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Les Profondeurs De L' Oubli

Le Premier Jour

Chapitre 1

Le vent glacial soufflait fort ce matin-là, balayant la poussière et les feuilles mortes autour de l'hôpital de Hwajung, perché sur une colline isolée en dehors de la ville. Les pierres du bâtiment semblaient témoigner d’un autre âge, comme si elles avaient absorbé les secrets des nombreuses années passées à soigner des âmes perdues. Jin Seon-ji se tenait devant l’entrée, le regard tourné vers les hautes fenêtres de l’hôpital, son sac de médecin serré contre elle. Elle inspira profondément, comme pour se donner du courage, puis franchit le seuil.

Ce premier jour, son premier jour, était l’aboutissement d’un rêve qui, pour la jeune médecin de vingt-huit ans, n’avait pas toujours semblé aussi accessible. Diplômée depuis peu de l’université de médecine de Séoul, elle avait attendu ce moment avec impatience, malgré la nervosité qui l’étreignait. L’hôpital de Hwajung était un endroit étrange, une institution réputée pour sa spécialisation dans les troubles psychiatriques graves, mais aussi pour son isolement géographique. Loin de la ville, coupé des progrès modernes de la médecine, il était un monde en soi, comme suspendu entre deux réalités : celle de la raison et celle de la folie.

« Vous devez être le Dr Jin Seon-ji », dit une voix grave derrière elle.

Elle se retourna brusquement, surprise, et aperçut un homme grand, dans la cinquantaine, habillé d’une blouse blanche légèrement froissée. Son regard était perçant, presque inquisiteur, et ses cheveux, d’un gris clair, étaient coupés court, mais il n’y avait pas de sourire sur son visage.

« Je suis le Dr Kim, le chef de service. » Il lui tendit la main, mais son geste n’était pas des plus chaleureux. « Suivez-moi, je vais vous montrer votre service. »

Seon-ji hocha la tête, un peu déstabilisée, et suivit le Dr Kim à travers les couloirs étroits de l’hôpital. La lumière était faible, les murs jaunis par les années et les néons bourdonnaient dans un bruit continu, presque dérangeant. Le bâtiment semblait ancien, abandonné à la routine, avec des traces du temps qui passait sans pitié.

« Vous serez en charge de la salle B, » dit le Dr Kim en marchant à un rythme rapide, sans se retourner. « Ce sont les patients les plus instables, ceux qui ont perdu tout lien avec la réalité. »

Seon-ji sentit une légère montée de tension dans sa poitrine. Elle avait choisi la psychiatrie parce qu’elle voulait comprendre les mystères de l’esprit humain, mais elle n’était pas sûre d’être prête à affronter la lourdeur de ce travail. Comment pourrait-elle soigner des esprits brisés, des âmes perdues, quand la frontière entre la réalité et l'illusion semblait si mince ?

Ils arrivèrent devant une porte en métal, sombre et imposante. Le Dr Kim s’arrêta et se tourna vers elle.

« Ces patients… ils ont besoin d’une attention particulière. Beaucoup d’entre eux ont des comportements imprévisibles. Vous devrez être vigilante. »

Il frappa deux fois à la porte, sans attendre de réponse, puis entra sans ménagement. Seon-ji hésita, puis suivit. À l’intérieur, la pièce était sobre, presque vide à l’exception de quelques lits et de chaises métalliques alignées contre les murs. L’air était lourd, chargé d’une odeur de médicament et de stérilité. Les patients, deux hommes et une femme, étaient allongés ou assis dans des positions étranges, le regard fixé dans le vide.

L’un d’eux, un homme aux cheveux en désordre et au visage pâle, se leva brusquement en apercevant le Dr Kim.

« Docteur, docteur ! » cria-t-il d’une voix étranglée. « Ils viennent ! Ils viennent ! »

Il pointait du doigt le coin de la pièce, les yeux écarquillés de terreur. Personne ne semblait répondre à son appel. Le Dr Kim, sans un mot, s’approcha de lui et posa une main ferme sur son épaule.

