Qui suis-je ? Pourquoi suis-je venu au monde ? Suis-je vraiment un être humain ?

Très franchement, je l'ignore, et de toute façon, je n'en ai rien à cirer. Mais être doté de pouvoirs surnaturels, ça ne m'arrange pas vraiment. Tout a commencé un jour comme un autre, dans mon lycée.

Je suis ce qu’on appelle un mec « parfait ». Super notes, gosse de riche, populaire, beau gosse (ce sont les filles qui disent ça). Moi, je m’en fiche. Personne ne sait à quel point avoir une vie comme ça peut être chiant à en crever.

Mais ce jour-là, alors que je me baladais tranquillement dans un immeuble abandonné – tout ce qu’il y a de plus normal –, je suis tombé dans un trou sans fond. Oui, un foutu trou. Dans un immeuble. Expliquez-moi comment c’est possible !

Alors que je croyais que tout était fini pour moi (enfin !), les murs en béton ont explosé. Les débris flottaient autour de moi comme dans un mauvais film de science-fiction. L’immeuble entier se désintégrait, et moi, suspendu au milieu, j’observais le chaos. Et là, blackout.

Cinq jours plus tard, je me suis réveillé. À mes côtés, il y avait un mec habillé de façon... bizarre. Genre, cosplay raté. Quand je lui ai demandé ce qu’il s’était passé, il m’a répondu :

— Tu es doté d’un pouvoir de télékinésie, non ? Et d’une super belle gueule en bonus !

Voilà comment j’ai appris que j’avais des pouvoirs. Super cool, ça explique tout, hein ?

— Je sais pas ce que t’as fumé, mais c’était de la bonne. Et puis, T’ES QUI, TOI ? Comment ça, télékinésie ? Et on est où, là ?

Putain ! Qu’est-ce qu’il y a de logique dans ce merdier ?

— Chut ! Tu viens à peine de te réveiller, alors calme-toi !

— Je veux juste savoir où je suis, qui tu es, comment j’ai atterri ici, pourquoi cet arbre est bleu, pourquoi il y a trois soleils et comment je fais pour rentrer chez moi.

— Pour rentrer ? C’est simple. Tu dois sauter dans le portail inter-dimensionnel qui est là-haut. Mais dépêche-toi, il va se refermer. Il pointe juste au-dessus de nos têtes.

Je lève les yeux. Soixante-quinze mètres de hauteur.

— Tu te fous de ma gueule !? Comment veux-tu que je saute jusque-là ?

— Tu sais pas encore contrôler ton pouvoir ?

— Bordel !!! J’y pige que dalle, merde ! Un pouvoir ? Mon cul, ouais !

— Tu parles, tu parles… Et voilà, le portail s’est refermé.

— Fais chier, bordel de merde !

— Tu devrais te calmer sur les gros mots.

— Ta gueule ! T’es pas mon père, et un seul me suffit largement ! Comment je me sors de ce merdier maintenant ?

— Les seuls moyens sont : ouvrir un portail toi-même ou trouver le temple multidimensionnel et activer le portail.

— Et selon toi, lequel est le plus facile à réaliser ?

— Le suicide, ou vivre ici pour toujours.

Je prends une grande inspiration pour ne pas l’étrangler.

— OK… Et il est où, ce foutu temple ?

— Quelque part, dans la vallée des étoiles filantes.

— Et c’est où, bordel !?

— À plusieurs mois de marche. Si tu survis aux monstres.

Génial. Juste génial.

— Bon... Moi, je rentre. Ma sœur m’attend. Tu viens ou ton cul est collé au sol ?

— J’te suis, mais je te fais pas confiance.

— Bienvenue au club, touriste.

— J’ai un prénom !

— Et c’est quoi, monsieur je-me-vexe-pour-rien ?

— Kaguya Inoyama.

— Joli prénom, mais ça va mieux à une fille.

— Répète un peu.

— Désolé, ma déesse. Dame Kaguya.

— Déesse ton cul !

— Ouh, la, la... Je suis vexé. Allez, viens, Kaguya. Ma petite sœur va me tuer.

— Et qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Si elle te bute, je serai débarrassé d’un boulet.

— Tss… T’en as du culot.

— Peu importe. On y va.

Arrivé chez lui, Kyoko ouvrit la porte d’un geste brusque.

— Je suis rentré !

