Péché De Chair
Chap 1 – La Cendre sous la Peau
La cigarette tremblait entre ses doigts.
Ji Hoon s’était réfugié dans l’ombre d’une ruelle étroite, dos contre un mur humide, les yeux rivés sur l’asphalte sale. La pluie avait cessé, mais l’air restait moite, chargé de cette odeur métallique propre aux nuits de Séoul où l’on pouvait se perdre sans que personne ne vous cherche.
Il n’aimait pas attendre. Pas dans ces conditions, pas pour ce genre de rendez-vous. Madame Chae lui avait simplement dit : « Il est riche, exigeant. Sois docile. Et ne le regarde pas trop. »
Un ronronnement de moteur rompit le silence. Une voiture noire, vitres teintées, s’arrêta lentement devant lui. Il écrasa sa cigarette du bout du pied, inspira une dernière fois.
La portière s’ouvrit.
Un homme en descendit. Grand, manteau sombre, regard perçant. Pas un mot. Pas un sourire. Juste cette présence… suffocante.
Ji Hoon n’en connaissait pas encore le nom, mais il ressentit immédiatement le danger. Cet homme dégageait quelque chose d’animal, de parfaitement maîtrisé et pourtant, profondément violent.
Tae Hyun
Monte, dit-il enfin. La voix était grave, posée. Un ordre, pas une invitation.
L’intérieur de la voiture était silencieux. Aucune musique, aucune conversation. Tae Hyun le fixait par intermittence, sans expression. Le trajet sembla durer une éternité.
Ils arrivèrent devant un immeuble luxueux. Pas un mot échangé jusqu’à ce que Ji Hoon pénètre dans l’appartement. Moderne, froid, impeccablement rangé. Comme son propriétaire.
Tae Hyun
Tu sais pourquoi tu es ici ? demanda Tae Hyun, en s’asseyant dans un fauteuil, jambes croisées, verre de whisky à la main
Ji Hoon hocha la tête. (Mensonge.)
Tae Hyun
Non, tu ne sais pas. Et c’est bien mieux comme ça.
Il le scruta longuement, puis fit un geste lent de la main. Pas pour le toucher. Pour lui indiquer le sol. S’agenouiller..
Tae Hyun
Tu veux de l’argent, non ? murmura Tae Hyun, presque amusé. Ou tu veux que je te protège ? De Madame Chae ? De ceux qui viendront après moi ?
Le cœur de Ji Hoon battait à tout rompre. Il finit par plier les genoux.
Tae Hyun se leva, s’approcha lentement, et glissa une mèche de cheveux derrière l’oreille du jeune homme.
Tae Hyun
J’achète ce que personne ne veut, Ji Hoon. Mais je ne garde que ce qui saigne bien.
Tae Hyun ne lui avait rien fait. Pas encore.
Et pourtant, en sortant de l’appartement, Ji Hoon avait l’impression d’avoir été dénudé, exposé, vidé.
Le silence du trajet retour l’étrangla plus que les mots qu’ils n’avaient pas échangés. Il gardait encore en tête la voix de l’homme, grave et posée, comme une promesse de chute. Quand la voiture s’arrêta devant le bar, Ji Hoon descendit sans un mot, les jambes un peu fléchies. La portière se referma doucement derrière lui. Il n’osa pas se retourner. Pas pour voir si Tae Hyun le regardait encore. Il en était sûr. Il le sentait dans sa nuque.
⸻
Il poussa la porte du bar. L’odeur familière du tabac froid, du vieux cuir et de l’alcool bon marché l’enveloppa.
Madame Chae était là, comme toujours, derrière le comptoir, cigarette entre les lèvres, une bouteille de gin à moitié vide devant elle. Elle le regardait. Longtemps. Comme si elle lisait sur sa peau ce que l’autre n’avait même pas touché.
Madame Chae
Il t’a marqué ? demanda-t-elle, sans détourner les yeux.
Ji Hoon s’arrêta au milieu de la pièce. Il ne savait pas quoi répondre. Ce n’était pas son corps qu’il sentait sale. C’était plus profond.
Ji Hoon
Non, murmura-t-il. Il ne m’a pas touché.
Puis elle souffla la fumée lentement, presque avec tendresse.
Madame Chae
Alors il est pire que ce que je pensais.
Chap 2 – Le Goût du Contrôle
Les jours suivants s’étirèrent comme une brûlure lente.
Ji Hoon faisait semblant de vivre. Il nettoyait des verres derrière le bar, aidait Madame Chae à compter les billets humides de sueur, et souriait mécaniquement aux clients qui sifflaient en le regardant passer. Mais à l’intérieur, une sensation rongeait.
Tae Hyun ne rappelait pas. Ne venait pas.
C’était une absence bruyante. Comme une menace suspendue dans l’air.
Ji Hoon détestait ça — cette attente, cette tension dans ses muscles, comme s’il devait toujours être prêt. Il ne savait pas à quoi, mais il se préparait.
Yoon Seok passa ce soir-là. Il travaillait dans un petit restaurant du quartier. Il connaissait Ji Hoon depuis le lycée, depuis avant. Il ne posait pas de questions. Il restait, et c’était suffisant.
Yoon Seok
Tu manges ? demanda-t-il en posant un sac plastique sur le comptoir.
Ji Hoon
T’aurais pas dû, répondit Ji Hoon sans le regarder.
Yoon Seok
Si je le fais pas, tu le feras jamais.
