Le QG avait changé.
Les murs sentaient encore la sueur et la cendre, les couloirs étaient silencieux, trop tendus, comme si chacun retenait son souffle. On n’était plus dans un sanctuaire. On était dans une cage. Et Kiran le sentait à chaque pas.
Les regards avaient changé.
On l’observait.
Pas comme un frère.
Comme une énigme.
Un étranger.
—
Deux jours.
Deux jours que l’attaque avait eu lieu.
Deux jours que Ryen n’avait pas reparlé à Kiran.
Mais il le regardait. Constamment.
Dans la cour, à l’entraînement, au réfectoire…
Toujours cette même intensité dans les yeux.
Comme s’il cherchait la faille.
Comme s’il savait qu’il y avait autre chose.
—
Kiran s’isolait plus. Il sentait son corps changer.
Le rituel de blocage s’effritait. Il devenait instable.
Son odeur restait maîtrisée… pour l’instant. Mais il ne pouvait plus se permettre de rater la prochaine dose.
Ce soir-là, il tenta de la préparer. En cachette, dans un local désaffecté du QG.
Mais il n’était pas seul.
Une voix claqua derrière lui :
« Qu’est-ce que tu fais ici ? »
Ryen.
Kiran cacha immédiatement le flacon derrière lui.
« Rien. Je voulais juste être seul. »
Ryen entra, lentement.
Il le fixait. De près. Trop près.
« Tu transpires la peur. »
Kiran le fusilla du regard. « Ou peut-être que j’ai juste besoin d’air. »
Ryen s’approcha.
Plus encore.
« Ou peut-être que tu caches quelque chose. Tu sais quoi ? On a fouillé les corps des assaillants. L’un d’eux portait un message. Avec ton prénom dessus. Ton prénom exact. »
Kiran gela.
Ryen murmura, les yeux dans les siens :
« Tu veux m’expliquer comment un groupe de rogues, hors du système, sans meute, connaissait ton nom… et pas le mien ? »
Le silence.
Il faisait trop chaud, tout à coup.
Kiran recula d’un pas. « Ils ont pu m’avoir repéré quand j’étais seul. Peut-être que c’est un piège pour te faire douter de moi. »
Mais Ryen ne mordait pas à l’hameçon.
Il s’approcha encore. Jusqu’à sentir son souffle.
Et soudain, il posa sa main sur la nuque de Kiran.
Là où était la glande.
Kiran le gifla.
Spontanément. Violent.
Un silence de mort s’abattit.
Ryen recula lentement. Il porta la main à sa joue, sans colère.
Juste… intrigué.
Puis il sourit. Un sourire lent. Inquiétant.
« Tu me caches quelque chose. Et tu vas craquer bientôt. Je ne sais pas ce que t’es… mais je vais le découvrir. »
Il tourna les talons.
Et laissa Kiran, haletant, brûlant, seul avec la peur au ventre.
—
Cette nuit-là, Kiran n’arriva pas à dormir.
Pas à cause du soupçon.
Mais parce que dans ses veines, quelque chose grondait.
Son premier vrai début de chaleur.
Et personne ne devait le savoir.
Kiran avait verrouillé sa porte.
Fermé les fenêtres. Éteint toute lumière.
Mais ça ne suffisait pas.
Son corps bouillonnait.
Il avait le front brûlant, la respiration trop rapide. Son odeur, normalement neutre grâce au rituel, devenait… étrange.
Pas clairement oméga.
Mais pas alpha non plus.
Un mélange impossible. Un leurre qui vacille.
Il serra les dents, essayant de ralentir son cœur. S’il cédait maintenant… c’était fini. Ryen le saurait. La meute le saurait. Et un oméga infiltré ? Même puissant, même loyal ?
Ils ne lui pardonneraient pas.
Il tenta une dernière infusion. Le liquide amer glissa dans sa gorge… mais ne fit rien.
Trop tard.
Le blocage était tombé.
—
Le lendemain, il mit tout en œuvre pour garder ses distances. Il évita les regards, se contenta de simples “hm” et “ouais” aux questions. Il ne resta jamais trop longtemps dans une même pièce.
Mais il le sentait.
Un loup le suivait.
Silas.
Un bêta ancien, loyal à Ryen. Et doté d’un flair presque anormal.
Kiran croisa son regard à la salle d’entraînement.
Les yeux de Silas se plissèrent.
Et ses narines frémirent.
« T’as changé de parfum, toi ? » lança-t-il, mi-moqueur, mi-inquisiteur.
Kiran répondit par un sourire sec.
« T’as trop de temps libre, Silas. »
Mais dans sa tête, l’alerte hurlait.
Silas le suivit jusqu’au couloir. À chaque pas, Kiran sentait l’air devenir plus pesant.
Puis une voix, basse, menaçante :
« On a tous une odeur. Mais la tienne… elle ment. Tu saignes quelque chose que t’essaies d’enterrer. »
Kiran se figea.
Il allait répliquer — mentir, menacer, inventer — quand une autre odeur coupa net tout ce qu’il s’apprêtait à dire.
Ryen.
—
Il apparut au bout du couloir, les yeux plus sombres que d’habitude, une tache de sang séché sur le col.
Il s’approcha. Lentement.
Trop lentement.
Kiran sentit son estomac se nouer.
Pas à cause de la peur.
Mais à cause de l’alpha.
De son odeur.
De sa présence.
Quelque chose, en lui, vibrait. Un besoin. Un vertige.
« Kiran. »
La voix de Ryen était calme. Mais tranchante.
« Tu viens avec moi. »
Kiran ouvrit la bouche pour protester — mais Silas s’écarta avant qu’il ne dise un mot.
—
Ryen l’emmena dans une pièce vide. Verrouilla la porte.
Silence.
Puis il se tourna vers lui.
Le fixa.
Longtemps.
« Tu vas arrêter de me fuir. »
Kiran serra les poings.
« Je te fuis pas. »
Ryen s’approcha.
« Si. Et ton odeur… »
Il s’arrêta net.
Pencha la tête.
Kiran recula.
Mais pas assez.
Ryen posa une main contre le mur, juste à côté de sa tête.
Son souffle se mêla au sien.
« Y’a un truc chez toi. Quelque chose qui appelle. Qui ment et qui tremble en même temps. »
Kiran ne répondit pas. Il était au bord. Sa peau le trahissait. Sa température. Son cœur.
Et soudain, la voix de Ryen changea.
Plus grave.
Plus rauque.
« Dis-moi ce que tu es. »
Kiran le regarda. Droit dans les yeux.
Et mentit.
« Je suis dangereux. Et tu ferais mieux de ne pas t’approcher. »
Un silence.
Puis Ryen sourit.
Mais ce n’était pas un sourire rassurant.
C’était un avertissement.
« Tu penses que je ne vais pas te dévorer ? C’est mignon. »
Il tourna les talons, ouvrit la porte… et s’arrêta sur le seuil.
Sans se retourner, il dit simplement :
« La prochaine fois que je te sens comme ça, je t’enferme.
Et je découvre tout.
Avec ou sans ton accord. »
Et il disparut.
—
Kiran s’effondra contre le mur. Tremblant.
Pas de peur.
Pas de froid.
Mais parce qu’au fond de lui… il avait envie qu’il revienne.
Et c’était ça, le vrai danger.
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