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L'Encre Noire De FANSSO

PARTIE I - LE REJET Chapitre 1 : Le cahier froissé

Le soleil matinal baignait la petite ville de Bouaké d’une lumière dorée et poussiéreuse. Dans une ruelle étroite, entre des murs de béton craquelé, Fansso Louo avançait d’un pas rapide, un sac usé en bandoulière. Ses yeux sombres étaient rivés au cahier qu’il tenait serré contre lui — un cahier à la couverture déchirée, rempli de ses dessins.

Dans ce cahier, il avait tracé des visages tordus par la douleur, des héros fatigués, des monstres silencieux. Des histoires que personne autour de lui ne comprenait.

À l’entrée du lycée municipal, des éclats de rire moqueurs fusèrent. « Hé, Fansso ! Toujours avec ton gribouillage d’enfants ! » cria un garçon en lançant un caillou qui frôla la couverture.

Fansso baissa les yeux, le visage rouge de colère et de honte. Il serra les dents, évita le regard de ses camarades, et entra dans la salle de classe.

Son professeur de français, M. Koffi, prit la parole : « Aujourd’hui, on va parler de rêves. Qui parmi vous sait ce qu’est un rêve réalisable ? »

Fansso leva timidement la main. « Moi, monsieur, je veux devenir mangaka. »

Un silence gêné suivit. Puis un murmure général : « Mangaka ? C’est quoi ce truc ? »

M. Koffi soupira : « Louo, c’est bien de rêver, mais il faut être réaliste. Dessiner des bandes dessinées, ça ne nourrit pas. Tu devrais penser à un métier sérieux. »

Ce jour-là, en rentrant chez lui, Fansso trouva sa mère, Fatou, occupée à vendre des légumes au marché.

« Maman, aujourd’hui j’ai dit que je voulais être mangaka. »

Elle secoua la tête, fatiguée. « Fansso, les gens vont penser que tu es fou. Pourquoi tu ne penses pas à quelque chose de stable ? »

Mais ce soir-là, dans sa chambre éclairée par une lampe fragile, Fansso ouvrit son cahier froissé et laissa ses crayons courir sur le papier. Parce que c’était là, dans ces traits noirs et tremblants, que battait son cœur.

Le silence de la nuit enveloppait la petite maison, mais dans la chambre exiguë de Fansso, une lumière vacillante illuminait son bureau branlant. Il avait posé son cahier sur la table, les pages ouvertes comme une fenêtre vers un autre monde.

Ses doigts tremblaient en saisissant le crayon usé. Il dessina lentement, la mine appuyant fort sur le papier, traçant des traits nerveux, des contours déformés. Chaque ligne était une morsure contre le silence qui l’entourait, chaque visage une histoire muette.

Dans sa tête, une tempête de questions et d’images tourbillonnait. Pourquoi ses camarades ne voyaient-ils pas ce qu’il essayait de dire ? Pourquoi sa mère ne comprenait-elle pas que ses dessins étaient plus qu’un simple passe-temps ?

Soudain, un bruit sourd le fit sursauter. C’était le souffle régulier de sa petite sœur, Awa, qui dormait dans la pièce voisine. Il lui sourit doucement, repensant à la promesse qu’il s’était faite : un jour, ses dessins parleraient pour eux deux, pour leur famille, pour tous ceux qu’on ignore.

Le cahier froissé sur la table semblait lui murmurer des encouragements invisibles. Il continua de dessiner, encore et encore, jusqu’à ce que ses paupières s’alourdissent et que le sommeil l’emporte.

Le lendemain matin, le réveil grinça dans la petite chambre encombrée. Fansso s’étira péniblement, puis attrapa son cahier qu’il avait laissé ouvert sur la table. Il caressa doucement la couverture usée, témoin silencieux de ses nuits blanches.

À la cuisine, sa mère préparait le petit-déjeuner, l’air fatigué mais infatigable. « Tu devrais manger, Fansso. Tu as besoin de force pour la journée. »

Il hocha la tête, avala rapidement un bol de bouillie de mil, puis prit son sac. Avant de sortir, il jeta un dernier regard au cahier posé sur la table. C’était son trésor caché, le gardien de ses secrets et de ses espoirs.

Dans la cour du lycée, les rires et les discussions fusaient, mais Fansso restait souvent seul, observant de loin. Il remarquait les expressions, les gestes, les silences — autant de détails qu’il capturait dans son esprit pour ses dessins.

Un jour, il croisa le regard d’une fille qu’il ne connaissait pas, assise sous un arbre avec un carnet à la main. Elle lui sourit timidement, et pour la première fois, il sentit une étincelle d’espoir.