Ils mangèrent ensemble, en silence. Puis Yoon Seok parla, la voix basse :
Yoon Seok
J’ai entendu des trucs… sur lui. Sur Tae Hyun.
Yoon Seok
Ce type… Il est impliqué dans des trafics. Enfants, armes, flics corrompus. Il a même un détective aux trousses. Han Min Soo, je crois. Tu vois qui c’est ?
Ji Hoon secoua la tête. Il mentait. Ce nom lui avait traversé l’esprit l’autre soir, comme une ombre derrière lui.
Yoon Seok
Éloigne-toi de lui, Ji Hoon. Ce mec, c’est une tombe ouverte.
Il ne répondit pas. Parce qu’il savait que c’était trop tard.
La nuit suivante, il le revit.
Il ne l’avait pas entendu entrer. Pas vu approcher. Mais Tae Hyun était là, au fond du bar, assis seul dans une banquette, vêtu de noir, les yeux posés sur lui comme s’il l’attendait depuis toujours.
Ji Hoon sentit son souffle se briser. Madame Chae croisa son regard et s’effaça sans un mot. Elle savait.
Il s’approcha. Lentement.
Ji Hoon
Tu es revenu, dit-il simplement.
Tae Hyun le fixa. Aucune émotion dans ses yeux. Mais une tension contenue, presque animale.
Tae Hyun
Tu penses à moi ?
Il se leva. Saisit Ji Hoon par le poignet. Ferme,Calme.
Tae Hyun
Ce soir, tu rentres avec moi.
Dans la voiture, personne ne parla. Ji Hoon observait la ville défiler derrière la vitre, comme s’il quittait un monde pour un autre. Un monde qu’il n’aurait jamais dû approcher.
Quand ils arrivèrent, Tae Hyun ne l’emmena pas directement à l’étage. Il l’adossa contre le mur du hall, leurs visages à peine séparés.
Tae Hyun
Tu n’as pas peur de moi, dit-il. C’est ça, le problème.
Ji Hoon
Peut-être que je devrais, répondit Ji Hoon.
Tae Hyun sourit, enfin. Un sourire fin, presque douloureux.
Tae Hyun
Tu comprendras bientôt.
Chap 3 – La Première Déchirure
L’appartement de Tae Hyun était silencieux comme une cathédrale maudite.
Tout y était impeccable, glacé, sans trace de vie. Comme si aucun souffle humain ne devait s’y attarder. Et pourtant, Ji Hoon y entra à nouveau, cette fois sans qu’on le pousse. Il ne savait pas ce qu’il cherchait — un frisson, une punition, une vérité.
Tae Hyun referma la porte derrière lui sans un mot. Le clic de la serrure résonna comme une sentence.
Ji Hoon resta debout au centre du salon, les mains dans les poches, essayant de ne pas trahir les battements affolés de son cœur. Il ne savait pas ce que cet homme voulait de lui. Mais il savait qu’il ne partirait pas tant qu’il ne l’aurait pas donné.
Tae Hyun s’approcha lentement. Toujours ce calme. Ce regard qui ne jugeait pas — il analysait, il prévoyait.
Tae Hyun
Tu veux comprendre ce que je suis, Ji Hoon ? demanda-t-il.
Pas de réponse. Juste le silence. Et la tension.
Tae Hyun
Alors enlève ton haut.
Ji Hoon baissa les yeux. Son souffle se bloqua dans sa gorge. Mais il obéit. Lentement. Chaque bouton défait était comme un aveu. Son torse maigre et nerveux apparut sous la lumière froide. Tae Hyun posa les yeux dessus comme sur une œuvre incomplète.
Tae Hyun
Tu crois que t’as rien à perdre. C’est faux. On a toujours quelque chose à prendre, murmura-t-il.
Il effleura sa peau du bout des doigts. Pas un geste brusque. Une caresse lente. Mais Ji Hoon sentit la morsure dans le creux de son ventre. Une alerte. Un vertige.
Tae Hyun approcha ses lèvres de son oreille.
Tae Hyun
Je ne vais pas te baiser ce soir. Pas encore. Pas comme ça.
Ji Hoon
Alors pourquoi je suis là ?
Tae Hyun
Parce que tu veux qu’on te casse. Tu veux qu’on te fasse oublier qui tu étais avant de vendre ton corps pour respirer.
Il recula légèrement. Puis lui tendit un verre
Tae Hyun
Bois. Et dors ici ce soir.
Ji Hoon hésita. Puis prit le verre. Il ne posa pas de question.
Il dormit dans une chambre d’amis. Pas très grande. Mais propre. Le lit était froid, comme tout le reste. Il s’y allongea en silence, les pensées en désordre.
Mais le sommeil ne vint pas.
Il entendit un bruit, puis la porte s’ouvrit doucement.
Tae Hyun entra. Torse nu. Un pantalon noir, rien d’autre.
Il s’approcha du lit, s’assit au bord.
Tae Hyun
Je t’ai dit que je ne te toucherais pas. Et je tiendrai parole.
Il passa ses doigts sur la joue de Ji Hoon. Léger. Hypnotique.
Tae Hyun
Mais je veux que tu t’habitues à moi. Que ton corps sache que je suis là, même quand je dors.
Et il s’allongea à côté de lui. Sans rien ajouter. Le silence reprit sa place. Ji Hoon sentit son cœur battre contre ses côtes. Tae Hyun ne bougeait pas. Il respirait calmement. Comme un fauve en veille.
Ji Hoon ne dormit pas. Mais il ne bougea pas non plus.
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