La nuit régnait sur la ville, peignant les rues d’un éclat néon trouble. L’odeur du bitume chauffé par les lumières artificielles se mêlait à celle des cigarettes et de la pluie récente. Toya marchait d’un pas lent, les mains enfoncées dans les poches de son blouson de cuir. Il n’aimait pas ces ruelles où son passé rôdait encore, tapi dans les ombres comme un chien affamé. Pourtant, c’était ici qu’il vivait. Ici qu’il jouait.

L’enseigne rouge vif du club "Inferno" clignotait au-dessus de l’entrée, déversant un éclat sanglant sur l’asphalte. L’endroit était un repaire pour les âmes perdues : musiciens, délinquants, rêveurs brisés… Toya appartenait à chacun de ces mondes sans réellement en faire partie. Il poussa la porte, et la chaleur de l’intérieur l’engloutit aussitôt.

Un riff saturé résonnait dans l’air, les basses vibrantes s’accrochant aux battements de son cœur. Des visages familiers s’agitaient autour du bar, des voix s’élevaient dans un chaos maîtrisé. Toya inspira profondément avant de se diriger vers l’arrière-salle où l’attendait son groupe. Ce soir, il ne devait penser qu’à une chose : la musique.

Mais, alors qu’il attrapait sa guitare, un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. Une présence. Un regard insistant. Il tourna légèrement la tête, et son sang se glaça.

Là, accoudé au bar, un sourire carnassier aux lèvres, se trouvait Wriothesley.

Toya serra les poings en voyant Wriothesley accoudé au bar, l’air détendu, comme si les années n’avaient rien changé. Pourtant, dans son regard perçant, il y avait cette lueur malicieuse, ce même éclat dangereux qui lui rappelait pourquoi il avait quitté ce monde.

Il s’approcha lentement, le cœur battant contre ses côtes. Wriothesley leva son verre en guise de salut.

Wriothesley : « Ça faisait longtemps, Toya. Toujours aussi sombre et silencieux, à ce que je vois. »

Toya : « Qu’est-ce que tu fous là ? »

Wriothesley (sourit en penchant légèrement la tête) : « Aïe, pas de "comment tu vas ?" ou de "ça fait plaisir de te revoir" ? Tu me brises le cœur. »

Toya (croise les bras, méfiant) : « T’as cinq secondes pour me dire ce que tu veux, avant que je me barre. »

Wriothesley (pose son verre et s’appuie sur le comptoir) : « Toujours aussi impatient. Tu sais très bien ce que je veux. Il est temps que tu reviennes. »

Toya (serre la mâchoire) : « Revenir ? Dans quoi ? Ce bordel que j’ai fui ? Non merci. »

Wriothesley : « Fuir ? Tu te berces encore d’illusions, Toya. Tu peux jouer les musiciens aussi longtemps que tu veux, mais tôt ou tard, ton passé te rattrapera. Et moi, je suis juste là pour t’offrir une sortie... disons, contrôlée. »

Toya (fronce les sourcils) : « Je t’ai déjà dit que j’étais fini avec tout ça. »

Wriothesley (rit doucement) : « Fini ? Voyons… On ne quitte pas vraiment ce monde. Et puis, si tu refuses mon offre, je ne suis pas sûr que ceux qui te cherchent seront aussi... conciliants que moi. »

Toya sentit une tension glacée s’installer dans l’air. Il savait que Wriothesley ne faisait jamais de menaces en l’air. S’il était là ce soir, c’était que quelque chose se préparait… et que Toya était déjà impliqué, qu’il le veuille ou non.

Le bruit des conversations et le rythme sourd de la musique semblaient s’effacer autour d’eux. Toya restait figé, son regard sombre plongé dans celui de Wriothesley. Il n’aimait pas ça. Pas du tout.

Toya : « Sois clair, Wriothesley. Qui fouille dans mon passé ? »

Wriothesley fit tourner son verre entre ses doigts avant de boire une gorgée. Il savourait ce moment, ce pouvoir qu’il avait sur lui, et ça rendait Toya encore plus nerveux.

Wriothesley : « Une organisation. Disons… des investisseurs très intéressés par ton "ancien toi". »

Toya serra les dents.

Toya : « Arrête de tourner autour du pot. C’est qui, exactement ? »

Wriothesley haussa légèrement les épaules, son sourire énigmatique toujours figé sur ses lèvres.

