Chapitre 1

Lormar était un village perdu entre les collines, entouré de forêts denses et de rivières aux eaux cristallines. Les jours y coulaient paisiblement, loin des tumultes du monde. Les habitants menaient une vie simple, rythmée par le lever du soleil, les récoltes et les récits des anciens. C’est dans ce havre de tranquillité que vivait Kael, un jeune homme dont les journées étaient ordinaires, mais les rêves extraordinaires.

Depuis son enfance, il avait toujours eu l’impression de ne pas être à sa place, comme s’il était destiné à quelque chose de plus grand que le simple travail des champs ou les soirées passées au coin du feu. Mais ce sentiment, il le gardait pour lui. Dans un village où tout le monde se connaissait, se démarquer n’était pas toujours bien vu.

Un matin, alors que l’aube perçait à peine la brume, Kael fut réveillé par une lumière inhabituelle filtrant à travers les volets de sa chambre. Intrigué, il se leva, enfila son manteau et sortit dans l’air froid du matin. La lumière provenait de la forêt voisine, un endroit que les anciens du village évitaient, le qualifiant de “Terres Silencieuses.”

Malgré les avertissements résonnant dans sa mémoire, Kael ne put résister à l’envie de suivre cette étrange lueur. Il s’aventura dans la forêt, ses pas brisant le calme inquiétant des lieux. Plus il avançait, plus une étrange sensation lui parcourait la peau, un mélange de fascination et d’appréhension.

Après plusieurs minutes de marche, il déboucha dans une clairière qu’il n’avait jamais vue auparavant, bien qu’il connaisse bien les bois environnants. Au centre de cet espace se dressait un ancien piédestal de pierre, couvert de mousse et de runes que Kael ne pouvait déchiffrer. Flottant au-dessus du piédestal, un fragment lumineux semblait en lévitation.

Le fragment semblait vivant. Il émettait une lumière douce mais constante et dégageait une chaleur étrange malgré la fraîcheur de l’air. Kael s’approcha, incapable de détourner son regard. Lorsqu’il tendit la main pour toucher l’objet, il hésita un instant. Mais avant qu’il ne puisse se raviser, ses doigts effleurèrent la surface lumineuse.

Une décharge d’énergie parcourut son corps. Il tomba à genoux, à bout de souffle, tandis qu’un flot d’images et de sons envahissait son esprit. Il se vit traversant des paysages inconnus : des montagnes éternellement enneigées, des déserts brûlants et des cités étincelantes perdues dans la brume. Il entendit des voix murmurant des mots anciens, des prières ou peut-être des avertissements.

Puis une voix claire et impérieuse s’éleva au-dessus du tumulte :

« Toi, Kael de Lormar, es choisi. Le fragment que tu portes fait partie de la Clé Alpha, un artefact oublié qui maintient l’équilibre du monde. Trouve les autres fragments et reforgez la Clé avant qu’elle ne tombe entre de mauvaises mains. »

Lorsque la vision s’estompa, Kael se retrouva allongé au sol, haletant. La lumière du fragment avait disparu, mais une lueur argentée brillait désormais sur sa paume droite, formant une marque semblable à une rune. Il fixait sa main avec stupéfaction, sentant une énergie nouvelle circuler en lui, une force qu’il ne comprenait pas encore.

Mais une certitude s’empara de lui : il ne pouvait plus rester à Lormar. La vision était claire : une quête l’attendait, une mission pour retrouver les fragments restants de la Clé Alpha.

---

Le départ

Kael retourna précipitamment au village, l’esprit bouillonnant de questions. Qui avait laissé le fragment dans la forêt ? Pourquoi lui ? Et surtout, que représentait réellement la Clé Alpha ?

À son arrivée chez lui, il trouva le vieux conteur Elgar assis près du foyer. Elgar n’était pas seulement un ancien du village ; il était aussi le gardien des traditions et des récits. Si quelqu’un pouvait donner un sens à ce qui venait de se produire, c’était bien lui.

Kael lui raconta tout, ses mots se bousculant avec urgence. Il décrivit la clairière, le fragment et la vision. Elgar l’écouta en silence, ses yeux plissés fixant les flammes.

