La sonnerie retentit dans les couloirs du lycée, marquant la fin des cours. Dani rangea lentement ses affaires, écoutant d’une oreille distraite les conversations animées autour d’elle.

— Dani, tu viens ? lança une de ses amies.

Elle força un sourire.

— Non, allez-y, je vous rejoins plus tard.

Elle attendit que tout le monde quitte la salle avant de souffler. Son cœur battait fort. Elle savait pourquoi.

Yannis l’attendait.

Elle referma son sac et sortit, son regard balayant la cour. Il était là, adossé à un mur, les bras croisés. Même de loin, il dégageait cette aura à laquelle elle n’avait jamais su résister.

— T’as pris ton temps, fit-il en levant un sourcil.

Elle haussa les épaules, un léger sourire au coin des lèvres.

— T’avais qu’à venir me chercher.

Il rit doucement avant de lui prendre la main et de l’attirer contre lui.

— T’as réfléchi à ce que je t’ai dit ?

Son sourire se figea légèrement. Bien sûr qu’elle y avait réfléchi. C’était la seule chose à laquelle elle pensait depuis des jours.

"Si tu me donnes une nuit sans protection, je t’aimerai."

Ces mots tournaient en boucle dans sa tête. Elle savait que ce n’était pas normal, que ce n’était pas une preuve d’amour… mais elle l’aimait. Et elle avait peur de le perdre.

Elle plongea son regard dans le sien.

— Tu me promets que tu seras là après ?

Yannis caressa sa joue, un éclat amusé dans les yeux.

— Évidemment, bébé. T’es à moi, non ?

Son cœur rata un battement.

Elle hocha doucement la tête.

Cette nuit-là, elle fit un choix.

Un choix qui allait bouleverser sa vie.

•°•

Les jours passèrent, et Dani tenta de reprendre une vie normale. Mais quelque chose en elle avait changé.

Yannis était toujours là, du moins en apparence. Il l’appelait moins souvent, lui envoyait moins de messages. Quand elle lui parlait, il était plus distant, moins attentif.

Elle se disait que c’était dans sa tête, qu’elle se faisait des idées.

Jusqu’au jour où…

Elle se sentit mal en classe.

Une nausée soudaine, un vertige qui la força à s’accrocher au bureau. Ses amies la regardèrent avec inquiétude.

— Dani, ça va ?

Elle hocha la tête, forçant un sourire.

— Juste un peu fatiguée…

Mais au fond d’elle, une angoisse sourde commençait à naître.

Elle compta les jours. Puis recomp­ta encore.

Son cœur s’emballa.

Ce n’était pas possible.

Ce n’était pas censé arriver.

Paniquée, elle acheta un test de grossesse après les cours. Ses mains tremblaient lorsqu’elle rentra chez elle et s’enferma dans la salle de bain.

L’attente fut interminable.

Puis la réponse tomba.

Positif.

Son souffle se coupa. Elle relut plusieurs fois, espérant une erreur, une illusion. Mais non.

Elle était enceinte.

Son esprit se brouilla. Elle pensa immédiatement à Yannis. Il devait savoir. Il allait la soutenir, n’est-ce pas ?

Elle attrapa son téléphone et l’appela.

Une fois. Deux fois.

Pas de réponse.

Elle tenta encore. Cette fois, il décrocha, sa voix agacée.

— Qu’est-ce que t’as ?

Elle sentit sa gorge se nouer.

— Yannis… Il faut qu’on parle. C’est important.

Il soupira.

— Sérieux ? À cette heure-là ?

— S’il te plaît… retrouve-moi devant l’école.

Un silence. Puis :

— Ok. Mais fais vite.

L’appel se coupa.

Elle resta figée un instant.

Puis, le cœur battant à tout rompre, elle attrapa un pull et sortit en douce.

Elle devait lui dire.

Et elle priait qu’il ne la laisse pas tomber.

La nuit était froide. Dani serrait son pull contre elle en avançant vers l’école, le cœur battant à tout rompre. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent.

Quand elle arriva devant les grilles, elle chercha Yannis du regard.

