Je m'immerge dans ma lecture. Oui, je suis une fille extravertie et sociable, mais j'aime également m'octroyer des moments en solitaire, et souvent, c'est en compagnie de mes livres que je les apprécie le plus. En ce moment, je dévore un thriller. Les suspenses et les retournements de situation, j'en suis friande.
"Jade, toujours plongée dans ce livre ? Je t'avais bien demandé de sortir les poubelles des centaines de fois," s'exclame ma mère. Toujours là à nous dicter quoi faire, "Fais ceci, fais cela," elle a toute une liste. Malgré ma petite sœur, ma mère préfère que ce soit moi qui m'occupe des poubelles. Jamais ma sœur ne s'en charge. Et ma mère utilise constamment l'excuse qu'Iris est trop jeune et fragile pour ça. Elle a 13 ans avec une allure d'ado de 18 ans. Non mais sérieusement, c'est un rêve ou quoi?
"Maman, juste quelques pages de plus, s'il te plaît," je l'implore.
"Non, j'en ai assez entendu de toi. Lâche ce livre et fais-le maintenant," me répond-elle avec fermeté.
"Mais pourquoi tu ne demandes pas à Iris ? Elle passe son temps à faire des vidéos. Je te jure qu'elle n'aura pas un meilleur avenir comme ça."
Ma sœur descend l'escalier avec un regard noir.
"Qu'est-ce que tu as dit ? C'est toi qui n'auras pas d'avenir. Moi, j'ai mes followers, et quand maman le permettra, j'entrerai dans le monde du mannequinat et je gagnerai plus d'argent que toi. Alors, ferme ta gueule."
"Maman, tu vois bien comment elle me traite. Franchement, tu dois avoir ton mot à dire. Elle n'a pas à être irrespectueuse comme ça. Et toi, va sortir les poubelles," je tente de faire entendre ma voix.
"Maman, ne l'écoute pas, c'est trop lourd pour moi."
"Ça suffit, vous deux. J'en ai vraiment marre. J'aurais tellement aimé que votre père soit là pour régler vos disputes," exprime ma mère, visiblement exaspérée. Mon père est en mission, cela fait trois longs mois sans le voir, mais son retour est enfin prévu pour la semaine prochaine. C'est une bonne nouvelle qu'il rentre. Il nous a tellement manqué, et je pense que lui seul pourra mettre fin à cette obsession de ma sœur à vouloir devenir influenceuse et mannequin.
"Iris, je ne serai pas toujours là pour les sortir. Quand je serai à l'université, tu seras là toute seule. Je te conseille de t'y habituer maintenant."
"Figure-toi que quand tu n'es pas là, papa sera de retour," lance-t-elle.
"Comment oses-tu demander à papa de sortir les poubelles à ta place ? À ton âge, j'étais déjà habituée à en sortir deux sacs en même temps."
"Iris, tu as bien dit tout à l'heure que tu envisages d'entrer dans le mannequinat."
"Notre professeur de danse m'a parlé un peu de ça. Il a dit que je ferai une bonne mannequin et que je pourrais aussi devenir actrice. Il voit du potentiel en moi."
"Pas question," réplique-t-elle.
"Mais maman, qu'est-ce que tu dis ?" Elle va pleurer, c'est sûr.
"Tu n'as que 13 ans. Tu dois continuer tes études et faire des choses normales."
"Et quelles sont ces choses normales ? Je n'aime pas être normale. J'aimerais être sous les feux des projecteurs."
"Je ne sais pas, docteur, juge, voyons. Tu es très douée en classe. Ne gâche pas l'opportunité de devenir une femme accomplie dans le domaine professionnel pour être une ****."
"Et qui te dit qu'entrer dans le mannequinat veut dire être une ****? C'est pas toutes qui deviennent des putes, alors arrête de généraliser," se défend-elle."
Et voilà, maintenant c'est à elles de se disputer. Iris finit par pleurer, exposant ses arguments, tandis que maman n'aime pas du tout l'idée que sa fille puisse prendre ce chemin. Être constamment photographiée signifie, selon elle, moins de vêtements jusqu'à n'en avoir plus du tout. Elle veut que nous empruntions le même chemin qu'elle. Elle se voit comme une femme respectueuse, et c'est vrai, elle est élégante et jamais vulgaire. Pour information, Iris et moi sommes les contraires de maman. Iris veut être mannequin, ce qui, selon maman, implique d'être vulgaire. Quant à moi, je suis une fêtarde, ce que maman n'apprécie pas du tout.