Une voix moqueuse retentit immédiatement.

— Enfin ! J’ai la dalle et… Attends, je rêve ou t’as ramené un BG à la maison ?

Kyoko roula des yeux en déposant son sac.

— Ferme-la. Voici Kaguya Inoyama. Et toi, Kaguya, voilà ma p’tite sœur, Jade Tanihara.

Jade s’avança, les bras croisés, un sourire narquois aux lèvres.

— T’as un prénom de meuf ? Trop drôle ! T’es comme mon frère.

Kaguya haussa un sourcil.

— Sache que je m’en fous complètement. Et toi, t’es pas mal dans le genre bizarre non plus. Comment ça, "comme ton frère" ?

Avant que Jade ne réponde, Kyoko lui flanqua une claque à l’arrière de la tête.

— T’avais la dalle, non ? Va bouffer. Moi, j’vais acheter du flan. À plus.

Il quitta la maison en claquant la porte, laissant Jade et Kaguya seuls dans la cuisine.

— Tu cuisines vite, dis donc, lança Kaguya en prenant un verre d’eau. Maintenant qu’il s’est barré, c’est quoi son prénom ?

— Il te l’a pas dit ? répondit Jade, amusé. C’est Kyoko.

(Kaguya recracha l’eau qu’il venait de boire.)

— Ky… Kyoko ? Sérieux ?

— Mouais, Kyoko Tanihara, confirma Jade avec un sourire.

Une minute plus tard, Kyoko était de retour, le flan sous le bras.

— Chuis revenu !

Kaguya éclata de rire en le voyant.

— Ky… Kyoko, c’est ça ?

Kyoko serra les poings, exaspéré.

— Pourquoi il se marre comme ça ? demanda-t-il en posant le dessert sur la table.

— Il sait pour ton prénom, expliqua Jade en haussant les épaules.

— Tu lui as dit !?

— T’as dit que j’étais un monstre, alors on est quittes, rétorqua Jade avec un sourire provocateur.

Kaguya éclata de rire, les larmes aux yeux.

— Attends, mais dans ta famille, c’est tous des prénoms de filles ou quoi ? Attends, ne me dis pas que ton père s'appelle Naomi !

Kyoko attrapa une cuillère et la pointa sur Kaguya, furieux.

— Toi, tu veux pas arrêter de parler !?

— Non mais sérieux, même Jade, ça passe à peine, répondit Kaguya, hilare.

— Mange ton flan et la ferme ! grogna Kyoko.

Une heure plus tard, Kyoko faisait la vaisselle tandis que Kaguya l’observait, accoudé à la table.

— Donc toi et ta sœur, vous êtes orphelins ? demanda Kaguya.

— Non. On s’est enfuis du manoir et du village où on vivait, à cause de notre père tyrannique.

— Pourquoi ? Vous êtes ses seuls enfants ?

Kyoko haussa les épaules.

— On est dix dans la famille. J’ai trois grands frères, trois petits frères, et deux petites sœurs.

— Deux petites sœurs ? Et qui est le dernier ? Ça fait neuf, ça.

— La dernière, c’est notre sœur aînée, Asuna. C’est elle qui nous a aidés à fuir.

— Et elle est où, maintenant ?

— Elle s’est sacrifiée pour nous.

Kaguya détourna les yeux, mal à l’aise.

— Désolé…

— Pas besoin. C’était une fin digne d’elle, répondit Kyoko calmement.

Quelques secondes passèrent en silence, avant que Kyoko ne change de sujet.

— Mes frères sont dans la forêt où je t’ai trouvé. Ils campent là-bas.

— Ils ont quel âge, tes frères ?

— Les jumeaux, Sotta et Shota, ont six ans. Haruka a onze ans.

— Et tes sœurs ?

— Rubis a huit ans, Jade en a quatorze.

Kaguya hocha la tête.

— Et tes grands frères ?

— Makoto, Ryuka et Hyoko.

Kaguya éclata de rire.

— Sérieux, tous les mecs de ta famille ont des prénoms de filles ?

— T’as fini ? soupira Kyoko.

Le lendemain matin, des voix s’élevèrent dans le salon.

— On est rentrés ! annonça Haruka en jetant son sac à dos.

— Ils dorment encore, à cette heure ? demanda Shota, intrigué.

— J’vais voir dans la chambre de Kyo, lança Haruka.

