Le soleil d’Akira tombait paresseusement sur le port délabré, étalant sa lumière dorée sur les maisons en bois craquelé et les voiles en lambeaux qui claquaient au vent. L’île flottante tanguait doucement, suspendue par miracle au-dessus des brumes sans fin qui avalaient quiconque chutait du bord.

Sur une poutre grinçante, un garçon était allongé, les bras croisés derrière la tête, observant les nuages au-dessus de lui.

Ses cheveux noirs étaient aussi ébouriffés qu’un nid d’oiseau, et une cicatrice en forme d’éclair barrait son épaule gauche, témoin d’un accident dont il n’avait aucun souvenir.

Son nom ? *Kael*.

Son âge ? Peut-être seize ans, peut-être moins. Il ne le savait pas lui-même.

 Ce qu’il savait, en revanche, c’est qu’au fond de ses veines bouillonnait quelque chose de bien plus dangereux que l’ennui ou la solitude.

Quelque chose d’incandescent.

— *Bordel…* grogna-t-il en bâillant. *Si je passe une journée de plus sans qu’il se passe un truc incroyable, je saute du bord de l’île, juré.*

Il lança un caillou en l’air, le rattrapa d’une main paresseuse, et recommença.

Sur les quais, les marchands s’activaient, criant leurs prix exorbitants. Les gamins couraient en riant, défiant les adultes furieux. Les vieux pêcheurs râlaient contre la mauvaise pêche. Une journée banale à Akira.

Trop banale.

Soudain, un hurlement fendit l’air.

— *VOLEUUUUUUR !!*

Kael se redressa d’un bond. Ses yeux s’illuminèrent d’un éclat espiègle.

— *Enfin un peu d'action !*

Sans réfléchir, il bondit de sa poutre, atterrissant souplement sur un étal de poissons (qui s’effondra immédiatement dans une gerbe d’écailles puantes).

— *Oups.* fit-il en riant, avant de se ruer vers le tumulte.

Au centre de la place, un petit garçon filait à toute allure, serrant contre lui un fruit étrange, à la peau dorée et aux reflets vibrants.

— *Arrêtez-le ! C’est le Fruit d’Æther !* hurla un vieux marchand en agitant les bras.

Kael fronça les sourcils.

 Grave erreur.

Kael bougea.

D'un seul mouvement, il surgit, pivotant sur son pied d’appui, et balaya les jambes du colosse d’un coup circulaire fulgurant. Le géant s’écrasa au sol dans un fracas assourdissant.

Les autres n’eurent même pas le temps de réagir.

Kael virevoltait entre eux, rapide comme un éclair, imprévisible comme une tempête.

Chaque coup qu’il portait était précis, naturel, instinctif.

Comme si son corps se souvenait de quelque chose qu’il, lui, avait oublié.

En moins de dix secondes, les ruelles furent jonchées de corps gémissants.

Le petit garçon, ébahi, serrait encore le fruit contre lui.

Kael s'approcha, essuyant la poussière de sa veste élimée.

— *Alors, tu me le donnes, ce fruit magique ? Ou tu préfères qu’on rejoue à chat ?*

Le gamin hésita. Puis, lentement, il tendit le fruit.

Kael le prit... et sentit aussitôt une décharge étrange le parcourir.

Quelque chose s’éveillait. Quelque chose de… familier.

Le pendentif à son cou vibra faiblement.

Soudain, un fracas épouvantable retentit.

Le ciel au-dessus d’Akira se fissura comme du verre sous un marteau.

Des éclairs noirs zébrèrent les nuages. Un immense portail tourbillonnant s’ouvrit dans les cieux, aspirant l’air lui-même.

Les gens hurlèrent, fuyant dans tous les sens.

*Fruit d’Æther ?* Ce nom vibrait bizarrement dans sa poitrine. Comme si une vieille cloche invisible résonnait quelque part en lui.

Sans hésiter, il courut après le gamin.

— *HEY ! Petiot !* cria-t-il. *File ça, c’est pas un jouet !*

— *Jamais !* répliqua le gosse avec un grand sourire, avant de bifurquer brusquement dans une ruelle étroite.

Kael pesta et accéléra. Ses jambes le portaient plus vite qu’il n’aurait cru possible. Le vent sifflait à ses oreilles. Chaque battement de son cœur résonnait comme un tambour.

À l’instant où il tendait la main pour attraper le gamin, une ombre massive s’abattit devant eux.

Une bande de brutes, armées de gourdins et de sourires mauvais.

— *Tsk tsk tsk…* ricana l’un d’eux, un colosse chauve tatoué jusqu’au menton. *Pas si vite, minus. Ce fruit est à nous.*

Le petit garçon se figea. Ses yeux cherchèrent une issue.

Kael, lui, esquissa un sourire en coin.

— *Oh, ça va être fun.*

Il s’avança tranquillement, mains dans les poches.

