Soleyra
Je m'appelle Sol. Je vais vous raconter mon
histoire.
Il y a quelques années, dès ma plus tendre enfance, j'ai grandi dans la peur. Mon père battait ma mère, parfois si violemment qu'elle restait incapable de se relever pendant des jours. Et moi... je regardais. Je regardais sans pouvoir faire quoi que ce soit.
Parfois, quand il partait enfin, ma mère me souriait. Elle me disait : « Ne t'inquiète pas, ma princesse, ça va aller. » Et moi, je me contentais de hocher la tête, en essayant de croire à ses mots. Elle était douce, si souriante, malgré le sang sur son corps, malgré les bleus qui apparaissaient sur sa peau. Probablement souriait-elle pour me protéger, pour que je ne panique pas.
Mais moi, je voyais tout. Chaque geste, chaque cri, chaque cicatrice invisible laissée dans son regard. Elle en avait tellement enduré... je ne comprenais pas pourquoi elle ne portait pas plainte. Était-ce parce que nous n'avions pas assez de moyens ? Parce qu'elle dépendait d'un monstre qui frappait sans retenue, comme si la maison elle-même était devenue sa cage et son terrain de chasse ?
Je me souviens de cette sensation d'impuissance. Le cœur serré, les yeux embués de larmes que je retenais, je regardais ma mère se relever, encore et encore, pour moi. Pour moi, sa petite fille qui ne savait rien faire d'autre que la regarder se sacrifier.
Et un jour, tout a basculé.
Je l'ai cherchée toute la journée. Depuis le matin, je passais d'une pièce à l'autre de la maison, espérant la trouver, l'appeler, entendre sa voix me rassurer. J'ai couru dehors, frappé aux portes des voisins, demandé si quelqu'un l'avait vue... rien. Le silence me brûlait les oreilles, chaque seconde me paraissait une éternité.
À bout de forces, j'ai descendu les escaliers de la Cave, le cœur battant, une boule d'angoisse dans la poitrine. Et là... je l'ai vue. Elle était là, immobile, suspendue. Les mots que les gens prononçaient autour de moi ne prenaient aucun sens : « C'est un accident... un suicide... » Mais je savais. Je savais que ce n'était pas possible.
J'ai crié. Mon cri déchirait tout, résonnait contre les murs, contre le vide qu'elle laissait derrière elle. Je n'arrivais pas à croire que la personne qui m'avait toujours souri malgré tout, qui avait tenu mes mains quand je pleurais, qui m'avait protégée autant qu'elle le pouvait, ne serait plus jamais là.
Le silence qui suivit était pire que tous les cris du monde. Je sentais le froid de la mort s'infiltrer dans mes os, le poids de l'injustice écraser mes épaules. Et puis il y avait lui, mon père. Ce monstre que j'avais appris à craindre, qui me regardait avec un mélange de colère et de calcul. Il ne versait aucune larme. Il ne cherchait pas à me consoler. Il n'y avait que lui et sa propre peur de se faire prendre.
À cet instant, quelque chose en moi a changé. Une flamme s'est allumée dans mes entrailles. Une promesse silencieuse : jamais plus je ne serais cette petite fille impuissante. Jamais plus je ne laisserais quelqu'un décider de ma vie ou de ma sécurité.
J'avais huit ans. Et déjà, je savais que la vie serait un combat.
***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***
Comments