Dans le royaume d’Etheria, où la magie coulait librement comme un fleuve de lumière, tout semblait possible. Les cieux scintillaient de lunes multiples et d’étoiles dansantes, et les forêts vibraient d’une énergie palpable. Dans ce monde, même l’air semblait murmurer des enchantements, vibrant au rythme des sorts qui régnaient sur le quotidien. Mais au village de Lyris, au pied des montagnes de Celestia, un garçon faisait exception à cette règle universelle.
Kaen était né par une froide nuit d’hiver, lorsque la lune rouge projetait une lumière étrange sur la vallée. Les sages du village, après avoir examiné l’enfant, avaient échangé des regards inquiets. Il ne brillait pas. Chaque nouveau-né en Etheria émettait une aura légère mais distincte dès ses premiers cris, une marque de son potentiel magique. Mais Kaen ? Rien. Ni éclat, ni murmure.
Au début, ses parents, Lyra et Taron, refusèrent de croire qu’il était différent. Ils espéraient qu’avec le temps, ses pouvoirs se manifesteraient. Mais les années passèrent, et Kaen restait désespérément normal dans un monde extraordinaire.
À cinq ans, alors que ses camarades faisaient léviter des cailloux ou illuminaient leurs chambres de lueurs chatoyantes, Kaen peinait à soulever un seau d’eau. À sept ans, quand les autres enfants apprenaient à invoquer les premiers sorts élémentaires, il regardait depuis l’ombre, les mains vides. La différence ne tardait pas à engendrer la cruauté des autres.
— Kaen, tu devrais essayer de voler avec nous ! plaisantait souvent Erya, une fillette dont les ailes d’air magiques la portaient haut dans les cieux. Oh, j’oubliais… tu ne peux même pas sauter assez haut pour atteindre une branche !
Chaque moquerie était un coup, mais Kaen refusait de pleurer devant eux. Ses nuits, en revanche, étaient remplies de questions silencieuses. Pourquoi était-il différent ? Pourquoi avait-il été privé de ce qui définissait chaque être en Etheria ?
À douze ans, il n’était plus seulement un objet de ridicule, mais aussi de méfiance. Certains adultes murmuraient qu’il portait peut-être une malédiction. "Un enfant sans magie, c’est contre-nature," disait-on.
Malgré cela, Kaen ne se laissa pas abattre. Il avait une détermination qui forçait l’admiration de quelques rares âmes. Plutôt que de se replier, il travaillait deux fois plus dur que quiconque. Quand les autres enfants utilisaient leur magie pour faciliter les corvées, Kaen usait de ses mains, de sa force et de son ingéniosité.
Un jour, alors qu’il coupait du bois avec son père, ce dernier posa une main lourde mais chaleureuse sur son épaule.
— Tu es plus fort que n’importe quel mage, Kaen, dit Taron. Leur magie est un don. Toi, tu crées ta propre force.
Ces mots furent une lueur dans les ténèbres, une promesse qu’il n’était pas inutile. Pourtant, une question le hantait : qu’était-il destiné à devenir dans un monde qui valorisait avant tout la magie ?
À quinze ans, Kaen trouva une réponse partielle. Le jour de la Cérémonie des Épreuves approchait, un rite qui marquait le passage à l’âge adulte pour les jeunes d’Etheria. Lors de cet événement, chaque adolescent devait démontrer son affinité magique à travers un exploit devant les anciens du village. C’était une occasion pour les jeunes de montrer leur potentiel et pour les familles d’exprimer leur fierté.
Kaen, cependant, n’avait aucune magie à montrer. Le désespoir le rongeait à mesure que la date approchait. Mais quelque chose en lui refusait d’abandonner. Il se souvint des paroles de son père et des efforts qu’il avait fournis toute sa vie pour compenser son absence de magie.
"Si je ne peux pas utiliser la magie," pensa-t-il, "alors je dois prouver ma valeur autrement."
Pendant des semaines, Kaen se consacra à une tâche monumentale. Il entreprit de tailler une sculpture massive dans un tronc d’arbre géant trouvé en lisière de la forêt. Chaque coup de hache, chaque grincement de scie, chaque éclat de bois tombant au sol représentait un pas vers son objectif. Ses mains étaient couvertes de callosités, mais il persévérait, travaillant sous le regard perplexe des villageois.
Le jour de la Cérémonie arriva enfin. Sous l’immense chêne central du village, les jeunes se succédaient pour montrer leurs talents. Erya invoqua une tempête de lumière qui fit applaudir la foule. D’autres firent jaillir des flammes dansantes ou des fontaines de cristal liquide.
Puis vint le tour de Kaen. Le silence tomba comme une chape de plomb. Beaucoup s’attendaient à ce qu’il échoue ou, pire, à ce qu’il refuse de participer. Mais il se leva, le regard fixé droit devant lui, et conduisit les anciens jusqu’à la place où il avait travaillé en secret.