— *Écoutez, les gros bras. Laissez le gamin filer. Ou alors…*

Il fit craquer ses phalanges, le regard brillant d’une lueur presque joyeuse.

— *… vous allez goûter à la vraie spécialité d’Akira : MON coup de pied dans vos tronches.*

Un silence incrédule s’abattit.

Puis les brutes éclatèrent de rire.

Kael leva les yeux, le fruit toujours en main.

Son cœur battait si fort qu’il crut qu’il allait exploser.

— *C’est quoi ce bordel ?...*

Et du portail, une silhouette gigantesque surgit.

Un être vêtu d’une armure d’ombres, ses yeux luisant d’une haine ancienne.

Il pointa directement Kael.

*— ENFANT DU CIEL BRISÉ… RENDS-MOI L’ÉCLAT !*

Kael avala difficilement sa salive.

Puis il éclata d'un rire nerveux.

— *Okay... Okay...*

— *... je crois que ma journée vient de devenir vachement intéressante.*

Le vent hurlait comme une bête blessée.

Les maisons se pliaient sous la puissance du portail noir suspendu dans le ciel. L’air lui-même semblait vibrer de peur.

Kael, figé, serrait toujours le fruit d’Æther contre lui, son cœur battant à tout rompre.

La silhouette sombre flottait au-dessus du sol, drapée d’un manteau d’ombres qui s’effilochait au vent. Sa voix résonnait directement dans les âmes, lourde et froide.

— *Enfant du Ciel Brisé... ton existence est une erreur. Rends-moi ce qui m’appartient, et je t’accorderai une mort rapide.*

Kael esquissa un sourire tremblant, malgré la peur qui lui nouait l’estomac.

— *Hé... merci pour l’offre, monsieur le cosplay raté, mais je vais devoir décliner.*

Le gamin qui l’avait aidé, Lino, était recroquevillé derrière lui, terrorisé.

Sans prévenir, l’être d’ombres tendit la main.

Une lance d’énergie noire se matérialisa dans l’air et fusa droit sur Kael.

L’instinct prit le dessus.

Kael pivota, attrapa Lino sous son bras et bondit sur le côté, esquivant l’attaque de justesse. La lance pulvérisa la maison derrière eux, réduisant bois et pierre en poussière.

— *Bon sang !* s’écria Kael en roulant au sol. *Il est sérieux, là ?!*

Pas le temps de réfléchir.

Il fallait fuir.

— *Allez, grimpe sur mon dos, gamin !* lança-t-il à Lino.

Sans discuter, le petit obéit, agrippant Kael de toutes ses forces.

Ils dévalèrent les ruelles, esquivant les débris et les cris.

Partout, le chaos régnait. Des éclairs noirs tombaient du ciel, ouvrant des failles béantes dans les rues. Les habitants fuyaient en hurlant, tentant d'échapper à l'apocalypse tombée du ciel.

À chaque détour, Kael sentait la présence de l'être d’ombre derrière eux, implacable.

*Comment le semer ?!*

Il n'était pas assez fort.

Pas encore.

Et puis, une voix résonna dans son crâne.

Une voix douce, ancienne.

*"Quand ton cœur brûlera plus fort que ta peur, alors l’Éclat répondra à ton appel."*

Kael trébucha presque.

— *C’est pas le moment d’entendre des trucs bizarres, sérieux !* râla-t-il en serrant le fruit d’Æther contre lui.

Soudain, devant lui, se dressa le vieux phare abandonné d’Akira. Haut et solide, il surplombait toute l’île.

Un éclair d'idée traversa l’esprit de Kael.

Un goût étrange explosa dans sa bouche, à la fois sucré, salé, amer et brûlant.

Puis... la douleur.

Une vague de feu l’engloutit de l’intérieur.

Kael tomba à genoux, haletant.

Son corps semblait se déchirer, se reconstruire. Ses os crépitaient, ses muscles se tordaient. Sa peau prenait une teinte légèrement dorée, éclatante.

Le vent lui-même semblait s’arrêter de souffler.

La silhouette d’ombres recula légèrement, surprise.

Kael releva la tête, un éclat nouveau dans ses yeux.

Un éclat d’Æther.

De ses mains, une lumière blanche jaillit, pure et tranchante comme une lame.

Il se releva lentement, son corps irradiait d’une force nouvelle.

— *T’as peur, sombre taré ?* lança-t-il avec un sourire sauvage. *T’as intérêt.*

L’être d’ombres rugit et fondit sur lui.

Kael serra les poings.

Le combat commença.

Un choc de titans.

Kael esquivait avec une vitesse impossible, frappait avec une précision surhumaine. Chaque coup portait l’écho de quelque chose de plus grand que lui : une ancienne puissance réveillée.

Mais l’ennemi était puissant.

Trop puissant.

Après plusieurs échanges, Kael chancela.