« Calmez-vous, M. Park, » dit-il d’une voix tranquille. « Personne ne vient. C’est seulement dans votre esprit. »

Le patient se laissa tomber sur son lit avec un soupir de frustration, les yeux toujours écarquillés, mais sa respiration se calma progressivement. Le Dr Kim se tourna vers Seon-ji, lui jetant un regard qui disait tout : C’est cela, la psychiatrie. Les esprits fragiles qui se battent contre leurs démons intérieurs, qui voient des choses que les autres ne voient pas.

Elle acquiesça lentement. Ce ne serait pas facile, elle le savait. Mais elle devait réussir. Elle n’était pas là pour fuir. Pas cette fois.

Le Dr Kim continua de lui expliquer les antécédents de chaque patient, mais Seon-ji avait du mal à se concentrer. Ses pensées étaient absorbées par l’atmosphère de la pièce, par la tension qui s’y dégageait. Quelque chose clochait ici, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Elle avait lu les dossiers des patients avant son arrivée, mais rien dans les notes ne parlait de ce genre de… présence.

Après un silence qui s’étira un peu trop longtemps, le Dr Kim se tourna vers elle avec un sourire glacé.

« Il est important de rester détachée, Dr Jin. » Il la scrutait comme pour mesurer sa réaction. « Ici, nous traitons l’esprit, pas le cœur. Vous ferez face à des choses que vous n’imaginez même pas. Et il ne faut jamais oublier que vous n’êtes pas seulement là pour guérir. Parfois, la seule chose que vous pouvez faire, c’est comprendre. »

Les mots du Dr Kim résonnèrent dans l’esprit de Seon-ji alors qu’elle observait les patients, tous aussi perdus dans leurs pensées que l’écho d’une époque révolue. L’un d’eux, une femme aux cheveux noirs enchevêtrés, se leva soudainement. Elle s’avança vers Seon-ji et murmura d’une voix basse et sifflante :

« Vous êtes là pour nous, n’est-ce pas ? Vous êtes là pour nous sauver… »

Les yeux de la femme étaient vides, mais son regard perça la jeune médecin de part en part, comme si elle savait quelque chose que Seon-ji ignorait encore. Une étrange sensation d’inquiétude s’installa dans sa poitrine, mais elle choisit de ne pas répondre. Elle ne savait même pas comment réagir face à cette question.

Le Dr Kim lui lança un dernier regard avant de sortir de la pièce, lui intimant silencieusement de le suivre. Lorsqu’ils quittèrent enfin la salle B, un frisson étrange parcourut le dos de Seon-ji. Les bruits de l’hôpital, si familiers à présent, paraissaient soudainement plus oppressants. La rumeur d’une vieille légende hospitalière, dont elle avait entendu parler pendant ses études, revint en force dans son esprit : Les esprits de Hwajung ne se contentent pas de se perdre. Ils veulent être retrouvés.

Elle chassa cette pensée. Pas aujourd’hui. Pas encore. Elle était là pour soigner, pas pour écouter les histoires. Mais en croisant le regard du Dr Kim, elle sentit que la frontière entre la réalité et la folie se faisait chaque jour un peu plus floue. Et ce premier jour n’était que le début d’un chemin qu’elle ne pouvait plus ignorer.

Des Comportements Étranges

Chapitre 2

Les premiers jours de Seon-ji à l’hôpital psychiatrique de Hwajung passèrent dans une sorte de brouillard, un entre-deux entre l’appréhension et l’émerveillement. Elle passait ses journées dans les couloirs froids et étroits de l’hôpital, suivant le Dr Kim qui lui expliquait avec une rigueur méthodique les traitements et les protocoles. Mais au fond d’elle, quelque chose n’allait pas. Les patients étaient de plus en plus étranges. Ils se comportaient de façon incohérente, presque comme s’ils étaient animés par une force qui leur échappait.