Là, au milieu de la clairière, se dressait une sculpture colossale représentant le légendaire dragon d’Etheria, une créature mythique censée incarner l’équilibre entre les éléments. Chaque écaille, chaque griffe, chaque plume avait été taillée avec une précision et une passion évidentes.
Les murmures parcoururent la foule. Ce n’était pas magique, mais c’était indéniablement magnifique. Même les plus critiques durent reconnaître que Kaen avait accompli quelque chose d’exceptionnel, sans magie, par la seule force de sa volonté et de son travail.
— Pourquoi le dragon ? demanda l’un des anciens, curieux.
Kaen hésita, puis répondit avec une honnêteté désarmante :
— Le dragon représente l’équilibre, unissant les éléments. Moi, je ne suis lié à aucun d’eux. Mais je voulais montrer que, même sans magie, je pouvais créer quelque chose qui ait un sens dans ce monde.
Un silence suivi sa déclaration, mais cette fois, ce n’était pas un silence de mépris. C’était un respect nouveau, naissant. Les anciens se consultèrent brièvement, puis annoncèrent que Kaen avait réussi son Épreuve.
Ce jour-là, quelque chose changea. Kaen n’était plus simplement l’enfant sans magie ; il était Kaen, celui qui trouvait un chemin là où il n’y en avait pas. Mais il savait que cette reconnaissance, bien que gratifiante, n’effaçait pas sa différence. Le chemin devant lui restait semé d’embûches, et il ignorait encore le rôle qu’il pourrait jouer dans un royaume façonné par la magie.
Pourtant, une étincelle d’espoir brûlait en lui. Il avait prouvé qu’il avait une place en Etheria, et il était déterminé à découvrir pourquoi il était né différent. Car, au fond de lui, Kaen sentait que son histoire ne faisait que commencer.
Le crépuscule tombait sur le village de Lyris. La lumière dorée du soleil s’éclipsait doucement, laissant place à un ciel teinté de pourpre et d’encre. Kaen, un jeune homme de 17 ans à la chevelure sombre et aux yeux vifs, s’équipait pour une tâche qui semblait des plus banales : aller ramasser du bois. Pourtant, dans les murmures des anciens, la Forêt des Murmures portait un avertissement. On racontait qu’elle abritait des créatures que seuls les fous osaient provoquer. Kaen, pragmatique et un brin téméraire, haussait toujours les épaules face à ces récits. "Ce ne sont que des légendes pour effrayer les enfants", se répétait-il souvent.
Ce soir-là, il traversa la clairière avec une hache usée accrochée à sa ceinture et un sac vide sur l’épaule. Le chant des oiseaux s’évanouit à mesure qu’il s’enfonçait dans les bois, remplacé par un silence pesant. La nature elle-même semblait retenir son souffle.
Alors qu’il ramassait des branches mortes, un bruit sourd retentit. Un craquement sec, comme si une branche massive avait cédé sous un poids invisible. Kaen redressa la tête, tendant l’oreille. Le vent soufflait, mais ce n’était pas un souffle ordinaire : c’était un murmure, étrangement clair, et ce murmure portait son nom.
« Kaen... »
Il se figea. Son cœur s’accéléra. Avait-il imaginé ce son ? Une sueur froide coula le long de sa colonne vertébrale, mais il secoua la tête. "Le vent joue des tours", pensa-t-il. Il reprit son travail, mais le calme apparent ne dura pas.
Les arbres autour de lui semblaient changer. Leurs branches se tordaient, prenant des formes grotesques, comme des mains cherchant à attraper quelque chose. Les ombres s’épaississaient, devenant presque tangibles.
Et puis il la vit.
D’abord, ce furent deux points brillants dans les ténèbres, comme des braises. Puis une forme émergea, massive et déformée, avançant avec une grâce mortelle. La créature était une Chimère des Ombres, une abomination que peu avaient vue et encore moins avaient survécu pour décrire. Son corps semblait fait d’une matière indéfinissable, oscillant entre solide et ombre. Elle avait des griffes longues comme des lames, des yeux qui brillaient d’une lueur malsaine, et une gueule béante d’où s’échappait une vapeur noire.
Kaen recula, son souffle court. Chaque fibre de son être lui criait de fuir, mais ses jambes semblaient figées.
La bête bondit.
Le jeune homme se jeta sur le côté, esquivant de justesse les griffes acérées. Il se releva précipitamment et courut aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Les branches fouettaient son visage, le sol inégal menaçait de le faire trébucher, mais la peur le poussait à avancer.
Derrière lui, la Chimère poursuivait, ses mouvements presque silencieux. Elle jouait avec lui, ralentissant parfois, puis surgissant à quelques pas de lui, comme un prédateur savourant la terreur de sa proie.
« Aidez-moi ! » cria Kaen, sa voix se perdant dans le vide.
Il atteignit une clairière, mais ses jambes cédaient sous l’épuisement. La Chimère ne lui laissa pas le temps de réfléchir. Elle bondit à nouveau, ses griffes frappant avec une précision mortelle. Kaen tenta de parer avec son bras, mais la douleur qui suivit fut indescriptible.