Son énergie baissait.

C’est alors que Lino, resté en arrière, hurla :

— *KAEL !! T'abandonne pas !! T’es notre seul espoir !!*

Ces mots explosèrent dans la poitrine du garçon.

Un feu s’y ralluma.

Kael se redressa, le visage dur.

— *J'ai fait une promesse.* murmura-t-il. *Et je tiendrai parole...*

Dans un dernier cri de rage, il concentra toute son énergie dans ses poings.

La lumière de l’Æther explosa autour de lui.

Avec une rapidité fulgurante, il traversa l’espace qui le séparait de son adversaire...

Et d’un coup droit étincelant, il brisa l’armure d’ombres, faisant hurler la créature de douleur.

Le portail se mit à vaciller.

L’ombre se désintégra dans un dernier cri de haine.

Kael s'effondra, épuisé.

Le ciel se referma lentement, ramenant un calme étrange sur l'île.

Autour de lui, les survivants émergèrent timidement de leurs cachettes.

Le gamin Lino courut vers lui, les larmes aux yeux.

— *T’es vivant !*

Kael ouvrit un œil, esquissant un sourire fatigué.

— *Évidemment... je suis pas du genre à crever aussi facilement…*

Il leva lentement le poing vers le ciel.

— *Je te le jure, Akira... je trouverai la vérité. Je deviendrai plus fort que jamais. Et je ferai briller mon nom au sommet du monde.*

Le vent porta son serment aux quatre coins de l’île.

Le début d’une légende venait de naître.

Le vieux port de Sanza grondait sous l’agitation du matin.

Des marchands criaient leurs prix, des mouettes rieuses volaient en cercles, et les navires de toutes tailles dansaient au rythme de la mer. Au milieu de cette effervescence, Kael avançait, serrant dans sa main un vieux sac de voyage.

À peine dix-sept ans, et déjà prêt à tout quitter.

La veille, Maître Orlun, son mentor depuis l’enfance, lui avait tendu une vieille carte usée par le temps.

— *Ton destin ne se trouve pas ici, Kael. Si tu veux vraiment découvrir le pouvoir de l'Æther, tu dois partir. Suis cette route. Traverse la Mer des Cent Orages. Et trouve la Tour d’Harmonia.*

Kael n’avait pas hésité une seconde.

Devant lui, amarré à moitié en ruines, un vieux bateau attendait : *Le Vagabond des Vents*. Un navire minuscule comparé aux énormes galions autour, mais c’était tout ce qu’il pouvait se payer.

Son meilleur ami, Elrick, était déjà là, assis sur une caisse, les bras croisés.

— T'es sûr de toi, vieux frère ? demanda-t-il avec un sourire mi-figue mi-raisin.

Kael hocha la tête, déterminé.

— Plus que jamais.

Elrick soupira, se levant d'un bond.

— Alors tu vas avoir besoin de ça.

Il lui tendit un foulard bleu nuit, brodé du symbole d’un aigle. Leur emblème d’enfance, celui qu’ils s’étaient promis de porter lorsqu’ils deviendraient "libres".

Kael l’accepta avec un sourire, serrant Elrick dans ses bras.

— Merci... pour tout.

— Ramène-toi en vie, imbécile. On a encore une revanche à finir aux cartes.

Un dernier rire, un dernier regard.

Puis Kael grimpa à bord du Vagabond des Vents.

À peine avait-il largué les amarres qu’un coup de vent violent gonfla la voile. Le petit bateau s’arracha au quai comme un oiseau prenant son envol.

Kael regarda Sanza s’éloigner, la gorge serrée. Il savait que rien ne serait plus jamais comme avant. Il ne serait plus un garçon du port. Il deviendrait quelque chose de plus grand.

Une légende.

Il attrapa la barre et pointa son cap vers l’horizon.

La mer immense s’ouvrait devant lui.

Et dans son cœur, brûlait une promesse faite au monde entier :

*"Je deviendrai assez fort pour changer mon destin."*

Mot de l'auteur

Bonjour à tous,

Merci du fond du cœur de prendre le temps de lire cette histoire.

Quand j’ai commencé à écrire ce roman, je voulais créer un voyage rempli d’émotions : des rêves, des combats, des chutes, mais surtout beaucoup d’espoir.

Kael, notre héros, n’est pas parfait. Comme chacun de nous, il doute, il tombe, il se relève. Son aventure est une manière pour moi de dire que, peu importe d’où l’on vient, nos choix peuvent toujours changer notre vie.

J’espère que son chemin vous touchera autant qu’il m’a touché en l’écrivant.

Et si, en lisant, vous ressentez un peu de courage, de force, ou même un petit sourire, alors pour moi, ce sera déjà une belle victoire.

Merci à tous ceux qui croient en leurs rêves, et surtout...

N’abandonnez jamais.

À très vite pour la suite !