Demain, c'est la rentrée universitaire, et étrangement, je ressens un mélange d'appréhension et d'un soulagement presque palpable. Ce n'est pas que j'aime l'école, loin de là, non. Mais je l'aime infiniment plus que cette maison, ce lieu que l'on nomme "chez moi" mais qui n'a jamais résonné comme tel dans mon cœur. Pour moi, l'université est une jungle. Une arène implacable où les forts sont forgés et les faibles, inévitablement, sont détruits. Et je sais, au plus profond de moi, que je suis tout sauf forte. Plutôt une proie qui cherche désespérément à se fondre dans le décor, à devenir invisible pour éviter les griffes acérées du monde.
Ce soir, je regarde les étoiles, ces points scintillants qui percent l'obscurité depuis ma chambre. Ou plutôt, depuis cet espace que j'occupe, car on ne peut guère valider cet endroit comme un véritable "chez-soi". Je ne me suis jamais sentie appartenir à ces murs, jamais vraiment à ma place ici. Ce n'est pas qu'on me maltraite, non. Mes parents sont corrects, ils subviennent à mes besoins, mais il y a cette distance infranchissable, cette absence d'écho à mon âme. C'est juste un sentiment persistant d'être une étrangère, une âme en transit dans un lieu qui ne m'accueille pas vraiment, qui ne me voit pas vraiment. Un peu comme si j'étais constamment en attente d'un départ, d'une véritable arrivée.
La solitude a toujours été ma plus fidèle compagne, ma plus sûre échappatoire. Elle est comme une bulle protectrice où je peux enfin respirer, loin des jugements et des attentes silencieuses. J'ai toujours préféré être seule, me perdre dans mes pensées, dans le silence réconfortant de ma propre existence. J'aime le murmure du vent à travers la fenêtre, le crépitement lointain de la vie extérieure que je n'ai pas à affronter. J'aime ne pas avoir à maintenir une façade, à jouer un rôle.
Et pourtant, au fond de moi, sous cette carapace d'indépendance, sous cette préférence assumée pour l'isolement, il y a toujours eu cette petite étincelle d'espoir. Une lueur ténue, presque honteuse, que je cache même à moi-même. L'espoir secret que quelqu'un viendrait. Quelqu'un qui verrait au-delà de mes réticences, qui percerait ma bulle sans l'éclater. Quelqu'un qui me donnerait enfin envie de ne plus être seule, de briser cette routine de l'isolement. Quelqu'un qui ferait de cette jungle, de cette université, une raison de rester, une raison de m'ouvrir. Non pas pour l'école elle-même, mais pour la promesse d'une connexion, d'une véritable appartenance. C'est un désir paradoxal, un rêve secret que je n'ose formuler à voix haute, mais qui palpite doucement au rythme de mon cœur, sous le regard indifférent des étoiles. Demain sera un nouveau chapitre, et j'espère, malgré tout, qu'il apportera une réponse à ce souhait silencieux.
kenza
Le bruit de mes pas résonne dans le couloir, un écho solitaire qui semble amplifier le tumulte joyeux derrière les portes des dortoirs. Déjà, les autres sont là, s'installant, riant aux éclats, des amis se retrouvant après de longs mois d'absence. Une pointe d'anxiété me serre le ventre ; je ne sais pas encore avec qui je partagerai cette petite portion d'intimité, mais je me dis que je verrai bien plus tard. Chaque chose en son temps. Mon sac sur l'épaule, je me dirige vers ma première salle de classe, le cœur battant une cadence étrange, faite d'appréhension et d'un vague espoir inavoué.
Je pousse la porte, et c'est là que la bulle de ma solitude éclate en mille morceaux.
Le bruit de mes pas résonne dans le couloir, un écho solitaire amplifiant le joyeux tumulte des dortoirs. Demain, c'est la rentrée universitaire, ma seule véritable échappatoire à cette maison qui n'a jamais été la mienne. L'école n'est pas ma passion, mais elle est ma jungle, un lieu où les forts prospèrent et où je me sens tout sauf forte. J'aspire à l'invisibilité.
Je pousse la porte de ma classe, et ma bulle de solitude éclate.
-KENZAAAA ! crie Beatrice ses yeux flamboyants et ses cheveux dorés rayonnant d'une joie qui m'enveloppe dans une étreinte suffocante.
Elle m'entraîne dans le groupe des filles populaires, des regards curieux ou indifférents posés sur moi. Je sais que certaines me détestent déjà, d'autres m'ignorent. Je les écoute parler, mes propres mots coincés dans ma gorge. Je suis là, mais absente.
La classe se remplit, le silence s'installe à l'arrivée de Monsieur Dubois, notre professeur de philosophie. Un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux sombre aux et des yeux emeraude , il dégage une aura de calme et d'autorité. Sa voix, grave et posée, résonne :
- bonjour je suis monsieur millier dit-il en écrivant son nom dans le tableau
Mon objectif cette année ne sera pas simplement de vous enseigner des concepts, mais de vous apprendre à penser. continuet-il
-Le nouveau prof est plutôt beau, on ne va pas s'ennuyer, murmure Mya.
-Pas mal du tout, ajoute Asma.
-Rien n'est à ton goût Asma, ajoute Béatrice
-derrière un peu de silence, rétorque le prof
Un silence tendu s'installe dans la classe, palpable, tandis que Monsieur Dubois commence son cours. Sa voix grave et posée remplit l'espace, délivrant des concepts philosophiques avec une clarté inattendue. Trois heures s'écoulent, étonnamment vite, le temps s'effilochant entre définitions et questions profondes qui invitent à la réflexion. La sonnerie retentit enfin, libératrice pour certains, et c'est l'heure tant attendue de la cantine.
-Kenza, tu viens, on va manger ? La voix joyeuse de Béatrice perce le brouhaha des chaises qui raclent le sol. Elle est là, souriante, pleine d'entrain.
-Hum, non merci, je préfère rester seule, dis-je, ma voix à peine un murmure, mes mots se bousculant maladroitement. Je sens les regards, les murmures qui suivent.
- Elle est cheloue, murmure Mya, sa voix juste assez forte pour que je l'entende.
Je me pince la lèvre inférieure, une habitude que j'ai prise pour contenir la frustration, la blessure. On me le dit souvent, ce mot, "chelou", bizarre. On me le lance comme une étiquette, un jugement facile. Malgré les années, malgré la fréquence, je ne m'y habitue jamais vraiment. Chaque fois, ça pique, ça me rappelle à quel point je suis différente, à quel point je ne rentre pas dans leurs cases.
Loin de l'agitation des rires et des bruits de fourchettes, je me dirige vers un petit arbre dans le jardin de l'université. C'est mon refuge, mon havre de paix. Je sors mon livre, une vieille édition aux pages cornées, et m'adosse contre le tronc rugueux. Le doux bruissement des feuilles et l'odeur de l'herbe coupée m'enveloppent. Je commence à lire, plongeant dans un autre monde, là où les personnages et les intrigues sont bien plus compréhensibles que la complexité des relations humaines.
Mais même là, sous mon arbre, l'esprit vagabonde. Une pensée, une seule, persiste en arrière-plan, une sorte de prière silencieuse :
Lucas
peut-être qu'il a changé d'université ou qu'il m'a oublié, c'est aussi possible
je pince ma lèvre inférieure de tout façon je m'en fous
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