La journée tirait à sa fin à Dabou, un coin où la vie s’écoulait avec le bruit des marchands qui s’époumonaient et des enfants qui couraient partout. Les maisons étaient serrées comme des sardines, leurs parois en parpaing bien usées par les années. Le soleil, presque fatigué, s’apprêtait à se coucher, et dans la rue, des jeunes jouaient au foot avec deux pierres comme buts, leurs rires résonnaient entre les murs. L’odeur des poissons frits se mêlait à celle des épices, avec un petit parfum d’égouts. C’était le quartier de Jamila, elle y était née, et chaque recoin lui était familier.

Elle franchit la grille rouillée de leur cour, son sac d'école qui pendait mollement sur son épaule, ses sandales usées qui traînaient un peu sur le sol poussiéreux. L’uniforme bleu clair, tout froissé, laissait voir la fatigue sur son visage, mais elle ne disait rien. C’était la même fatigue qu’elle portait tous les jours, sans jamais se plaindre.

Jamila : « Maman, je suis rentrée ! » lança-t-elle en enlevant ses sandales.

Pas de réponse. Elle fronça les sourcils et jeta un coup d’œil autour. La cour était calme, juste le linge suspendu qui flottait sous le vent. Elle entra dans la maison, la porte grinçant sous son poids.

La salle était simple, mais propre, comme toujours. Le vieux canapé défoncé trônait au milieu, à côté d’une table qui avait vu des jours meilleurs. Le téléviseur, éteint, laissait la pièce plongée dans une lumière jaune, venant de l’ampoule qui pendait du plafond. Une odeur de sauce graine venait de la cuisine.

Elle entra dans la cuisine et aperçut la marmite qui bouillonnait encore sur le réchaud. La sauce graine, son plat préféré, emplit ses narines, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Elle prit un verre d’eau avant de se diriger vers sa chambre.

Allongée sur son lit, les bras derrière la tête, elle fixa le plafond. Elle rêvait d’autre chose, de quitter Dabou un jour, de voir d’autres horizons. Mais, en même temps, elle aimait profondément sa famille. Sa mère, même si elle bossait non-stop, faisait toujours tout pour elles. Et Rayan, son grand frère, malgré ses airs sévères, était là, toujours là pour veiller sur elle.

Le lendemain, après une journée de cours banale, Jamila était assise sur la table basse, plongée dans ses devoirs. Elle était fatiguée, mais elle savait que c’était la routine.

Maman : « Jamila, viens ici ! »

Elle se leva lentement, son stylo toujours dans la main. Sa mère, la fatigue marquée sur son visage, lui tendit un bol chaud accompagné de foutou bien enveloppé.

Maman : « Va donner ça au voisin, là. C’est pour le remercier d’avoir aidé avec la pompe. »

Jamila fronça les sourcils. Elle n’aimait pas trop ce voisin, qu’elle connaissait à peine. Mais elle savait qu’il n’était pas question de discuter avec sa mère.

Jamila : « D’accord, je vais. »

Elle prit les plats avec soin et sortit dans la cour. L’air frais de la fin de journée lui fit du bien. Le quartier commençait à s’animer avec des voix qui s’élevaient, des commerçants qui tentaient de vendre leurs derniers produits.

Elle arriva devant la porte du voisin, hésita un instant, puis frappa doucement. Le cœur battant un peu plus vite qu’à l’habitude, elle attendit.

La porte s’ouvrit. Il était grand, avec des traits bien marqués et un sourire éclatant qui illuminait son visage. Il portait un t-shirt gris moulant sa silhouette, et ses yeux sombres brillaient d’une lueur malicieuse. Elle le regarda, un peu gênée par son regard qui semblait percer à travers elle. Il la dévisagea un instant.

Voisin : « Ah, toi c’est la fille là-bas, non ? » dit-il en s’appuyant contre l’encadrement de la porte.

Jamila se sentit encore plus mal à l’aise, mais elle tendit le bol en silence.

Jamila : « Oui… ma maman a dit de t'apporter ça. »

Le voisin sourit davantage, mais ne prit pas immédiatement les plats. Il se redressa, les bras croisés, un air légèrement moqueur dans le regard.

Voisin : « Merci bien, ça fait plaisir. Mais tu ne veux pas entrer un moment ? On peut discuter. »

Le ton du voisin était taquin, et son invitation déstabilisa Jamila. Elle baissa la tête.

Jamila : « Non… je dois rentrer. »

Le voisin haussait les sourcils avec un sourire amusé.