Je ne prête plus attention à leurs disputes. Attrapant les sacs poubelles, je sors, me demandant comment m'organiser pour la soirée à venir. Ma mère m'a surprise en flagrant délit la dernière fois, ouvrant brusquement ma chambre alors que je tentais de m'échapper par la fenêtre. En guise de punition, elle m'a privée de la compagnie de mes amis pendant une semaine, et même Nathel, ma meilleure amie, n'avait pas le droit de venir à la maison.Mais je dois trouver un moyen plus sûr, car c’est un jour spécial pour Astrid. Si j'avoue à ma mère, elle ne me laissera jamais y aller, bien que j’aie l’âge de sortir la nuit. Ce n'est pas mon âge qui la préoccupe, c’est le fait d’aller fêter, selon elle, avec des personnes qu'elle considère comme débauchées, des drogués, des alcooliques.
J’ouvre la porte et entre, stupéfait. La vase, qui signifiait tout pour maman, est par terre, brisée. Qu'est-ce qui aurait bien pu se passer ici ? Je monte les escaliers, me dirige vers la chambre d’Iris et toque.
" Quoi ? " crie-t-elle.
"Qu’est-ce qui s’est passé ?" je demande en ouvrant la porte.
" Ce ne sont pas tes affaires", me répond-elle sèchement.
"C’est toi qui as cassé la vase de maman ?"
" Et alors ? "
"Tu te fiches de moi là. Tu es vraiment méchante. Cette vase était un cadeau de Mamie, et c’était la seule chose qui lui reste d’elle", dis-je, choqué.
Elle arrête de tapoter son téléphone et me regarde. "C’est vrai ?" me demande-t-elle, probablement en espérant que je nie.
"Oui, elle est sûrement en train de pleurer dans sa chambre après ce que tu as fait ", je réponds.
"C’est parce qu’elle m’a dit que j’arrêterai la danse si je continue à parler de cette idée ridicule. Tu sais que j’aime ça, mais vous ne me comprenez jamais de toute façon."
" Je sais que tu adores ça", je m'approche d'elle, "mais tu vois, maman est un peu stricte et elle n'en veut rien entendre. Estime-toi chanceuse qu'elle te laisse publier ces vidéos que tu fais", je continue. "Donne-lui le temps d'accepter qui tu es. C'est encore brusque pour elle, alors ne la force pas."
"Je te comprends pas, je croyais que tu étais contre l’idée, toi aussi."
Je n'avouerai jamais à ma sœur que J'aime simplement la contredire, mais je ne suis pas opposée à l'idée
qu'elle poursuive son rêve. Parfois, c'est simplement trop. Elle se vante excessivement de sa beauté, au point d'oublier l'essentiel dans sa vie. Elle a 10K d'abonnés simplement en faisant des vidéos où elle donne des avis et des commentaires sur des demandes spécifiques de ses fans. En gros, ses abonnés lui envoient des photos de leur look, et Iris donne son avis.
" Je veux que tu sois la jeune fille modèle que maman souhaite que tu sois ", je dis simplement.
"Regarde un peu qui parle, j’ai vu sur Insta qu'il y aura une fête chez Astrid ce soir, et j'espère que tu seras cette jeune fille modèle que maman veut que tu sois", elle me dit ironiquement.
"Tu n'as pas à en dire un mot à ce sujet. Va t'excuser auprès de maman et fais tes devoirs." Je soupire, confrontée à la réalité de mes propres choix de mot.
Elle lève un sourcil, avec un air de défi. "Je sais que tu vas y aller, alors j'ai mon mot à te dire. Tu vas devoir m’aider."
Je la regarde, intriguée. "Aider ? Pourquoi ferais-je ça ?"
Elle laisse échapper un petit rire sarcastique. "Parce que si maman apprend que tu t'es éclipsée pour la fête, ta punition sera plus sévère que la dernière fois. Alors, si tu veux protéger tes petits secrets, tu ferais mieux de me donner un coup de main."
Effectivement, elle a considérablement mûri. Les jours où elle était enfantines semblent bien loin. Désormais, elle adopte une approche plus redoutable, elle me menace. Voyons ce qu'elle veut.
"Qu'est-ce que tu veux ?" je demande, espérant qu'elle ne va pas avancer un argument du type "Je veux aussi aller à des fêtes, et tu vas m'aider à sortir."
"Je veux que tu parles en avance avec papa du fait que mon prof de danse voit du potentiel en moi. Je suis convaincue que si c'est toi qui lui en parles, il sera d'accord ", dit-elle avec un regard sérieux.
