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Entre Les Lignes

CHAPITRE I (Alice)

Je ne sais pas si vous avez déjà eu cette impression que quelque chose allait changer sans savoir quoi. C’était un jour comme ça. Un matin de printemps qui ressemblait à un matin d’automne, avec le ciel tout gris et des petites gouttes qui tombent mais qui ne mouillent presque pas. J’étais dans le tram, assise au fond, mon sac sur les genoux, la tête contre la vitre froide.

J’allais au lycée comme d’habitude, mais je n’avais pas envie d’y penser. Alors je regardais dehors, les rues qui défilaient, les gens qui marchaient vite avec leur parapluie. Et puis, il y avait ce carnet dans mon sac. Un petit carnet noir où j’écris des choses. Pas vraiment des poèmes… des phrases surtout, des mots qui me viennent quand j’en ai marre de tout garder dans ma tête.

Je ne sais pas pourquoi je le prends toujours avec moi. Peut-être pour me rassurer.

Ce jour-là, j’ai fini par le sortir. J’ai tourné quelques pages, relu des trucs que j’avais oubliés. Et puis j’ai écrit. Quelques mots, sans réfléchir :

Il y a des jours où le monde pèse moins lourd.

Peut-être parce qu’on a décidé de ne plus le porter.

J’ai souri toute seule. C’était nul et en même temps ça me faisait du bien.

C’est à ce moment-là que je l’ai vu.

Un garçon est monté au tram à Commerce. Grand, un peu dégingandé, avec des cheveux bruns en bataille et un sweat trop large. Il avait des écouteurs dans les oreilles et un sac à dos qui semblait trop lourd pour lui. Il avait l’air ailleurs, comme moi quand je mets de la musique pour oublier que je suis dans un tram rempli de gens.

Il s’est assis juste en face de moi. Et là, j’ai paniqué.

J’ai vite refermé mon carnet et je l’ai glissé dans mon sac, comme si j’avais peur qu’il puisse lire ce que j’écrivais rien qu’en me regardant.

Il n’a rien remarqué.

Il a juste sorti un livre de son sac. Un vieux livre, avec une couverture abîmée. Et il a commencé à lire.

Je ne sais pas pourquoi ça m’a fascinée. Peut-être parce que plus personne ne lit dans le tram. Ou parce qu’il avait l’air de vraiment aimer ça.

J’ai essayé de voir le titre discrètement. Je me suis penchée un peu… et il a levé les yeux.

Nos regards se sont croisés.

Je me suis sentie rougir direct.

— Salut, il a dit en souriant.

Je n’ai pas répondu tout de suite. J’étais trop surprise qu’il me parle.

— Salut, j’ai fini par dire.

— Tu écris ?

J’ai ouvert la bouche, puis refermé. Comment il savait ? J’ai regardé mon sac. Il avait vu le carnet.

— Euh… un peu. Enfin, c’est rien d’important.

— C’est jamais « rien d’important », il a répondu en haussant les épaules.

Je ne savais pas quoi dire. Qui était ce garçon qui sortait des phrases comme ça à une inconnue ?

— Moi, je lis, il a ajouté en me montrant son livre.

— J’avais remarqué.

Il a rigolé. Son rire était simple, un peu cassé. Ça m’a détendue.

— Erwan, il a dit en tendant la main.

— Alice.

Je l’ai serrée. Sa main était froide, comme la vitre du tram. Mais agréable.

On a parlé un peu. De livres, de musique. Il m’a demandé ce que j’écrivais. J’ai dit « des trucs ». Il a hoché la tête comme si ça lui suffisait.

Puis il a sorti un papier de sa poche. Un poème. Il me l’a tendu.

— C’est de Prévert, il a dit. C’est un de mes préférés.

Je l’ai lu. C’était simple et beau. Ça parlait de liberté et de pluie. Je me suis dit que ça ressemblait à ce matin-là.

— Merci, j’ai dit.

Il a souri. On est restés silencieux jusqu’à mon arrêt.

Avant de descendre, il a juste dit :

— Continue d’écrire.

Et puis les portes se sont refermées.

Je ne savais pas encore que c’était le début de quelque chose.

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