Voisin : « Bon, d’accord, une autre fois alors. »

Elle recula d’un pas, tout en se sentant rouge de gêne. Avant qu’elle ne puisse répondre, le voisin ajouta :

Voisin : « Au fait, je m’appelle Ange. »

Jamila, toujours hésitante, acquiesça d’un léger signe de tête avant de s’éclipser, les plats toujours en main, sans oser croiser à nouveau son regard.

jamila rentra doucement dans la maison, la porte se fermant dans un léger bruit derrière elle. Elle était fatiguée, l'esprit troublé, et son regard semblait perdu. Elle posa les courses sur la table sans un mot, et le silence de la maison l'envahit immédiatement.

Mère de Jamila : (en tournant la tête, souriant doucement)

« Tu as ramené tout ce que je t'avais demandé ? »

Elle continuait à préparer le dîner, mais Jamila n’avait pas l’énergie de répondre comme d’habitude.

Jamila : (à peine un murmure, se dirigeant vers son bureau)

« Oui... c'est bon. »

Elle déposa ses affaires avec un geste rapide et se laissa tomber sur sa chaise de bureau. Ses yeux se posèrent sur le livre de mathématiques, mais ils ne comprenaient rien. Elle souffla, les pages semblaient se mélanger devant elle.

Elle ferma les yeux, mais son esprit était en tourment, le visage d’Ange revenant sans cesse dans ses pensées. Le poids du moment, la tension entre elle et lui... tout ça la rendait nerveuse. Elle secoua la tête pour se concentrer à nouveau sur ses leçons, mais la concentration lui échappait.

La porte s'ouvrit doucement. Rayan, son frère, entra dans le salon en silence. Il posa son sac près de la porte, et son regard croisa celui de Jamila. Il s’avança tranquillement, ne disant rien, se dirigeant vers la salle de bain. Mais, avant de disparaître derrière la porte, il se tourna une dernière fois vers elle.

Rayan : (légèrement inquiet mais sans pression, sa voix calme)

« Tout va bien ? »

Il ne s’attendait pas à une réponse tout de suite. Il savait que quelque chose n’allait pas, mais il préférait ne pas insister.

Jamila : (d'une voix presque inaudible, les yeux rivés sur ses livres)

« Ouais... tout va bien. »

Elle ne le regarda même pas, trop absorbée dans ses pensées.

Quelques minutes passèrent dans le silence. Le bruit de l'eau de la douche se fit entendre, et l'odeur du repas cuisant dans la cuisine commença à envahir la maison. Jamila, pourtant, ne parvenait toujours pas à se concentrer. Ses yeux glissèrent sur la même page de son livre encore et encore, sans comprendre quoi que ce soit. Frustrée, elle reposa le livre et ferma les yeux un instant.

Puis, Rayan réapparut dans l’encadrement de la porte. Ses cheveux étaient encore mouillés, et il s’était habillé en vitesse, un simple t-shirt et un short.

Rayan : (en s’approchant d’elle, remarquant qu’elle ne progressait pas)

« T'as pas avancé, hein ? »

Il s'assit à côté d’elle sur le lit, son regard doux mais déterminé.

Jamila : (fronçant les sourcils, les mains crispées sur son cahier)

« Non, je comprends rien à cette leçon... C’est trop compliqué. »

Elle laissa échapper un soupir, la frustration l’envahissant. Elle n'arrivait pas à chasser l’image d’Ange de sa tête.

Rayan : (avec un sourire rassurant, posant sa main sur son cahier)

« Laisse-moi t'aider. Regarde. »

Il commença à expliquer calmement la leçon, posant ses doigts sur les problèmes, décomposant les étapes.

« C’est pas si difficile, tu vas voir... »

Jamila le regarda un instant, la tension se dissipant un peu. Ses yeux s’adoucirent, et elle soupira profondément, ressentant un léger soulagement. Elle avait besoin de cette aide, de cette tranquillité que son frère lui offrait sans même réfléchir.

Jamila : (regardant ses mains, les yeux un peu flous, comme si elle venait de sortir d'un rêve)

« Merci, Rayan... Je me sens un peu mieux. »

Elle glissa ses doigts dans ses cheveux, dégageant une mèche qui tombait sur son front.

Rayan : (avec un sourire en coin, légèrement taquin)

« C’est pour ça que je suis là, hein ? »

Il ajouta, plus sérieusement :

« T’inquiète, on va y arriver. »

Jamila tourna la tête vers lui, un petit sourire éclairant enfin son visage fatigué. Elle se sentait moins seule, moins perdue dans ce monde qui semblait parfois trop lourd à porter.

Mère de Jamila : (du fond de la cuisine, appelant)

« Le dîner est prêt ! »

Elle apparut dans l'embrasure de la porte avec un sourire chaleureux, le visage rayonnant malgré la fatigue.