« Je m’appelle Nnenna, » dit-elle. « Moi aussi, j’aime dessiner. Peut-être qu’on pourrait échanger des idées un jour ? »

Ce simple échange marqua le début d’une nouvelle aventure pour Fansso, celle où il allait comprendre que son chemin serait semé d’embûches, mais aussi d’amitiés et de rencontres qui de Nnenna, qui griffonnait dans son carnet.

« Salut, je suis Fansso », dit-il, la voix un peu hésitante.

Elle leva les yeux, son sourire s’élargit. Alors que le soleil filtrait à travers les branches du grand manguier, Fansso s’approcha doucement de Nnenna, qui griffonnait dans son carnet.

« Salut, je suis Fansso », dit-il, la voix un peu hésitante.

Elle leva les yeux, son sourire s’élargit. « Nnenna. Tu dessines quoi, toi ? »

Il ouvrit son cahier, dévoilant quelques croquis sombres, des visages tordus, des figures à la fois humaines et monstrueuses.

« C’est... un peu différent », murmura-t-elle, intriguée. « Moi, je dessine surtout des histoires sur Lagos, sur les gens, la ville. »

Ils parlèrent longtemps, assis sur l’herbe sèche, partageant leurs rêves, leurs doutes, leurs inspirations. Pour la première fois, Fansso sentit qu’il n’était pas seul dans cette quête, qu’un lien fragile mais précieux se tissait entre eux.

Pourtant, au fond de son esprit, une voix sourde résonnait encore — celle des moqueries, des critiques, des regards qui le condamnaient sans savoir. Le soir même, en rentrant chez lui, Fansso trouva un message sur son téléphone portable, un message anonyme :

« Arrête de rêver, Fansso. Personne ne veut de tes horreurs. »

Le cœur serré, il regarda le message, la peur et la colère se mêlant dans sa poitrine. Ce fut un coup de tonnerre dans sa jeunesse déjà tourmentée. Mais au lieu de plier, il sentit naître en lui une résolution nouvelle, presque aveugle.

Il referma son cahier froissé, cette fois avec plus de détermination que jamais.

Chapitre 2 : Les premiers refus

Le soleil d’après-midi écrasait la rue principale de Bouaké quand Fansso franchit la porte de la petite maison d’édition locale, L’Étoile d’Afrique. Ses mains tremblaient légèrement en tenant une enveloppe épaisse contenant son tout premier recueil de planches. C’était un mélange d’histoires courtes, parfois sombres, toujours intenses, dessinées avec une rage et une sincérité brûlante.

Dans la salle d’attente, une vieille femme à l’air sévère, habillée d’un pagne coloré, feuilletait un magazine. Fansso s’assit, le cœur battant, les yeux fixés sur la porte.

Un homme à la quarantaine, l’air pressé et les lunettes sur le nez, ouvrit la porte du bureau et appela :

« Louo ? Entrez, s’il vous plaît. »

Fansso se leva et traversa la pièce. L’éditeur, Monsieur Kéita, posa le recueil sur son bureau et l’ouvrit. Il parcourut les pages sans un mot, ses yeux fatigués lisant chaque trait, chaque bulle.

« Hum... » fit-il enfin, relevant la tête. « Ton style est... particulier. Très sombre, très... brut. Ce n’est pas ce que nous cherchons. »

Fansso sentit son espoir s’effriter. « Mais c’est mon univers. Je veux montrer la réalité, même si elle est dure. »

Monsieur Kéita soupira. « Ici, on publie des histoires qui vendent. Des histoires légères, optimistes. Ton travail, c’est un mur pour beaucoup. C’est difficile à accepter. »

Le rejet fut un coup de poing. Fansso quitta la maison d’édition avec le cœur lourd, serrant son recueil comme un talisman.

Dans les jours qui suivirent, il envoya ses travaux à plusieurs autres éditeurs, chacun renvoyant la même réponse polie mais ferme : « Nous ne pensons pas que votre style trouvera un public. »

À l’école, les remarques désobligeantes reprirent de plus belle. « T’es un rêveur inutile. Tu devrais arrêter, Fansso. »

Une nuit, assis sur le toit de la maison familiale, Fansso regarda les étoiles, cherchant une réponse. « Pourquoi personne ne voit ce que je veux dire ? »

Il attrapa son cahier, griffonna frénétiquement, laissant la colère et la frustration guider ses crayons. Chaque page devint un cri silencieux.

Mais malgré les refus et les moqueries, il refusa de plier. La graine du mangaka était plantée. Et même si la terre était aride, il allait se battre pour qu’elle pousse.

Après son énième refus, Fansso se retrouva un soir dans la petite pièce où il passait la plupart de son temps : son atelier improvisé. Le mur était couvert de feuilles, d’esquisses et de notes griffonnées au crayon.