Un cri perça la nuit.
Lorsque les villageois, alertés par ses hurlements, trouvèrent Kaen, il était méconnaissable. Mutilé, son corps brisé gisait dans la boue, et un souffle faible mais constant indiquait qu’il était encore en vie. La Chimère avait disparu, mais l’odeur âcre des ténèbres flottait encore dans l’air.
Ils transportèrent Kaen au village dans un silence lourd, mais dès qu’ils arrivèrent, les murmures commencèrent.
« Pourquoi a-t-il survécu ? » chuchota une femme.
« Les Chimères ne laissent jamais de survivants », ajouta un homme.
Les regards qui se posaient sur Kaen n’étaient pas emplis de compassion, mais de méfiance et de peur. Les légendes racontaient que ceux qui croisaient le chemin des Chimères revenaient changés, marqués par les ténèbres.
Les jours passèrent, et Kaen, toujours inconscient, ne montrait aucun signe d’amélioration. Ses blessures, bien que soignées sommairement, suppuraient une étrange lueur noire qui effrayait les guérisseurs.
« Il est maudit », déclara un ancien du village. « La Chimère l’a marqué. Si nous le gardons ici, elle reviendra pour nous tous. »
La mère de Kaen tenta de plaider sa cause. « C’est mon fils ! Il a besoin de nous ! Nous ne pouvons pas l’abandonner ! »
Mais les villageois étaient inflexibles. La peur déformait leurs visages et étouffait toute once d’humanité.
Le crépuscule tombait sur le village. Une brise froide traversait les sentiers poussiéreux, mais personne ne prêtait attention à la silhouette frêle de Kaen, étendue à même le sol près de l’autel des sacrifices. Les guérisseurs du village s’étaient rassemblés un peu plus tôt pour examiner son cas, et leur verdict avait été sans appel.
« Nous ne pouvons rien pour lui, » avait déclaré Maelis, la guérisseuse en chef, en s’adressant à la foule. « Il est trop loin pour être sauvé. Même si c’était possible, pourquoi gaspiller nos ressources magiques pour un garçon incapable de contribuer à la communauté ? »
Les murmures de l’assemblée s’étaient rapidement transformés en un consensus tacite. Kaen, un garçon sans magie, n’avait jamais été qu’un fardeau. Son père, malgré une douleur visible dans ses yeux, s’était plié à la volonté collective.
« Il est temps de laisser la nature suivre son cours, » avait-il murmuré, évitant soigneusement le regard de son fils.
Ainsi, Kaen fut abandonné. Alors que les ombres s’allongeaient, il sentit la vie s’échapper lentement de son corps. La douleur de la blessure qui le consumait était atroce, mais la trahison de son propre peuple lui faisait encore plus mal.
Une lumière dans l’obscurité
Alors que la nuit enveloppait le village, une silhouette solitaire apparut. Nakhya, l’inventrice marginale, avançait avec détermination, une lanterne dans une main et une valise remplie d’outils dans l’autre.
Elle s’arrêta devant le corps inerte de Kaen et se pencha pour examiner son état. La marque sombre qui serpentait sur son bras était un signe évident de magie corrompue, une malédiction qu’aucun des guérisseurs n’avait osé affronter.
« Ils t’ont laissé mourir, » murmura-t-elle, sa voix emplie de colère. « Mais moi, je ne les laisserai pas décider de ton sort. »
D’un geste habile, elle passa son bras sous les épaules de Kaen et le souleva. Bien qu’elle ne soit pas particulièrement forte, sa volonté et sa détermination la portaient.
Elle le ramena dans sa cabane excentrée, située à la lisière du village, là où personne ne venait déranger ses recherches.
Un pari désespéré
La cabane de Nakhya était un véritable sanctuaire de la science. Des rouages, des cristaux et des artefacts anciens jonchaient les tables et les étagères. Une machine étrange, semblable à un cœur mécanique, pulsait doucement dans un coin, illuminant la pièce d’une lueur bleutée.
Elle posa Kaen sur une table en métal et entreprit de nettoyer ses blessures. Mais très vite, elle comprit que les méthodes conventionnelles ne suffiraient pas.
« Si je ne fais rien, il mourra, » se dit-elle. « Et si j’échoue… au moins, j’aurai essayé. »
Nakhya déploya des outils et des composants qu’elle n’avait jamais osé utiliser auparavant. Ces technologies anciennes, interdites par le conseil du village, étaient le fruit d’années de recherche. Elles étaient dangereuses, imprévisibles, mais aussi puissantes.
Elle passa les semaines suivantes à travailler sans relâche, dormant à peine. Ses mains tremblaient parfois sous l’épuisement, mais elle refusait de s’arrêter. Kaen, plongé dans une inconscience profonde, était son unique patient.
Elle remplaça ses membres abîmés par des prothèses qu’elle avait fabriquées à partir de métaux légers mais résistants, renforcés par des cristaux énergétiques. Chaque pièce était ajustée avec une précision chirurgicale.
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