Il ouvrit la porte pour tomber sur une scène surprenante : Kaguya, torse nu, allongé à côté de Kyoko.

— Tiens, tiens, tiens… murmura Haruka avec un sourire en coin.

— Y’a quoi ? firent les jumeaux en se glissant derrière lui.

— Ky… Kyoko, qu’est-ce que c’est que ce délire ? lança Haruka.

Kyoko bondit hors du lit, furieux.

— Pourquoi t’es torse nu, toi ? grogna-t-il à Kaguya.

— J’avais chaud, répondit Kaguya en baillant.

Haruka croisa les bras.

— Donc, c’est ton copain ?

— Quoi !? Mais non ! cria Kyoko.

Kaguya s’étira nonchalamment.

— Je suis juste un touriste paumé. Et franchement, dormir sur un canapé, c’est pas mon délire.

Les jumeaux éclatèrent de rire tandis que Kyoko tirait Kaguya hors du lit.

— Mets un t-shirt maintenant ! ordonna-t-il.

— Tss… Oui, maman, répondit Kaguya en obéissant.

Quelques minutes plus tard, dans la cuisine.

La table était maintenant remplie de plats improvisés : du riz, des légumes sautés, quelques morceaux de poisson et, au centre, le fameux flan acheté par Kyoko. Haruka servait les assiettes tandis que les jumeaux, Sotta et Shota, se chamaillaient pour savoir qui prendrait la première bouchée.

— J’ai faim, moi ! Donne-moi ça ! grogna Sotta en essayant de subtiliser une assiette.

— Eh, c’est mon tour ! protesta Shota en tirant dessus.

— Si vous ne vous calmez pas, je mange tout, prévint Jade, assise à l’autre bout de la table, un sourire narquois sur les lèvres.

— Jade, arrête de les provoquer, soupira Kyoko.

Assis à côté de lui, Kaguya observait la scène avec un mélange de fascination et de méfiance.

— C’est toujours comme ça chez toi ? demanda-t-il.

— Tous les jours, répondit Kyoko en haussant les épaules. C’est pour ça que j’évite de manger à la maison.

Haruka, qui s’assurait que tout le monde soit servi, posa une assiette devant Kaguya.

— Et toi, Kaguya, t’es quoi pour Kyoko ? demanda-t-il, l’air innocent.

Kaguya haussa un sourcil.

— Qu’est-ce que tu veux dire par "quoi" ?

— Un ami ? Un rival ? Un potentiel beau-frère ?

Kyoko recracha presque son verre d’eau.

— Haruka, je vais te tuer si tu continues.

Haruka éclata de rire, visiblement satisfait de sa blague, tandis que Kaguya, amusé, répondit :

— Juste un touriste perdu qui s’incruste pour un repas gratuit.

— Ah, tu veux dire un parasite, corrigea Jade en piquant un morceau de poisson dans l’assiette de Kaguya.

— Toi, tu veux vraiment que je te renvoie sur ta planète, marmonna Kaguya, vexé.

Sotta et Shota, curieux, se tournèrent vers Kyoko.

— Grand frère, c’est vrai qu’il vient d’une autre planète ? demanda Shota.

— Vous êtes bêtes ou quoi ? Kaguya, c’est un humain, grogna Kyoko.

— Pourtant, il est bizarre, murmura Sotta, pensif.

— Comme vous, quoi, ajouta Jade en riant.

Un léger silence s’installa, seulement interrompu par les bruits des baguettes et des cuillères. Kaguya, qui avait pris une bouchée du flan, fronça les sourcils.

— C’est quoi ce dessert, au juste ?

— Du flan, répondit Kyoko. T’aimes pas ?

— C’est bizarre… trop mou. Ça me rappelle pas un dessert, mais… un truc gluant.

— Alors, rends-le-moi, dit Haruka en tendant sa cuillère.

— Pas question, c’est pas si mauvais, répondit Kaguya en reprenant une bouchée.

— Toi, t’as pas peur qu’on te vire d’ici, fit remarquer Jade avec un sourire moqueur.

Kaguya haussa les épaules.

— Tant que vous avez à manger, je reste.

Les rires fusèrent autour de la table, même Kyoko ne put s’empêcher de sourire.

C’était un rare moment de calme et de légèreté, une parenthèse qui masquait, l’espace d’un instant, les tourments et les secrets que chacun portait en silence.