Je fronce les sourcils, anticipant la complexité de la situation. " Et que feras-tu de maman ? "
Elle esquisse un sourire rusé. " Si papa accepte, je n'aurai pas à affronter maman seule. J'aurai des alliés, toi, moi et papa, tous ensemble contre ses arguments. C'est une approche stratégique."
"J'accepte, mais à une condition : tu ne dis rien à maman, et tu lui présentes des excuses," je réponds, cherchant à instaurer des limites claires dans notre accord. Ma sœur prend un moment pour réfléchir, pesant le pour et le contre de ma condition. Après un bref instant d'hésitation, elle accepte finalement. Bien que l'idée de s'excuser auprès de maman laisse transparaître une pointe d'inconfort dans son regard, Elle préfère mettre de côté sa fierté plutôt que de ne pas atteindre son objectif.
Il est déjà 19 heures 30. Malgré les excuses d'Iris, une tension persiste depuis le dîner, surtout
parce que maman n'est pas du genre à pardonner facilement le fait qu'Iris ait cassé son vase dans un moment de colère. En ce moment, Iris est dans sa chambre et maman est dans le salon au téléphone avec papa depuis un moment. N'ayant pas eu l'opportunité de lui souhaiter bonne nuit pour éviter qu'elle ne vienne dans ma chambre, j'ai décidé de me lever et de me diriger vers elle.
"Est-ce que tu veux parler à ton papa ?" elle me sourit.
"J'aimerais bien papoter avec lui, mais là, maintenant, j'ai vraiment envie de dormir. Je suis venue te souhaiter bonne nuit," je mens.
"D'accord, vas-y. Ton père et moi, nous allons probablement parler encore longtemps, je crois. Vas-y, je ne t'embêterai pas. Bonne nuit, ma puce," elle répond.
"Bonne nuit, maman," je lui donne une bise. "Bonne nuit, papa," je crie sur le téléphone de maman, m'assurant que papa m'entende.
"Il a dit qu'il t'aime énormément."
"Moi aussi, je t'aime, mon cher père adoré de tout l'univers. Hâte de te revoir, alors rentre vite."
Heureusement, ma chambre est située au rez-de-chaussée, ce qui facilite mes escapades nocturnes. Face au miroir, je me maquille légèrement, mettant en valeur mon regard. Mes yeux bleus sont un héritage de mon père, tandis que ma chevelure blonde tient de ma mère. Je coiffe mes cheveux blonds en queue de cheval, enfile un tee-shirt blanc assorti à un short, chausse mes baskets. Après un dernier coup d'œil, je prends un hoodie, me jugeant finalement prête. J'ouvre la fenêtre et m'y glisse à l'extérieur, la refermant derrière moi. Je me faufile discrètement dans l'obscurité. Comme convenu, Nathel m'attendait à trois pâtés de maisons de chez moi. Nathel est une fille que j'ai rencontrée au début du lycée. Elle était nouvelle, sans amis, et j'ai décidé de m'approcher d'elle. Malgré son apparence timide, cette fille d'origine africaine s'est révélée être incroyablement sociable, partageant les mêmes délires que moi. Bien que j'aie beaucoup d'amis, avec elle, je me sens complète. C'est une sensation que je n'avais ressentie qu'auparavant avec Carmen, ma meilleure amie d'enfance. Malheureusement, Carmen a déménagé après le collège, et nous ne nous sommes plus revues depuis. Cependant, j'espère sincèrement la revoir un jour.
"Ta mère n'a rien remarqué, n'est-ce pas ?" me demande-t-elle.
"Non, pas du tout. Ne t'inquiète pas, elle est plongée dans ses propres affaires. Allons profiter de la soirée, j'en meurs d'envie."
Nous avons passé une agréable soirée pour le 20e anniversaire d'Astrid. Tous les élèves du lycée étaient invités, et la maison débordait de monde, à tel point qu'il était difficile de faire demi-tour. Heureusement, la chambre d'Astrid était réservée à son cercle d'amis proches, notre groupe. Cependant, je me suis sentie envahie en voyant Travis parmi nous. Ce n'est pas que je sois contre l'idée que quelqu'un se joigne à nous au fil de la soirée, mais il ne fallait pas que ce soit lui, parmi toutes les personnes possibles.
"Tu as vu comment il t'a regardée ?" ricane Nathel.
"Il a vraiment le culot. Il ose se montrer comme ça devant mes amis, comme si nous étions encore ensemble," je réponds avec agacement.
