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A L’Ombre Des Couronnes,Nos Cœurs

La nuit du feu et du sang

La lune, haute et brillante, baignait la cité elfique d’Elyndor d’une lueur argentée. Le silence nocturne ne laissait rien présager du mal qui approchait. Mais dans les ténèbres, les démons se glissaient, silencieux, porteurs de mort.

Ilmarion Elyndriel Ithilion, fils aîné du roi, se tenait sur l’un des balcons du palais. Sa main caressait distraitement la rambarde sculptée alors qu’il observait la forêt entourant la capitale. Un frisson lui traversa l’échine. Quelque chose n’allait pas.

Un hurlement perça soudain la nuit, suivi par le fracas de flammes et des cris. Ilmarion se retourna brusquement.

— Gardiens, en alerte ! hurla-t-il. Le royaume est attaqué !

Les couloirs du palais se remplirent en un instant de panique et de chaos. Ilmarion fonça vers la salle du trône. Les murs tremblaient sous les assauts, et l’odeur de chair brûlée montait déjà dans l’air.

Il trouva ses parents, le roi Thalendriel et la reine Alenya, debout, fiers malgré les flammes dévorant les portes. Le roi était grièvement blessé.

— Père ! s’écria Ilmarion en se précipitant à ses côtés.

— Ilmarion, écoute-moi bien… souffla le roi, le souffle court. Tu dois fuir… emmène tes frères et sœurs… protège-les.

— Je peux encore me battre ! protesta-t-il, les yeux humides.

— Non. Tu es le dernier espoir de notre peuple. Tu dois les protéger et reconstruire notre royaume… Promets-le-moi.

La voix de son père se brisa dans un râle. Sa mère, à ses côtés, lui posa une main tremblante sur la joue.

— Vis, mon fils. Pour eux. Pour tous ceux que nous avons perdus.

Le cœur brisé, Ilmarion acquiesça, retenant ses larmes.

— Je vous le promets.

Il embrassa leurs fronts une dernière fois avant de fuir dans les couloirs, retrouvant ses jeunes frères et sœurs blottis derrière les gardes restants.

— Nous partons. Maintenant.

Ils empruntèrent un passage secret menant hors du palais. Les démons étaient partout : des créatures ténébreuses aux griffes acérées, à la peau noircie comme le charbon, leurs yeux rougeoyants cherchant à tuer. Les gardes ouvrirent la voie, tombant un à un pour permettre à la famille royale de fuir.

Dans la forêt, alors qu’ils approchaient de la rivière sacrée, une embuscade les attendait. Une dizaine de démons surgirent des buissons.

— Reculez ! ordonna Ilmarion en se plaçant devant sa plus jeune sœur.

Un démon bondit, crocs dégoulinants de venin. Ilmarion le transperça de sa lame elfique, mais un second attaqua par-derrière, le griffant profondément à l’épaule. Il sentit le sang couler, sa vue se troubler. Mais il ne recula pas.

— Courez ! cria-t-il à ses frères et sœurs. Je vous rejoindrai !

Il continua à se battre, le souffle court, jusqu’à ce que ses jambes cèdent. Il s’effondra sur l’herbe froide, les démons battus autour de lui, mais son corps trop faible pour continuer.

La dernière chose qu’il vit fut un ciel rempli d’étoiles, et le chant apaisant de la rivière qui l’enveloppait doucement comme une berceuse d’adieu.

Lorsqu’il ouvrit les yeux, la lumière était tamisée, douce, mais étrangère. Des tentures rouges aux broderies dorées ornaient les murs, et un feu crépitait dans une cheminée de pierre.

Ilmarion tenta de se redresser, mais une douleur aiguë lui arracha un gémissement. Une silhouette s’approcha : grande, imposante, aux yeux aussi dorés que le feu.

— Ne bouge pas. Tu as été gravement blessé, dit une voix grave, calme mais autoritaire.

Ilmarion fronça les sourcils.

— Qui êtes-vous ? Où suis-je ?

L’homme s’approcha davantage, son regard le sondant avec une intensité presque brûlante.

— Tu es au palais royal de Drakaris. Je suis Aelstrom Kaelen Drakaris, roi des Fyrliths.

Ilmarion voulut répliquer, mais un vertige le coupa. Aelstrom l’observa un instant en silence, puis esquissa un sourire léger, presque moqueur.