« La Clé Alpha, » murmura finalement Elgar. « C’est une légende que peu connaissent, même parmi les plus anciens d’entre nous. On dit qu’elle fut forgée il y a des siècles pour maintenir l’équilibre entre les forces de lumière et d’ombre. Mais elle fut brisée, dispersée à travers le monde, afin qu’aucun homme ne puisse abuser de son pouvoir. Si ce que tu dis est vrai, alors ton rôle est bien plus grand que tu ne l’imagines. »

Un frisson parcourut Kael. « Mais pourquoi moi ? Je ne suis qu’un simple villageois… »

Elgar posa une main ferme sur son épaule. « Les héros ne naissent pas, Kael. Ils se forgent par leurs choix. Si tu veux comprendre pourquoi cela t’est arrivé, tu dois partir. Le fragment a choisi son porteur. Il t’appelle à quelque chose de bien plus grand que Lormar. »

Elgar se leva et alla chercher un vieux manteau et une dague ornée d’un rubis. « Prends-les. La route sera dangereuse, et tu devras te défendre. Les forces cherchant à s’emparer de la Clé ne resteront pas inactives. »

Kael acquiesça, ses pensées en désordre. Pourtant, au milieu de ce chaos, une certitude commença à émerger. Il devait partir.

---

Le chemin inconnu

Aux premières lueurs du jour suivant, Kael se tenait au bord du village. La brume se levait lentement, dévoilant le chemin qui s’étendait devant lui. Il jeta un dernier regard à Lormar, à ses collines familières et ses maisons de pierre.

Il prit une profonde inspiration, ajusta son manteau et s’élança. Chaque pas l’éloignait de tout ce qu’il connaissait, mais l’appel en lui était plus fort que ses doutes.

Ainsi commença la quête de Kael. Dans un monde rempli de mystères et de dangers, il avançait, ignorant que chaque pas rapprochait le monde d’une nouvelle ère—pour le meilleur ou pour le pire.

Chapitre 2

Le jour déclinait alors que Kael suivait un chemin sinueux bordé de taillis sombres. Les arbres semblaient se refermer autour de lui, leurs branches noueuses formant une canopée oppressante. Depuis qu’il avait quitté Lormar, il ressentait une étrange sensation, une impression désagréable d’être observé. Il jetait fréquemment des regards derrière lui, mais ne voyait rien d’autre que les ombres grandissantes des arbres.

Kael serrait la dague qu’Elgar lui avait donnée, sa seule arme, promettant de ne l’utiliser qu’en dernier recours. Il continuait d’avancer, essayant d’ignorer les bruissements qui semblaient se rapprocher. Mais au fond de lui, il savait qu’il n’était pas seul.

La nuit tomba, accompagnée d’un silence oppressant, une quiétude écrasante qui absorbait même le bruit de ses propres pas. C’est alors qu’il les entendit : des murmures indistincts, comme des voix lointaines portées par le vent. Puis, à la périphérie de son champ de vision, une silhouette noire émergea des ombres, suivie d’une autre, puis d’une troisième.

---

Les Ombres Voraces

Ces créatures n’avaient pas de forme fixe. Leurs corps semblaient faits d’obscurité pure, mouvants et tourbillonnants comme de la fumée. Seuls leurs yeux, deux points rouges incandescents, perçaient les ténèbres. Une peur primale s’empara de Kael. Ces êtres n’étaient pas naturels.

L’une des Ombres se précipita vers lui, rapide comme une flèche. Instinctivement, Kael recula et leva sa dague, dont la lame scintillait faiblement sous la lumière de la lune. Il dévia de justesse la première attaque, mais les créatures étaient nombreuses. Elles encerclaient leur proie, leurs murmures se transformant en un chœur assourdissant qui semblait pénétrer son esprit.

Kael sentit une brûlure sur sa paume droite. La marque argentée brillait intensément, projetant une lumière qui força les Ombres à reculer d’un pas. Mais ce n’était pas suffisant pour les arrêter. Une deuxième Ombre bondit, et cette fois, Kael trébucha en esquivant. Il tomba au sol, haletant.

Alors qu’il pensait que tout était fini, un éclair de lumière aveuglante illumina la clairière. Une onde d’énergie balaya les Ombres, les repoussant dans un sifflement. Une silhouette apparut, drapée dans une longue cape argentée.

