour hier. Pour… tout. Au nom du groupe, on regrette."
Boum.
Le poing de Rik s’abattit directement sur sa mâchoire.
Demba recula d’un pas. Il tenta de parler, mais Rik ne lui laissa pas le temps.
Deuxième coup. Troisième. Quatrième.
— "TOI TU VIENS ME PARLER ?! TOI ?!"
Demba tomba au sol. Le sang coulait de sa lèvre éclatée.
Rik, fou de rage, continua à frapper.
— "TU TOUCHE À MA SŒUR ET TU OSES ME PARLER ?!"
Des cris. Des élèves s’éloignent. D’autres filment.
Un professeur surgit.
— "RIK ! Arrête ça tout de suite !"
On tire Rik en arrière. Il respire fort. Les poings encore tremblants. Les yeux rouges de rage.
— "Qu’il s’approche encore de moi, j’le termine. C’est clair ?! Qu’il ose encore…!"
Les profs l’entraînent sans attendre.
Direction : le bureau du proviseur.
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