Personne.

Le vent sifflait, la pluie fine commençait à tomber, rendant l’atmosphère encore plus pesante. Elle fit quelques pas, regarda autour d’elle, hésitante.

Puis, une ombre apparut sous un lampadaire.

Il était là.

Adossé au mur, les mains dans les poches, l’air agacé.

— T’as intérêt à ce que ce soit important, lâcha-t-il dès qu’elle fut assez proche.

Elle sentit son ventre se nouer.

— Yannis…

Elle prit une grande inspiration.

— Je suis enceinte.

Le silence qui suivit fut glacial. Il cligna des yeux, comme s’il n’avait pas bien compris.

— Quoi ?

— Je suis enceinte, répéta-t-elle, la gorge serrée.

Il fronça les sourcils, puis éclata de rire.

Un rire sec, moqueur, qui lui coupa le souffle.

— Toi ? Enceinte ? Tu plaisantes, j’espère.

Elle secoua la tête, les larmes lui montant aux yeux.

— Je suis sûre. J’ai fait un test.

Son expression changea. Il se redressa, les mâchoires serrées.

— Et alors ? Tu veux quoi ?

Elle déglutit difficilement.

— Je… Je veux qu’on en parle.

Il soupira bruyamment, passant une main sur son visage.

— Écoute, c’est pas mon problème.

Son cœur se brisa.

— Mais… c’est toi le père. Je… je l’ai jamais fait avec quelqu’un d’autre.

Il haussa les épaules, un sourire narquois aux lèvres.

— Et alors ? Ça change quoi ?

Elle sentit ses jambes trembler.

— T’avais promis… Tu m’as dit que tu serais là…

Il ricana.

— Sérieusement, Dani ? T’as vraiment cru à ça ?

Un frisson glacial lui traversa le corps.

— Donc… tu t’en fous ?

— Grave.

Elle recula d’un pas, le souffle court.

— Yannis… je peux pas gérer ça toute seule…

— C’est plus mon problème, répondit-il froidement. Débrouille-toi.

Puis, sans un regard en arrière, il tourna et s’éloigna.

Dani resta figée sous la pluie, tremblante, son monde s’écroulant autour d’elle.

Elle était seule.

Complètement seule.

Dani marchait lentement dans les rues désertes, la pluie ruisselant sur son visage. Son corps était glacé, mais elle ne sentait rien.

Chaque pas résonnait dans le vide.

"Débrouille-toi."

Ces mots tournaient en boucle dans sa tête. Yannis ne voulait rien savoir. Il ne l’aimait pas. Il ne l’avait jamais aimée.

Une larme roula sur sa joue.

Lorsqu’elle arriva devant la maison, elle hésita. Derrière cette porte, sa mère l’attendait, sûrement inquiète de son absence.

Elle essuya son visage et inspira profondément avant d’entrer.

— Dani, tu étais où ? s’écria sa mère en venant vers elle.

Son regard inquiet scruta son visage trempé.

— Je… J’étais chez une amie, mentit-elle en baissant les yeux.

Sa mère soupira, soulagée.

— Tu devrais me prévenir quand tu rentres tard. Allez, va te sécher avant d’attraper froid.

Dani hocha la tête et se dirigea vers sa chambre, le cœur serré.

Elle s’écroula sur son lit, fixant le plafond.

"Comment je vais lui dire ?"

Sa mère lui faisait confiance. Elle l’avait toujours encouragée, soutenue. Comment allait-elle réagir en apprenant que sa fille de 16 ans était enceinte ?

L’angoisse lui serra la gorge.

Elle voulait disparaître.

Fermer les yeux et se réveiller dans un monde où tout ça n’aurait jamais existé.

Mais c’était trop tard.

Son ventre deviendrait un secret trop lourd à porter.

Et tôt ou tard, elle devrait parler.

Le lendemain matin, Dani traîna les pieds jusqu’au lycée, le visage pâle et marqué par la fatigue. Elle n’avait presque pas dormi. Son esprit était embrouillé, son corps lourd.