Le premier patient qui attira son attention fut Han Joo-won. Cet homme de quarante ans était allongé sur son lit, les yeux fixés sur le plafond, sans bouger. Lorsqu’il parlait, c’était toujours d’une voix basse, murmurée, comme s’il s’adressait à quelqu’un d’invisible. Ses paroles étaient incompréhensibles, parfois des mots sans queue ni tête, parfois des fragments de phrases qui semblaient sortir d’un autre monde. Seon-ji avait lu son dossier, bien sûr. Un patient souffrant de schizophrénie paranoïde, diagnostiqué il y a plusieurs années. Mais elle n’arrivait pas à croire que cette simple étiquette médicale puisse expliquer ce qu’elle voyait.

Lorsqu'elle entra dans sa chambre pour la première fois, il ne tourna même pas la tête vers elle. Elle s’approcha lentement de son lit, hésitante, et lui adressa la parole.

« Monsieur Han, je suis le Dr Jin Seon-ji. Je suis ici pour m’occuper de vous. »

Il ne répondit pas immédiatement. Ses yeux, d’un gris pâle, restaient fixés sur le plafond, comme s’il était plongé dans une sorte de transe. Puis, soudainement, sans raison apparente, il tourna lentement la tête vers elle, et pour la première fois, il la fixa dans les yeux. Ce regard... Ce regard était différent de tout ce qu’elle avait vu. Il n’y avait aucune émotion dans ses yeux, rien d’humain. Seon-ji ressentit un frisson glacé lui parcourir la colonne vertébrale, une sensation étrange, comme si elle était scrutée par quelque chose de plus ancien et de plus puissant qu’elle-même.

« Vous êtes… différente. » murmura-t-il d’une voix rauque.

Elle recula légèrement, prise de court par sa réponse. Mais avant qu’elle ne puisse réagir, il tourna à nouveau la tête, retournant à sa position initiale, les yeux vides. Il murmura de nouveau, des mots qu’elle ne comprit pas.

Elle resta là un moment, les yeux rivés sur lui, un sentiment de malaise grandissant dans sa poitrine. Il était là, physiquement présent, mais d’une certaine manière, il semblait ailleurs, perdu dans un autre monde. Seon-ji nota mentalement de revoir son traitement, mais une petite voix dans sa tête lui disait que ce n’était pas suffisant. Quelque chose de plus profond se passait ici, quelque chose de… surnaturel.

Elle se tourna pour quitter la pièce, mais avant de fermer la porte derrière elle, elle entendit une dernière parole, à peine un souffle :

« Ils viennent. »

---

Les jours suivants, Seon-ji observa les autres patients avec la même attention. Chacun d’eux semblait afficher des signes similaires de détresse, mais il y avait toujours quelque chose d’inexpliqué dans leurs comportements. La plupart étaient silencieux, repliés sur eux-mêmes, comme s’ils étaient figés dans un monde parallèle. Les rares fois où ils interagissaient, c’était comme si une force invisible les guidait, les poussait à réagir d’une manière déconnectée de la réalité.

Il y avait la patiente Yoo Na-ra, une femme d’une trentaine d’années, qui passait des heures à griffonner des symboles sur les murs de sa chambre avec des morceaux de charbon. Parfois, elle murmuraient des prières en une langue qu’elle ne semblait pas connaître, et ses yeux brillaient d’un éclat presque surnaturel lorsqu’elle dessinait. Quand Seon-ji tenta de lui parler, elle ne répondit pas directement, mais dit simplement, d'une voix calme :

« Les ombres me parlent. Elles me montrent des choses. »

Yoo Na-ra n’avait jamais été diagnostiquée avec un trouble psychotique clair dans ses antécédents médicaux. Son état était un mystère. Mais les infirmières lui avaient dit qu’elle était toujours plus perturbée la nuit. Seon-ji décida d’observer plus attentivement.