Il repensa à cette lettre d’un éditeur parisien, polie mais tranchante : « Votre style est trop radical pour le marché actuel. Trop sombre, trop brut. Peut-être qu’avec plus d’expérience... »

Il froissa la lettre, puis la lança dans la poubelle, son regard brûlant de rage.

Le téléphone vibra. C’était un message de Nnenna :

"Ne lâche pas, Fansso. Le chemin est dur, mais ta voix compte."

Il soupira, surpris par la douceur de ces mots. Elle était la seule à croire en lui, la seule lumière dans cet océan d’obscurité.

Les jours suivants, Fansso tenta de revoir son travail, de l’adoucir, de changer les traits, de rendre les personnages moins « monstrueux ». Mais à chaque fois, il sentait qu’il trahissait ce qu’il voulait vraiment raconter.

Un matin, à l’école, il eut une violente dispute avec son professeur d’arts plastiques, qui lui reprochait son style « nihiliste ».

« Tu devrais dessiner des choses plus belles, plus joyeuses ! » lança la professeure, rouge de colère.

« Et cacher la vérité ? » répliqua Fansso, la voix tremblante. « Je veux montrer ce que personne n’ose dire. »

La tension monta, et Fansso quitta la salle en claquant la porte, sous les regards moqueurs de ses camarades.

Cette même semaine, un groupe de jeunes détruisit une partie de ses dessins affichés dans un petit café local où il avait accepté d'exposer. Il retrouva les feuilles déchirées et piétinées sur le sol. Son cœur se serra.

Mais cette épreuve lui donna une résolution nouvelle. Il décida de continuer, non pas malgré les critiques, mais à cause d'elles. Son art serait son cri, sa rébellion.

Une nuit d'orage, il resta éveillé, la fenêtre grande ouverte, le vent fouettant les rideaux, et la pluie martelant le toit. Il dessina sans relâche, créant une série de planches plus noires, plus violentes, plus sincères.

Ce fut le début d'un style qu'il n'abandonnerait plus jamais.

Les semaines suivantes, Fansso et Awa tissèrent un lien solide. Elle écrivait des articles, organisait des rencontres informelles, et peu à peu, le nom de Fansso Louo circulait dans les cercles d'artistes et de jeunes lecteurs.

Pourtant, à Bouaké, les critiques ne cessaient pas. Certains voisins le regardaient encore avec méfiance, d'autres le traitaient d'étrange ou de fou.

Un soir, alors qu'il rentrait chez lui, une bande de jeunes l'interpella dans une ruelle. Ils riaient, moqueurs.

« Ton style, c'est quoi ? Du cauchemar pour gamins ? »

Fansso resta calme, le cœur battant. Il répondit avec fermeté :

« C'est la vérité que vous refusez de voir. »

Les jeunes le poussèrent, mais il ne recula pas.

Ce moment fut un basculement. Fansso comprit que son combat ne serait pas seulement artistique, mais aussi social.

La nuit enveloppait Bouaké dans un voile d’obscurité paisible, seulement troublée par le bruissement des feuilles et le chant lointain des grillons. Sur le toit de la maison familiale, Fansso était assis, les jambes repliées contre sa poitrine, un carnet à la main. Le ciel étoilé s’étendait au-dessus de lui, infini et silencieux, comme un miroir de ses pensées tourmentées.

Il sentait la fraîcheur du vent sur sa peau, mais à l’intérieur, une tempête faisait rage. Depuis plusieurs semaines, les refus s’étaient accumulés, chaque lettre renvoyée était un coup au moral, chaque critique un poids supplémentaire dans son sac déjà trop lourd.

Dans la lumière blafarde d’une vieille lampe solaire posée à ses côtés, il feuilleta doucement ses dessins. Des visages tordus, des corps fracturés, des ombres qui semblaient sortir d’un cauchemar. Son art, brut et sans concession, reflétait ce qu’il ressentait au plus profond : la douleur, la colère, la solitude.

Il repensa au visage de Monsieur Kéita, l’éditeur de Bouaké, dont le regard s’était arrêté, sans compréhension, sur ses pages. « Trop sombre... Pas de place pour ça ici. » Ces mots lui revenaient en boucle, comme un écho cruel.

« Pourquoi ils ne comprennent pas ? » murmura-t-il à voix basse.

Il serra le carnet contre sa poitrine. Pour lui, chaque dessin était un cri, un morceau de vérité qu’il refusait d’enterrer.