— Tu es plus résistant que tu en as l’air, elfe. Mais ne t’imagine pas pouvoir sauter du lit pour aller sauver le monde. Pas encore.

Le roi de feu et de glace

Le silence était presque pesant dans la chambre. Ilmarion fixait l’homme devant lui, tentant de comprendre ce qu’il faisait dans un palais humain. Le nom Aelstrom Kaelen Drakaris lui disait quelque chose… le roi des Fyrliths, les descendants des dragons. Un homme réputé pour sa froideur, sa puissance et sa cruauté stratégique. Et pourtant, cet homme était celui qui l’avait sauvé ?

— Pourquoi… m’avoir aidé ? murmura Ilmarion, la voix enrouée.

Aelstrom s’assit dans un fauteuil près du lit, croisant calmement les jambes. Il portait une armure légère, noire aux reflets rouges, mais son port était celui d’un souverain sûr de lui.

— Parce que je n’avais rien de mieux à faire ce soir-là, répondit-il, un soupçon d’ironie dans la voix. Et accessoirement, mes éclaireurs t’ont trouvé inconscient au bord de la rivière. Entouré de cadavres de démons. Impressionnant, pour un elfe blessé.

Ilmarion ferma un instant les yeux, rassemblant ses souvenirs. Il revoyait le visage de son père, ses frères et sœurs fuyant dans la nuit, les cris, les flammes…

— Ma famille… ils ont fui… je dois…

Il tenta de se relever, mais Aelstrom posa une main ferme sur son épaule.

— Tu ne bouges pas. Tu n’iras nulle part tant que je n’en aurai pas décidé ainsi.

— Ce ne sont pas tes ordres qui me gouvernent, rétorqua Ilmarion, les yeux sombres.

Le roi haussa un sourcil, intrigué. Ce regard calme mais brûlant n’était pas celui d’un simple héritier tombé du ciel.

— Intéressant, murmura Aelstrom. Je vois que tu n’es pas aussi fragile que tu en as l’air. Mais que tu le veuilles ou non, ton corps est en train de se réparer. Et dans mon palais, c’est moi qui décide.

Ilmarion détourna les yeux, respirant lentement pour ne pas céder à l’impulsion de se redresser à tout prix.

— Je dois les retrouver. Mon peuple a besoin de moi.

Aelstrom le fixa longuement, puis se leva. Il marcha lentement jusqu’à la fenêtre, les mains croisées dans le dos.

— Ton peuple a été décimé par les démons. Tu es chanceux d’être encore en vie. Mais si tu sors sans préparation, tu n’auras aucune chance.

— Et que proposes-tu ? demanda Ilmarion, amer. De rester ici, assis pendant que les miens sont peut-être traqués ou morts ?

Aelstrom tourna légèrement la tête vers lui, son expression impassible.

— Je propose de survivre intelligemment. De penser stratégie plutôt qu’orgueil blessé. Et peut-être… peut-être que nous avons un intérêt commun.

— Tu comptes me faire chanter ?

Le roi esquissa un sourire en coin, presque amusé.

— Pas encore. Mais tu vas devoir m’écouter. Car que tu le veuilles ou non, tu es sous ma protection désormais.

Ilmarion le toisa, partagé entre la colère, la frustration… et une curiosité inattendue. Il ne s’attendait pas à ce que le légendaire roi-dragon soit si… insaisissable. Autoritaire, oui. Mais aussi d’une froideur maîtrisée, presque hypnotisante.

— Tu ne sembles pas aimer qu’on te résiste, fit-il remarquer, la voix plus douce mais toujours ferme.

Aelstrom rit doucement. Un rire bref, presque moqueur.

— Et toi, tu ne sembles pas connaître le sens du mot “repos”. Nous allons devoir travailler là-dessus.

Il se dirigea vers la porte, mais s’arrêta une seconde.

— Repose-toi. Ton peuple ne sera pas sauvé en un jour. Et crois-moi… je ne suis pas ton ennemi, Ilmarion.

Puis il disparut, laissant le prince elfe seul, l’esprit en feu.

Ilmarion soupira, le regard perdu dans le plafond orné. Il avait mal. Pas seulement à cause de ses blessures. Il ignorait où étaient ses frères et sœurs, s’ils étaient en vie. Il était dans un royaume étranger, dans une chambre luxueuse, soigné par un roi aussi glacé que le givre… et pourtant brûlant d’une flamme étrange.