Et puis il y avait Kim Seok-ho, un autre patient qui semblait particulièrement perturbé. Il ne faisait que répéter une phrase à l'infini : « Ils vont venir. Ils vont tous venir. » Lorsqu’on lui posait des questions, il répondait seulement : « La porte est ouverte. » Il avait été interné après avoir été retrouvé errant dans les rues, dans un état de délires violents. Mais quand Seon-ji le regardait dans les yeux, elle voyait autre chose. Il semblait être là, mais son regard était tourné vers un endroit que Seon-ji ne pouvait pas percevoir. Comme si l’homme qu’il avait été était déjà parti, remplacé par quelque chose d’autre.

Elle sentit de plus en plus que ses patients n’étaient pas simplement malades. Ils étaient pris dans une sorte de lutte intérieure, et leurs symptômes n’étaient peut-être que la manifestation physique de quelque chose de bien plus sinistre. C'était comme si des forces invisibles les contrôlaient, les manipulaient à leur guise. Mais qui étaient ces forces ? Et d’où venaient-elles ?

Seon-ji passa plusieurs nuits à lire les dossiers des patients, cherchant à comprendre la source de leur trouble. Mais plus elle creusait, plus elle avait l’impression que les médecins précédents n’avaient jamais vraiment cherché à comprendre ce qu'il se passait ici. Ils avaient simplement catalogué leurs observations, prescrit des médicaments, et attendu que tout se stabilise, comme si tout cela était normal. Mais ce n'était pas normal. Et Seon-ji savait qu’elle ne pouvait pas fermer les yeux sur ce phénomène étrange qui se déroulait sous ses yeux.

Une nuit, après sa dernière ronde, alors qu’elle marchait dans les couloirs déserts de l’hôpital, elle entendit des voix. Elles étaient faibles, presque imperceptibles, mais elles semblaient provenir des murs eux-mêmes. Seon-ji s'arrêta, écoutant attentivement. C’était comme des murmures lointains, des voix qui se mêlaient dans un chuchotement incompréhensible. Elle suivit les sons, s’éloignant du chemin habituel vers une aile qu’elle n’avait pas encore explorée.

Les voix la conduisirent à une porte, une porte qu’elle n’avait jamais vue auparavant, bien que le reste de l’hôpital soit familier. Elle hésita un moment, mais la curiosité l’emporta. Elle tourna la poignée, et la porte s'ouvrit dans un grincement sinistre.

La pièce à l’intérieur était vide, à l’exception d’une vieille chaise en bois. Sur le sol, des symboles étaient tracés en craie blanche. En regardant de plus près, Seon-ji remarqua que les dessins formaient un cercle, un cercle qui semblait… vivant. Les symboles semblaient se déplacer lentement, comme s’ils étaient animés par une force invisible. Et au centre du cercle, un mot était écrit en caractères anciens : Ombres.

Seon-ji recula, le cœur battant. Elle savait que quelque chose d’effroyable se tramait ici. Mais elle ne pouvait pas encore comprendre ce que c’était. Elle se tourna précipitamment pour quitter la pièce, mais avant de le faire, une voix, celle de Han Joo-won, résonna dans sa tête :

« Elles savent que tu sais. Elles vont venir te chercher. »

Et, cette fois, Seon-ji comprit que ce n’était pas seulement ses patients qui étaient pris au piège dans cet endroit. Elle-même était maintenant impliquée dans quelque chose d’invisible, de plus vaste. Elle ne pouvait plus faire marche arrière.

Les Ombres

Chapitre 3

La nuit était plus noire que d'habitude ce soir-là. L’air semblait plus lourd, comme si l’hôpital de Hwajung respirait au même rythme que les âmes perdues qui y résidaient. Seon-ji avait terminé ses rondes habituelles, vérifiant les traitements et les conditions des patients, mais elle n’arrivait pas à se débarrasser de l’impression étrange qu'il y avait quelque chose de plus dans cet endroit, quelque chose qui échappait à la logique, à la raison.