Wriothesley : « Le Syndicat des Ombres. »

Un frisson parcourut Toya. Il connaissait ce nom. Un réseau criminel souterrain, impitoyable, spécialisé dans la manipulation et l’exploitation des talents perdus. Ils ne cherchaient pas des hommes ordinaires. Ils voulaient des gens avec des capacités spécifiques, des passés troubles, des dettes à rembourser. Et lui… il cochait toutes les cases.

Il croisa les bras, essayant de garder son calme.

Toya : « Pourquoi maintenant ? J’ai disparu de leurs radars depuis des années. »

Wriothesley posa enfin son verre, son sourire s’effaçant légèrement.

Wriothesley : « Parce que quelqu’un a vendu ton nom. »

Un silence s’abattit sur eux. Toya sentit une chaleur monter en lui, un mélange de rage et d’angoisse. Quelqu’un l’avait trahi.

Toya : « Qui ? »

Wriothesley le fixa un instant avant de se pencher légèrement en avant.

Wriothesley : « C’est là que ça devient intéressant… Tu te souviens d’Axel ? »

Le nom heurta Toya comme un coup de poing.

Axel. Un ancien partenaire. Un ami… du moins, c’est ce qu’il pensait à l’époque. Ils avaient grandi dans la même rue, survécu ensemble dans les pires coins de la ville. Jusqu’à ce qu’Axel fasse un choix qui change tout.

Toya : « Axel est censé être mort. »

Wriothesley sourit de nouveau, mais cette fois, c’était un sourire froid.

Wriothesley : « Apparemment, il a survécu. Et il n’a pas oublié ton existence. »

Toya sentit son cœur s’accélérer. Si Axel était en vie, alors il avait une bonne raison de revenir dans son monde. Et si le Syndicat était impliqué, ce n’était sûrement pas pour une réunion d’anciens amis.

Il expira lentement, tentant de calmer la tempête qui rugissait en lui.

Toya : « Qu’est-ce que tu attends de moi, Wriothesley ? »

Wriothesley se redressa, son regard devenant plus sérieux.

Wriothesley : « Une alliance temporaire. Toi et moi, contre eux. »

Toya haussa un sourcil, méfiant.

Toya : « Depuis quand tu bosses contre le Syndicat ? »

Wriothesley : « Depuis qu’ils ont décidé de me doubler. Disons que nos intérêts convergent… pour le moment. »

Toya hésita. S’allier à Wriothesley, c’était comme jouer avec le feu. Mais s’il disait vrai, alors il était déjà dans le viseur du Syndicat. Il devait agir avant qu’ils ne lui laissent plus le choix.

Il attrapa son blouson et se leva.

Toya : « Très bien. Mais je te préviens, Wriothesley… Si tu me trahis, je t’éteins avant même que le Syndicat ne le fasse. »

Wriothesley éclata de rire et se leva à son tour.

Wriothesley : « Je n’en attendais pas moins de toi. »

Ils quittèrent le bar ensemble. La nuit les attendait, et avec elle, les ombres du passé que Toya avait tenté d’oublier.

L’air nocturne était chargé d’humidité, et la ville, baignée dans les lumières artificielles, semblait plus oppressante que d’habitude. Toya et Wriothesley marchaient côte à côte dans une ruelle étroite derrière le club, leurs pas résonnant sur le bitume mouillé. Le silence pesait entre eux, lourd de tensions et de non-dits.

Toya avait l’impression que chaque ombre pouvait cacher une menace. Le Syndicat des Ombres. Axel. Des noms qui n’auraient jamais dû refaire surface. Il avait passé des années à s’assurer que son passé resterait enterré, et voilà qu’il resurgissait brutalement.

Il finit par briser le silence.

Toya : « Dis-moi tout ce que tu sais sur Axel. »

Wriothesley alluma une cigarette et inspira profondément avant de répondre.

Wriothesley : « Il est réapparu il y a quelques mois, en travaillant pour le Syndicat. Mais il ne fait pas que suivre leurs ordres. Il a son propre plan, et crois-moi, tu fais partie du tableau. »

Toya sentit sa mâchoire se serrer.

Toya : « Axel était censé être mort. J’ai vu son corps. J’ai assisté à son enterrement. Comment c’est possible ? »

Wriothesley lâcha un petit rire sec.

Wriothesley : « Tu devrais savoir, Toya. Dans notre monde, les morts ne le restent jamais très longtemps. »

Toya ne répondit pas. Il se souvenait encore du jour où tout avait basculé.

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Flashback : Cinq ans plus tôt

Une pluie fine tombait sur le port abandonné. Toya, le souffle court, pressait une main contre son flanc ensanglanté. À ses pieds, Axel gisait, inerte, une balle logée en plein cœur.