---

Lyra, la Guérisseuse Temporelle

La femme leva une main, et le temps sembla se figer un instant. Les Ombres, bien que toujours présentes, étaient immobilisées, comme prises dans une bulle invisible. Elle s’approcha de Kael et lui tendit une main pour l’aider à se relever.

« Vous ne devriez pas être ici seul, » dit-elle d’une voix douce mais ferme.

Kael prit sa main, encore sous le choc. « Qui… qui êtes-vous ? » demanda-t-il, essoufflé.

« Je suis Lyra, une guérisseuse. Et vous êtes l’élu, n’est-ce pas ? Le porteur du fragment. »

Kael recula instinctivement d’un pas, méfiant. « Comment le savez-vous ? »

Lyra désigna la marque sur sa paume. « Cette lumière… elle ne peut pas être dissimulée. Mais nous n’avons pas le temps pour les explications. Ces Ombres Voraces sont attirées par le fragment que vous portez. Elles ne vous laisseront pas en paix. »

Elle tourna son regard vers les Ombres, toujours figées mais commençant à bouger à nouveau. « Leur lien au temps est faible, mais il se renforce. Nous devons partir. »

Avant que Kael ne puisse répondre, Lyra traça un cercle avec ses mains, et une sphère de lumière les enveloppa tous les deux. Le monde autour d’eux se courba et se déforma, et en un instant, ils disparurent de la clairière.

---

Un refuge temporaire

Ils réapparurent dans une petite grotte éclairée par des cristaux luminescents. Kael vacilla, désorienté par ce déplacement soudain. Lyra posa une main apaisante sur son épaule.

« Respirez. Le voyage temporel peut être déstabilisant la première fois, » dit-elle avec un sourire rassurant.

Kael se redressa, mais son esprit était assailli de questions. « Ces Ombres… qu’étaient-elles ? Pourquoi me poursuivent-elles ? Et qui êtes-vous vraiment ? »

Lyra s’assit sur un rocher proche, joignant ses mains. « Les Ombres Voraces sont des entités créées par une force ancienne, une force qui cherche à s’emparer de la Clé Alpha. Elles se nourrissent de peur et de désespoir, mais leur véritable objectif est de s’approprier ce que vous portez. »

Elle marqua une pause, son regard se durcissant. « Quant à moi, je suis une guérisseuse, mais aussi une gardienne des fragments. Mon devoir est de veiller à ce que ceux choisis par la Clé accomplissent leur mission. Et vous, Kael, êtes au centre de cette mission. »

Kael serra les poings, écrasé par le poids de ses paroles. « Je n’ai rien demandé de tout ça. Je ne suis qu’un simple villageois… »

Lyra croisa son regard avec une intensité qui le déstabilisa. « Peut-être. Mais ce n’est pas un hasard si le fragment vous a choisi. Vous avez un rôle à jouer, que cela vous plaise ou non. »

Kael baissa les yeux, son esprit en plein tumulte. Avant qu’il ne puisse répondre, Lyra se leva brusquement.

« Nous n’avons pas beaucoup de temps. Les Ombres nous retrouveront. Pour l’instant, reposez-vous. Nous partirons à l’aube. Le prochain fragment n’est pas loin. »

Kael hocha la tête, bien qu’il doutât de trouver le sommeil cette nuit-là. Alors qu’il s’installait dans un coin de la grotte, un étrange sentiment d’espoir se mêlait à sa peur. Pour la première fois depuis le début de son voyage, il n’était plus seul.

Mais il savait que la véritable bataille ne faisait que commencer.

Chapitre 3

Le soleil était haut dans le ciel lorsque Kael et Lyra atteignirent un petit village niché dans une vallée entourée de montagnes imposantes. Les rues pavées exhalaient une tranquillité presque surnaturelle, mais une tension pesait dans l’air, comme si un secret enfoui depuis longtemps y persistait.

Au cœur du village se dressait une taverne délabrée, son enseigne grinçante oscillant au gré du vent. Leur guide les avait dirigés vers cet endroit pour rencontrer un certain Erydan, un érudit reclus réputé pour détenir des connaissances cruciales sur la Clé Alpha.