Les couloirs étaient silencieux, seulement brisés par le bruit de ses pas résonnant contre le carrelage froid. La lumière pâle des néons diffusait une lueur sinistre, accentuant l’atmosphère claustrophobe de l’hôpital. À chaque coin de corridor, à chaque porte, elle ressentait cette tension invisible, comme si elle était observée. Elle se concentra sur sa respiration, essayant de repousser cette impression dérangeante.

Elle passa devant la chambre de Yoo Na-ra. La lumière de sa pièce était éteinte, mais à travers la fenêtre du couloir, elle aperçut une forme mouvante dans l'ombre, un léger tremblement dans l’obscurité. Cela dura une fraction de seconde, mais assez longtemps pour que Seon-ji s’arrête, le cœur battant. Elle jeta un coup d’œil furtif, mais la silhouette disparut.

Elle s'apprêtait à poursuivre son chemin, mais un bruit la fit sursauter. Un léger gémissement provenait de la chambre voisine, celle de Han Joo-won. Le bruit était si faible qu’il aurait pu être le simple froissement d’un drap, mais il avait quelque chose d’étrange, de sourd. Seon-ji hésita. Elle savait que Joo-won était souvent en proie à des épisodes de délire, mais cette fois, l’atmosphère était différente. L’air était plus lourd autour de sa chambre, comme si la porte était une barrière entre deux mondes.

Curieuse et inquiète, elle s'approcha de la porte, puis s’arrêta brusquement. Elle croyait voir une forme noire, diffuse, se mouvant lentement derrière la porte. C’était à peine perceptible, un jeu d’ombres qui semblait prendre vie. Un frisson glacé la parcourut, mais elle secoua la tête, se disant qu’il s’agissait probablement d’un jeu de lumière ou d’un simple effet de la fatigue. Pourtant, une petite voix au fond de son esprit lui soufflait que quelque chose n’allait vraiment pas.

Elle ouvrit la porte d’un coup sec.

La pièce était plongée dans une obscurité presque totale, la seule source de lumière étant celle de la faible lueur d’un néon distant qui filtrait par une fenêtre. Les lits étaient tous vides, et la plupart des patients semblaient endormis. Seon-ji laissa échapper un soupir de soulagement, mais au moment où elle se tourna pour refermer la porte, elle aperçut Han Joo-won. Il était assis sur son lit, les yeux ouverts, fixant la porte avec une intensité glaçante.

Il n’avait pas bougé.

Seon-ji frissonna. Normalement, il ne se réveillait pas si tôt, et il n’était pas du genre à fixer quelqu’un avec un tel regard. Le froid de la pièce sembla envahir ses entrailles.

Elle s'approcha lentement, mais avant qu’elle ne puisse prononcer un mot, Joo-won parla, d’une voix basse et rauque, presque un murmure :

« Elle est là. »

Elle s’arrêta, la gorge serrée. Elle n’avait pas tout à fait compris. Elle s'agenouilla à côté de son lit, essayant de capter son regard, mais il ne la regardait pas vraiment. Ses yeux étaient vitreux, comme s’il regardait à travers elle, mais ses lèvres bougeaient lentement.

« Elle… m’a trouvé. » Il se remit à murmurer, les mains tremblantes. « L'ombre… elle vit en moi. Elle me parle tout le temps. Elle me dit des choses. »

Seon-ji se figea. Elle sentit un frisson glacer sa peau. L'ombre. Le terme qu’il avait utilisé, si simple, mais en même temps si lourd de signification. Elle s’efforça de garder son calme, mais l’inquiétude la rongeait.

« Joo-won, qui est-ce ? De quoi parlez-vous ? »

Il tourna lentement la tête vers elle, et ses yeux semblaient maintenant pleins d’une intensité terrifiante, comme si une part de lui, une part très ancienne et très sombre, avait pris le contrôle de son être. Il la fixa un instant, puis, d’un coup, éclata de rire, un rire qui n’avait rien d’humain. Il se leva brusquement, l’atteignant d’un geste trop rapide, trop vif, presque inhumain.