À peine eut-elle franchi les grilles qu’une dispute éclata devant elle.

— Mili, je te jure que si tu fais ça encore une fois, je vais te tuer ! cria Lili, rouge de colère.

— Mais t’es vraiment fatigante, hein ! C’est pas ma faute si Kevin me préfère à toi ! répliqua Mili en croisant les bras.

— Pardon ?!

Dani ferma brièvement les yeux.

"Pas maintenant…"

Les jumelles se disputaient toujours pour un garçon, une broutille ou une histoire de vêtements. D’habitude, elle intervenait pour les calmer, mais aujourd’hui… elle n’avait pas la force.

Lili bouscula sa sœur, qui répliqua immédiatement en lui tirant les cheveux.

— Stop ! lâcha Dani d’une voix plus faible que prévu.

Les jumelles se tournèrent vers elle.

— Quoi ? lança Mili.

— Vous êtes fatigantes… murmura Dani en passant une main sur son visage.

Lili fronça les sourcils.

— Dani, ça va ?

Dani hocha la tête, mais Mili la fixa avec méfiance.

— T’as une tête bizarre. T’as pleuré ?

— Non, j’ai juste mal dormi.

Lili soupira.

— Si c’est encore à cause de ce connard de Yannis, laisse tomber. Ce mec n’en vaut pas la peine.

Dani baissa les yeux.

Si seulement elles savaient…

Elle voulait leur parler, leur dire ce qu’elle portait en elle. Mais elle avait peur. Peur de leur réaction, peur de leur jugement.

— T’inquiète, tout va bien, mentit-elle.

Mais elle savait que plus elle garderait ce secret, plus il finirait par exploser.

La journée de cours était un enfer.

Dani avait du mal à se concentrer, son regard perdu dans le vide. Les voix des profs résonnaient dans sa tête sans qu’elle ne comprenne un seul mot.

À plusieurs reprises, elle sentit son estomac se nouer. Une nausée désagréable montait, mais elle faisait tout pour la contenir.

— Dani, t’écris pas ? demanda Mili en lui donnant un petit coup de coude.

— Hein ?

Mili la fixa, perplexe.

— T’es vraiment bizarre aujourd’hui… C’est quoi ton problème ?

Lili se pencha vers elles.

— Moi, je parie qu’elle est encore dans son délire avec Yannis. Dani, sérieux, faut arrêter. Ce gars c’est une merde.

Dani serra les dents, mais ne répondit rien.

Elle posa la main sur son ventre, discrètement.

"Si seulement c’était aussi simple…"

Le reste du cours passa dans un brouillard. À la pause, elle alla s’asseoir sous un arbre, loin de l’agitation du lycée.

Elle ferma les yeux et inspira profondément.

— Dani.

Elle sursauta.

Mili et Lili étaient devant elle, bras croisés, les visages graves.

— Dis-nous la vérité, lança Mili.

Dani sentit son cœur battre à toute vitesse.

— Quelle vérité ? répéta-t-elle en essayant de garder son calme.

Lili la fixa, méfiante.

— T’es pas normale depuis ce matin. Tu parles pas, t’as l’air fatiguée, et t’es toute pâle.

Mili renchérit :

— Et arrête de poser ta main sur ton ventre comme ça. T’es malade ou quoi ?

Dani retira immédiatement sa main et força un sourire.

— Vous vous faites des films. J’ai juste pas bien dormi, c’est tout.

Lili et Mili échangèrent un regard. Elles n’avaient pas l’air convaincues.

— T’es sûre ? demanda Mili.

Dani hocha rapidement la tête.

— Ouais, c’est rien. Arrêtez de vous inquiéter.

Elle espérait qu’elles la croiraient.

— Bon, si tu le dis… souffla Lili, pas totalement rassurée.

Elles finirent par changer de sujet et parler d’autre chose, mais Dani savait que le doute était semé dans leur esprit.

Si elle voulait cacher sa grossesse, elle allait devoir être plus prudente.

Mais combien de temps allait-elle tenir avant que la vérité n’éclate ?