Le souvenir de Nnenna fit naître un léger sourire sur ses lèvres. Elle, avec sa lumière douce et sa foi inébranlable en lui, avait été la première à voir au-delà des traits sombres. « Tu dois tenir, Fansso. Ta voix est nécessaire. »

Et puis il y avait Awa, la journaliste venue d’Abidjan, qui lui avait tendu une main amicale dans cet univers de rejets. Leur rencontre avait été une bouffée d’oxygène, mais même elle ne pouvait pas effacer la solitude qui l’étreignait parfois.

Il regarda au loin, vers les lumières scintillantes de la ville. Ce mélange de promesses et de défis. Puis son regard se posa sur les toiles déchirées et les carnets abîmés posés près de lui. Il se souvint de la soirée tragique où un incendie avait ravagé une partie de la maison, détruisant une grande partie de ses dessins.

La douleur de cette perte lui serra le cœur comme un étau.

Il posa ses mains sur les pages calcinées, les effleura doucement.

« Tout ça... c’était mon passé, mes combats, mes rêves... » souffla-t-il, la voix brisée.

Mais malgré la désolation, une flamme brûlait encore en lui. Une promesse silencieuse : Ce n’est pas la fin. C’est le début.

Chapitre 3 : La nuit des doutes

La nuit était tombée depuis longtemps sur Bouaké. Les rues, maintenant désertes, étaient baignées par la douce lueur argentée de la lune. Sur le toit de la maison familiale, recouvert de tôles rouillées, Fansso était assis, seul avec ses pensées. Le vent léger jouait avec ses cheveux, comme pour tenter de disperser les nuages sombres qui obscurcissaient son esprit.

Il tenait dans ses mains un carnet usé, dont les pages racontaient toute sa lutte intérieure : des personnages déformés, des visages en pleurs, des traits puissants et parfois brutaux. C’était plus qu’un simple art, c’était une confession, une bataille qu’il livrait contre un monde qui refusait de le comprendre.

Une sensation de solitude profonde l’envahit. « Pourquoi suis-je le seul à voir cette vérité ? » pensa-t-il, les yeux fixés sur le ciel étoilé, comme s’il cherchait une réponse dans les constellations. Mais le silence de la nuit ne lui offrait que son propre reflet, un miroir sans concession.

Il revit la scène chez l’éditeur d’Abidjan, où il avait tendu son travail avec espoir, seulement pour recevoir un refus poli, distant, mais écrasant.

— « Ton style est trop radical, trop noir. Nous préférons des histoires qui inspirent, qui célèbrent la vie. Pas cette noirceur. »

Ces mots résonnaient dans sa tête comme un verdict.

« Mais c’est ma réalité, » murmura-t-il. « Ce que personne ne veut affronter. »

Une larme silencieuse glissa sur sa joue. Il laissa échapper un soupir lourd, chargé de fatigue. Le poids des regards moqueurs à l’école, des insultes dans la rue, des dessins déchirés... Tout cela avait fini par s’accumuler en une douleur sourde qui menaçait de l’engloutir.

Il pensa à Nnenna. Sa présence, douce et rassurante, était un phare dans cette obscurité. Elle ne le jugeait jamais, elle croyait en lui d’une manière qu’il peinait à comprendre.

Le matin où elle lui avait offert ce carnet neuf, il avait senti une bouffée d’espoir. Comme si le simple fait de pouvoir recommencer, de poser ses idées sur des pages vierges, lui donnait la force de poursuivre.

Mais la nuit suivante, un incendie avait détruit une partie de la maison. Le feu avait tout dévoré : ses dessins, ses souvenirs, ses heures de travail.

Il se rappelait le goût amer de l’odeur de brûlé, la chaleur intense qui lui avait creusé la gorge, la vision des flammes dansant sur les murs noirs.

— « Tout est perdu, » avait-il pensé, le souffle court.

Il s’était effondré, vidé, abattu.

Mais quelque part au fond de lui, une étincelle refusait de mourir.

Cette douleur, cette rage, ce feu intérieur devinrent une nouvelle source d’énergie. Une promesse silencieuse : Je me relèverai.

Il ouvrit à nouveau son carnet et commença à dessiner, lentement, avec des gestes hésitants au début, puis plus sûrs. Chaque trait était un défi lancé à l’adversité, une déclaration d’existence.

Le soleil monta dans le ciel, éclairant doucement la pièce où il s’était réfugié. Le jour apportait une lumière nouvelle, une invitation à la renaissance.

Le téléphone vibra soudain. C’était un message d’Awa.

"Un journaliste international veut faire un reportage sur ton travail. C’est une chance."

Son cœur s’emballa. Était-ce enfin la reconnaissance qu’il attendait ?

Il ferma les yeux, respira profondément et se redressa.

La nuit des doutes s’achevait. Une nouvelle étape commençait

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