« Elle te voit aussi, maintenant, » dit-il d’une voix basse, « Elle te voit et elle te veut. »

Avant que Seon-ji n’ait pu réagir, Joo-won se laissa retomber sur son lit, son corps soudainement affaissé, comme si tout le sang l’avait quitté. Ses yeux redevenaient vides, sans expression. Il semblait comme endormi.

Elle recula précipitamment, son cœur battant la chamade. Un sentiment de malaise s’empara d’elle, lourd et suffocant. Que venait-il de se passer ? Qui était cette ombre dont parlait Joo-won ? Et pourquoi l’avait-il mentionnée, comme si elle faisait partie intégrante de l’hôpital, de l’histoire de ces murs ?

Seon-ji se redressa et se dirigea rapidement vers la porte. Elle devait sortir. L’air dans la pièce était devenu étouffant, et l’ombre qui semblait la suivre depuis l’intérieur de l’hôpital, cette présence invisible mais palpable, était maintenant plus présente que jamais. Elle referma la porte derrière elle avec précaution, son esprit tourbillonnant de questions.

---

Elle erra dans les couloirs pendant un moment, sans but précis. Il était presque trois heures du matin. Aucun bruit, à l’exception de ses pas pressés et du bourdonnement constant des néons. Chaque chambre qu’elle traversait semblait être un univers clos, un autre monde où des vies se déroulaient dans une sorte de silence lourd, de tranquillité illusoire.

Elle repassa près de la chambre de Yoo Na-ra. L’ombre qu’elle avait aperçue plus tôt était de nouveau présente, une forme obscure et mouvante dans le coin de la pièce, presque imperceptible. Elle s’approcha, hésitante, puis s’arrêta net. Elle sentit que quelque chose, ou quelqu’un, la regardait. Cette fois, elle n’avait pas besoin de voir pour savoir. C’était une intuition, un pressentiment. Elle sentit la présence d’une entité étrange, cachée dans l’obscurité. Une pression sur sa poitrine, une chaleur étouffante qui la fit reculer brusquement.

Elle décida de s’éloigner.

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Les jours suivants furent marqués par une étrange sensation de mal-être. Le personnel semblait se comporter comme d'habitude, mais Seon-ji se sentait de plus en plus déconnectée, comme si une partie de sa propre réalité se dérobait sous ses pieds. Les patients, quant à eux, devenaient de plus en plus agités, leurs symptômes s’intensifiant. Mais il y avait un point commun à toutes leurs histoires : ils parlaient tous, à un moment ou à un autre, de ces ombres. Des entités sans visage, invisibles mais omniprésentes, qui semblaient les envahir, les contrôler.

Elle chercha dans les archives de l’hôpital, mais il n’y avait rien sur ces « ombres ». Rien qui puisse expliquer ces phénomènes. Au contraire, elle commençait à se rendre compte que l’hôpital lui-même semblait être un endroit oublié du monde, un lieu où les règles de la réalité s’effritaient lentement.

Une nuit, alors qu’elle était seule dans son bureau, une sensation de froid glacial s’abattit sur elle. Elle tourna la tête et aperçut une silhouette sombre se détacher dans l’ombre de la porte. Son cœur s’arrêta un instant. Il n’y avait personne d’autre dans l’hôpital à cette heure-là.

Elle se leva brusquement, mais la silhouette s’évanouit aussi vite qu’elle était apparue. Un silence absolu, profond et lourd, l’enveloppa. Elle n’avait plus de doute maintenant : les ombres n’étaient pas juste une illusion. Elles étaient réelles. Et elles étaient là, tout autour d'elle.

Elle se précipita vers la sortie de l’hôpital, son esprit en tourmente. Les ombres la suivaient. Et elles ne la laisseraient pas partir si facilement.

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