Il se jura alors, une fois de plus :

— Je vous retrouverai. Je reconstruirai Elyndor. Et je ferai payer chaque démon pour ce qu’il a fait.

L’arc des Dieux

Le vent soufflait doucement sur les hautes cimes d’Elyndor. Les arbres millénaires bruissaient paisiblement sous la lumière dorée du crépuscule. Au sommet d’une des plus hautes tours de cristal du palais, un jeune elfe à la chevelure argentée ajustait calmement la corde d’un arc aussi ancien que le royaume lui-même.

Ilmarion, encore adolescent à l’époque, se tenait droit, concentré, les yeux fixés sur la cible lointaine, perchée à plus de deux cents mètres. À ses côtés, son père, le roi Elyndriel, l’observait en silence.

— Ta respiration est trop rapide, fit remarquer le roi d’un ton mesuré.

— Je… je fais de mon mieux, Père.

— Ce n’est pas “faire de ton mieux” qu’il faut. C’est être un avec ton arc. Avec ta volonté.

L’arc que tenait Ilmarion n’était pas ordinaire. Forgé dans les branches sacrées de l’Arbre-Monde et doté de fils d’étoile, il avait été transmis de génération en génération aux héritiers légitimes du trône. On disait qu’il pouvait transpercer la magie noire elle-même.

Ilmarion inspira lentement, puis banda l’arc. La flèche scintilla légèrement sous le halo du soleil couchant. Il ferma un œil, visa… et relâcha.

La flèche fendit l’air avec une grâce silencieuse… mais frappa à quelques centimètres de la cible.

— Encore, dit le roi, impassible.

— Mais je viens de tirer quatre fois, Père.

— Alors il t’en faut une cinquième pour réussir.

Ilmarion serra la mâchoire. Il aimait son père, mais ses entraînements étaient sans pitié. Ce n’était pas par cruauté, mais parce qu’il croyait en lui. Parce qu’un jour, Ilmarion serait roi à son tour.

Il banda de nouveau l’arc. Cette fois, il ferma les yeux un instant. Il se remémora les paroles de sa mère : “Ce n’est pas la force qui fait un bon archer, c’est la paix du cœur.”

Quand il rouvrit les yeux, tout sembla plus clair. Il ne voyait plus la distance, le vent, la pression… seulement le point qu’il devait atteindre.

La flèche fila. Et cette fois, elle se planta en plein centre.

— Enfin, murmura le roi avec un léger sourire. Tu as compris. L’arc des Dieux ne répond pas à la colère, mais à la détermination paisible.

Ilmarion sourit timidement, fier.

— Père… Crois-tu que je serai un bon roi ?

Elyndriel s’approcha, posa une main sur l’épaule de son fils.

— Tu seras un roi différent de moi. Tu n’as pas la fureur de la guerre dans le sang. Mais tu as ce que peu possèdent : la sagesse du cœur, l’oreille des peuples, et une volonté d’or. C’est cela qui fera de toi un roi digne.

Le jeune elfe détourna le regard, ému par cette confiance. Il n’avait jamais voulu du trône. Il aimait la musique, les étoiles, la paix. Mais il comprenait, plus que jamais, que la paix ne pouvait exister sans force pour la défendre.

Le lendemain, il reprenait l’entraînement avec encore plus d’ardeur. L’arc des Dieux ne se laissait jamais vraiment dompter. Il choisissait son maître. Et Ilmarion s’était juré de ne jamais l’utiliser à la légère. Cet arc ne servirait jamais à attaquer… seulement à protéger.

Il ouvrit les yeux en sursaut, la respiration haletante.

Le plafond du palais de Fyrliths s’étendait au-dessus de lui, orné de gravures draconiques. Un rêve… Non. Un souvenir. Il porta sa main à son flanc, où la douleur le rappelait à la réalité.

— Père… je ferai honneur à tes paroles. Je te le promets, murmura-t-il dans le silence de la chambre.

Mais une pensée plus amère le frappa.

Où était son arc ?

Il avait fui avec lui lors de l’attaque… Il se souvenait l’avoir serré contre lui dans la forêt. Puis… plus rien.

Ilmarion serra les draps. Son héritage. Son lien avec sa famille. Il devait le retrouver. Sans lui, il ne serait pas complet. Et plus que jamais, il aurait besoin de sa puissance pour faire face aux ténèbres qui menaçaient tous les royaumes.

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