Jamila : (se levant doucement, avec un léger sourire)

« On arrive, Maman. »

Elle se tourna vers Rayan, qui venait de se lever aussi.« Merci encore. »

Les deux se dirigèrent vers la cuisine, Jamila se sentant un peu plus légère, entourée de l'odeur réconfortante du repas et du calme familier de la maison.

Le lendemain matin, Jamila se leva à 6h, comme toujours. Elle s’étira, prit une douche rapide et enfila son uniforme scolaire. Le ciel était encore un peu gris, mais l’air était déjà chaud et humide, typique des matins d’Abidjan. Elle mangea un petit déjeuner rapide, puis se dirigea vers l’école, son sac sur le dos.

Le chemin vers l'école était calme, les rues à peine animées. En arrivant à l'école, Jamila aperçut Zoé qui était déjà assise avec les autres amis dans leur coin habituel, sous l'ombre d’un grand arbre. Elle s’approcha d’elle, un sourire discret aux lèvres.

Jamila (s'approchant de Zoé, en souriant) :

« Salut, Zoé. T’as bien dormi ? »

Zoé (levant la tête et souriant en retour) :

« Salut, Jamila ! Oui, ça va. Et toi ? Tu sembles un peu dans la lune ce matin. »

Jamila hésita un instant, puis s'assit à côté d'elle. Elle jeta un coup d'œil rapide autour d'elle, puis murmura à Zoé.

Jamila (avec un ton un peu plus bas, comme si elle confiait un secret) :

« Eh bien… hier, j'ai rencontré mon nouveau voisin. Il est… trop beau, Zoé ! Tu te rends même pas compte, là ! »

Zoé leva les sourcils, intéressée, et se pencha un peu plus près de Jamila.

Zoé (avec un air amusé, comme si elle attendait que Jamila en dise plus) :

« Attends, attends ! Un beau voisin ? C’est qui ce gars-là ? Et il t’a dit quoi ? Raconte tout, là ! »

Jamila sourit, un peu gênée mais excitée de partager ce moment avec son amie.

Jamila (riant légèrement) :

« Bah, en fait, je suis allée chez lui avec de la nourriture pour sa famille… Et il m’a ouvert la porte, et… il a ce sourire, Zoé, tu n'imagines même pas ! J’ai cru que j’allais fondre sur place. »

elle éclata de rire, appréciant chaque mot.

Zoé (taquinant Jamila) :

« Oh là là ! C’est quoi, ça ? Le mec t'a fait fondre avec son sourire ? T’es déjà sous le charme, hein ? Et tu l’as vu comment ? Avec son t-shirt qui déchire et ses muscles ?! »

Jamila pouffa de rire, se sentant un peu rouge, mais heureuse de voir Zoé aussi enthousiaste.

Jamila (en rigolant, prenant un ton exagéré) :

« Non mais t’es folle ! C’est pas ça… il était juste, je sais pas, naturel. Et son regard… je sais pas comment te dire, il m’a complètement perdue ! »

Zoé se leva brusquement, jouant à fond le rôle de l’amie excitée.

Zoé (sautillant sur place) :

« Oh mon Dieu ! Je vais devoir rencontrer ce gars ! T’imagines, Jamila, un mec beau comme ça, et t’es la première à le croiser ?! Tu sais ce qu’on va faire ? On va organiser une petite réunion, hein ! »

Jamila éclata de rire, son cœur s’allégeant au fur et à mesure que l’énergie de Zoé la gagnait

Jamila (riant, un peu nerveuse) :

« T’es trop, Zoé ! On verra bien, hein… c’est juste que, je sais pas, j’ai un drôle de sentiment à propos de lui. »

Zoé la regarda, son sourire se calmant un peu, mais toujours curieuse.

Zoé (en prenant un ton plus sérieux mais toujours taquin) :

« Hmmm… tu sens qu’il va chambouler un peu ta vie, hein ? Allez, c’est bien, ça ! T’as bien mérité de vivre un peu d’aventure ! »

Les deux filles rirent ensemble, leurs voix se mêlant aux bruits de l’école qui commençait à se remplir d’élèves. Elles se levèrent pour rejoindre le reste de la classe.

Zoé (en lui donnant une petite tape sur l’épaule) :

« Bon, assez parlé de ce voisin, faut pas qu’on te prenne pour une groupie ! On file en cours avant que la sonnerie ne retentisse ! »

Jamila sourit, un peu plus légère et déjà impatiente de voir ce que la journée lui réservait. Peut-être qu'elle pourrait en savoir plus sur ce mystérieux voisin plus tard.