Travis et moi avons été ensemble pendant trois mois. Il est le crush de toutes les filles du lycée, mais il a choisi de me courtiser. Il prétendait aimer ma personnalité, appréciant le fait que je sois très ouverte avec tout le monde et que je partage beaucoup d'énergie. Après des lustres, j'ai fini par accepté. Je craignais que toutes les filles du lycée
allaient me détester, mais étonnamment, elles trouvaient cool que le gars le plus séduisant du lycée sorte avec la fille extravertie qui parle à tout le monde. On a rompu après que je l'ai surpris en train de parler à d'autres filles sur une application de rencontres. Quand je lui ai demandé pourquoi il avait fait ça, sa réponse a été des plus agaçantes. Il a avoué qu'il voulait simplement coucher avec elles, arguant que je n'étais pas prête à franchir cette étape dans notre relation. Je l'ai immédiatement plaqué après ça. Il croyait peut-être que le fait que je sois ouverte d'esprit signifie également que j'ouvrirai facilement mes cuisses pour lui. C'est du pur irrespect.
"Qu'est-ce qu'il t'a dit quand il t'a suivi pour aller prendre des bières ?"
"Il m'a sorti les mêmes arguments, qu'il allait attendre que je sois prête et tout. Il m'implorait de revenir avec lui. Franchement, il m'a tellement déçue. Je croyais qu'on était bien ensemble, mais il a tout gâché, et je ne suis pas prête à le pardonner," je réponds.
"Tu as commencé à l'aimer, mais il a tout niqué," constate Nathel.
"Oui, je l'aimais bien, mais ce n'est qu'un ******* qui veut juste me pécho."
" Je te laisse ici, ma chérie, je dois rattraper les autres", me dit-elle avec son sourire si accueillant.
"Merci de m’avoir raccompagnée, Nath. Je te tiendrai au courant, car je suis sûre qu’il va m’envoyer des textos ", dis-je, étant convaincue, car c'est le genre de Travis de m’inonder de messages après m'avoir vue.
"D’accord, et on se voit quand ?" me demande-t-elle.
" On se voit samedi pour aller faire du shopping. Je ne veux pas emmener mes vieux vêtements quand nous partirons", dis-je. Nathel et moi avons déjà tout planifié : nous allons habiter dans le même appartement et postuler pour le même job de soir ou de nuit. Nous avons déjà trouvé l’appartement, mais le job reste à dénicher.
"A samedi alors," me lance-t-elle tout en me faisant la bise. Après lui avoir dit au revoir, elle s'éloigne en courant pour rattraper les autres.
Enfin devant ma fenêtre, j'essaie de l'ouvrir, mais elle semble fermée de l'intérieur. Iris doit me jouer un mauvais tour. Je saisis mon téléphone, prête à lui envoyer un message, quand un bruit non loin de moi attire mon attention.
"Qui est là ?" murmurai-je, ma voix à peine audible.
C'est alors que ma mère apparaît, clairement agacée par mon retard, comme en témoigne son regard scrutateur.
"Maman," articulai-je.
"Alors comme ça, tu fais le mur ? Où étais-tu passée ?" gronde-t-elle.
"J'étais à l'anniversaire d'Astrid," avouai-je avec une pointe de culpabilité.
Je pouvais sentir la frustration dans le regard de ma mère. "Je ne sais plus comment vous faire comprendre ce que je ressens, ce que je veux que vous ressentiez. Je me sens un peu agacée que mes deux filles veuillent toutes prendre des chemins que je n'avais jamais osés," dit-elle, abandonnant toute tentative de réprimande pour exprimer plutôt sa tristesse. "J'ai mes plans avec vous deux, mais il semble que vous en ayez déjà trouvés par vous-mêmes. N'empêche que je suis inquiète pour votre avenir," poursuit-elle.
"Je comprends, maman. Je suis désolée de ne pas t'avoir informée plus tôt," dis-je, exprimant sincèrement mes regrets.
"En fait, je ne voulais pas entrer dans ta chambre sans raison. Je voulais te remettre ça. Je l'ai trouvé dans la boîte aux lettres, et c'est pour toi," elle me tend une enveloppe portant mon nom. Je la prends et la regarde pendant un moment.
"Maintenant, rentre à l'intérieur et repose-toi," me conseille-t-elle.
"D'accord," acquiesçai-je, reconnaissante pour sa compréhension et ses préoccupations. Je lui adresse un sourire timide avant de suivre ses conseils et de rentrer à la maison.
Je suis maintenant dans ma chambre, et je décide d'ouvrir l'enveloppe que ma mère m'a remise. Avec précaution, je la déplie pour révéler un papier soigneusement plié en deux. Mes doigts effleurent la surface du papier, tandis que mon esprit s'interroge sur le mystère contenu à l'intérieur. J'ouvre délicatement le pli et découvre l'écriture familière d'une personne qui m'est chère.
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