Tout s’était passé trop vite. Une transaction qui avait mal tourné. Un piège tendu par le Syndicat. Toya et Axel avaient tenté de fuir, mais Axel avait été touché en protégeant Toya.

Toya était resté là, paralysé, fixant son ami alors que son souffle se faisait de plus en plus rare. Il l’avait vu s’éteindre sous ses yeux.

Il avait enterré Axel ce jour-là.

Il avait juré que cette vie était terminée.

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Retour au présent

Wriothesley expira une bouffée de fumée et s’arrêta au coin d’une ruelle sombre.

Wriothesley : « Axel veut te voir. »

Toya releva brusquement la tête.

Toya : « Quoi ? »

Wriothesley : « Il m’a contacté. Il sait que je t’ai retrouvé. Il m’a donné un lieu et une heure. Si tu veux des réponses, c’est ta chance. »

Toya n’était pas dupe. C’était un piège.

Toya : « Et toi, dans tout ça ? T’as l’air bien trop calme pour quelqu’un qui veut soi-disant "m’aider". »

Wriothesley sourit légèrement.

Wriothesley : « Je te l’ai dit. Le Syndicat m’a doublé. Axel joue un jeu dangereux, et s’il gagne, je perds aussi. Donc, oui, on a un ennemi commun. Mais ne te méprends pas, Toya. Je ne fais pas ça par amitié. »

Toya le savait. Wriothesley ne faisait jamais rien sans raison.

Il détourna le regard, fixant la ville illuminée au loin.

Toya : « Où et quand ? »

Wriothesley lui tendit un petit morceau de papier.

Wriothesley : « Entrepôt 17, zone industrielle, demain à minuit. »

Toya prit le papier sans un mot.

Wriothesley : « Je t’accompagne. »

Toya secoua la tête.

Toya : « Non. C’est entre lui et moi. »

Wriothesley haussa un sourcil, amusé.

Wriothesley : « T’es sûr ? Si Axel est bien vivant, alors ce n’est plus le même homme que celui que tu as connu. »

Toya le savait. Mais il devait voir Axel de ses propres yeux.

Sans un mot de plus, il tourna les talons et disparut dans la nuit.

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Le lendemain – 23h45 – Zone industrielle

Toya se tenait face à l’entrepôt 17. L’endroit était délabré, abandonné depuis des années. Seule une faible lumière filtrait à travers une fenêtre brisée.

Il inspira profondément avant de pousser la porte.

L’intérieur était sombre, silencieux. L’odeur de métal rouillé flottait dans l’air. Il avança prudemment, sa main effleurant la lame qu’il avait cachée dans sa poche.

Un bruit de pas résonna derrière lui.

Il se retourna brusquement.

Et son souffle se coupa.

Axel se tenait là, dans l’ombre.

Il était bien vivant.

Mais ce n’était plus le même homme.

Sa silhouette était plus massive, plus menaçante. Son regard était froid, calculateur. Il portait une cicatrice qui barrait sa joue gauche, un vestige du passé.

Axel sourit.

Axel : « Ça faisait longtemps, Toya. »

Toya ne répondit pas immédiatement. Il l’observa, cherchant des signes, une explication.

Toya : « Comment ? »

Axel haussa les épaules.

Axel : « Disons que la mort n’a jamais été une option pour moi. »

Toya sentit la colère monter en lui.

Toya : « J’ai enterré un cercueil vide, c’est ça ? Tout ce temps, tu étais en vie, et tu n’as jamais cherché à me contacter ? »

Axel s’approcha lentement, ses pas résonnant sur le béton.

Axel : « Il fallait que tu crois que j’étais mort. C’était le seul moyen de nous sauver. »

Toya fronça les sourcils.

Toya : « Nous sauver ? De quoi ? »

Axel s’arrêta à quelques mètres de lui.

Axel : « Du Syndicat. De moi. »

Toya sentit un frisson parcourir son échine.

Toya : « Explique-toi. »

Axel le fixa, son regard se durcissant.

Axel : « J’ai fait un marché avec eux, Toya. Pour te protéger. Mais maintenant, ils veulent récupérer leur dû. »

Toya comprit instantanément. Axel ne l’avait pas trahi. Il s’était sacrifié pour lui.

Mais maintenant, le Syndicat venait réclamer sa part.

Toya serra les poings.

Toya : « Qu’est-ce qu’ils veulent ? »

Axel inspira profondément avant de lâcher d’une voix grave :

Axel : « Toi. »

Le silence tomba comme une chape de plomb.

Toya sentit son cœur s’accélérer.

Le piège venait de se refermer.