Ils poussèrent la porte, qui émit un grincement sonore. À l’intérieur, la taverne était faiblement éclairée par quelques chandelles vacillantes. Un vieil homme assis près de l’âtre leva vers eux un regard perçant. Ses robes élimées et son visage profondément marqué par le temps semblaient raconter des siècles d’histoires.

« Vous cherchez Erydan, n’est-ce pas ? » dit-il avant qu’ils ne puissent parler.

« Comment le savez-vous ? » demanda Kael avec prudence.

« Parce que personne ne vient ici sans raison. Approchez. »

Kael et Lyra échangèrent un regard. Lyra hocha doucement la tête, et ils s’avancèrent vers l’homme. Ce dernier leur fit signe de s’asseoir et se pencha en avant, sa voix baissant d’un ton.

« Si vous cherchez la Clé Alpha, vous devez d’abord connaître la Prophétie Oubliée. »

Un lourd silence s’installa, brisé seulement par le crépitement du feu.

« Quelle prophétie ? » demanda Lyra, le front plissé.

« Celle qui parle des cinq fragments de la Clé Alpha, » répondit Erydan. « Un pouvoir capable d’ouvrir la Porte Primordiale… ou de la sceller à jamais. Mais cette quête est bien plus dangereuse que vous ne l’imaginez. »

Il se leva lentement et se dirigea vers une étagère bancale encombrée de vieux livres poussiéreux. Après un moment de recherche, il sortit un parchemin ancien jauni par le temps.

« Tenez. Regardez cela. »

Erydan déroula le parchemin, révélant une étrange carte marquée de symboles cryptiques et de dessins représentant cinq lieux distincts.

« La Clé Alpha a été brisée en cinq fragments, » expliqua-t-il. « Chacun caché dans un endroit gardé par des protecteurs anciens. Mais rassembler ces fragments, c’est inviter le péril. La prophétie avertit que quiconque les réunit réveillera une puissance ancienne, capable de détruire—ou de sauver—le monde. »

Un frisson parcourut l’échine de Kael.

« Pourquoi personne n’a essayé de les récupérer avant nous ? » demanda-t-il.

« Certains l’ont fait, » murmura Erydan. « Mais aucun n’en est revenu. »

Il marqua une pause, son expression s’assombrissant.

« Et il y a plus. Chaque fragment est protégé par une épreuve. Ces épreuves ne testent pas seulement votre force ou votre intelligence. Elles mettent votre âme à l’épreuve. Échouez, et vous pourriez perdre bien plus que votre vie. »

Le poids de ses paroles s’abattit sur eux. Lyra, qui était restée silencieuse, finit par prendre la parole.

« Nous n’avons pas le choix, » dit-elle fermement. « Le danger est déjà là. Si nous ne faisons rien, le monde est condamné. Nous devons essayer. »

Erydan la scruta longuement avant de soupirer.

« Vous êtes courageuse, jeune fille. Mais le courage seul ne suffira peut-être pas. »

Il déroula davantage la carte, désignant un lieu marqué d’un symbole en forme de croissant de lune.

« Le premier fragment se trouve dans les Ruines de Lythanor, au cœur de la Forêt de Nyrenth. Mais prenez garde : des créatures obscures hantent cette forêt. Des ombres nées de la magie ancienne. »

Kael serra les poings.

« Merci, Erydan. Nous ferons tout ce qu’il faut. »

Le vieil érudit leur tendit la carte, mais il saisit fermement l’épaule de Kael avant qu’ils ne partent.

« Une dernière chose, » dit-il. « La prophétie parle de trahison. Une ombre parmi les vôtres pourrait faire pencher la balance. Méfiez-vous de ceux en qui vous avez confiance. »

Ses paroles résonnèrent dans l’esprit de Kael alors qu’ils quittaient la taverne. Dehors, le vent s’était levé, apportant l’odeur de la pluie imminente. Lyra marchait en silence, perdue dans ses pensées, tandis que Kael serrait la carte entre ses mains.

Leur voyage ne faisait que commencer, et déjà le poids de leur tâche se faisait sentir. Mais au fond de lui, Kael ressentait une détermination ardente. Ils trouveraient les fragments—à n’importe quel prix.

Alors qu’ils disparaissaient au loin, une silhouette encapuchonnée les observait depuis les ombres avant de s’éclipser aussi silencieusement qu’elle était apparue.