Chapitre 4 - Le murmure sous la peau

Kiran resta immobile longtemps. Le sang sur ses bras n’était pas le sien.

Mais il le sentait. Il le sentait quand même.

La mission avait réveillé quelque chose en lui. Une vieille bête qu’il gardait enterrée.

La rage ? Peut-être.

L’instinct ? Sûrement.

L’omega ? …Probablement.

Ryen ne parlait pas. Il marchait à ses côtés, en silence, comme s’il évaluait le moindre de ses gestes. Chaque respiration. Chaque tension dans les épaules.

« Ils avaient des omégas là-dedans. »

Kiran brisa le silence, la voix rauque.

Ryen hocha lentement la tête.

« Plus maintenant. »

Kiran s’arrêta net. « T’as envoyé un oméga là-bas. Tu sais ce que c’est, non ? Le danger ? Ce que j’aurais pu devenir si j’étais l’un d’eux ? »

Ryen le fixa. Longuement.

Puis il répondit, à mi-voix :

« J’ai envoyé un loup. Pas un statut. »

Un frisson parcourut la nuque de Kiran.

—

Ils revinrent au repaire au coucher du soleil.

Kiran se déshabilla lentement, dans la salle d’eau commune, le corps brûlant, les muscles en feu. Il avait mal. Pas des coups. Non.

Une douleur plus profonde. Instinctive.

Il plongea dans l’eau glacée de la cuve, essayant d’éteindre l’appel dans ses veines.

Mais ce soir-là, l’eau n’éteignit rien.

—

Il sortait à peine, encore ruisselant, quand il le vit.

Ryen. Appuyé contre le mur, les bras croisés.

Pas un mot. Pas un son. Juste… cette présence. Ce regard qui creusait.

Kiran serra la serviette autour de sa taille.

« Tu comptes toujours apparaître quand je suis à moitié nu ? »

Ryen s’approcha. Lentement. Un prédateur en silence.

« Tu dégages quelque chose. Depuis la mission. »

Kiran ne bougea pas. Mais son cœur s’emballa.

« C’est de l’adrénaline. »

Ryen plissa les yeux. Avança encore.

À quelques centimètres de lui, il souffla :

« Non. C’est autre chose. C’est… plus profond. »

Kiran le fixa, tendu comme une corde prête à se rompre.

Ne me flair pas. Ne m’approche pas.

Mais Ryen se pencha. Juste là, contre sa nuque.

Et inspira.

Un battement.

Deux.

Puis il recula.

Il n’avait rien senti. Grâce au rituel. Grâce au blocage.

Mais ses yeux… Ses yeux restaient fixés sur lui.

« Tu me caches quelque chose. »

Kiran répondit sans ciller :

« Tout le monde cache quelque chose. »

Un long silence.

Puis Ryen sourit. Un vrai sourire, étrange, presque… dangereux.

« Très bien. Garde tes secrets. Mais sache une chose, Kiran : je sens quand quelqu’un ment. Et je sens que t’as peur de ce que je pourrais découvrir. »

Kiran ouvrit la bouche, mais aucun mot ne vint.

Alors Ryen ajouta, plus bas :

« Et ça… me plaît. »

Il tourna les talons et disparut, laissant Kiran seul, frissonnant. Non pas de froid. Mais de vertige.

Car il savait une chose :

Ryen était en train de le déchiffrer.

Et il ne tiendrait pas éternellement.

Dans la soirée tout était calme.

Trop calme.

Le QG de la meute, d’ordinaire bourdonnant de vie et de tension, semblait engourdi. Les loups circulaient en silence, les regards plus nerveux que d’habitude.

Quelque chose flottait dans l’air.

Quelque chose que Kiran sentait, lui aussi.

Pas un bruit anormal. Pas un mouvement étrange.

Mais l’air.

L’air avait changé.

—

Il était dans sa chambre, torse nu, allongé sur le lit, le regard fixé au plafond. Son cœur battait trop fort. Sa peau le brûlait. Chaque bruit dehors le faisait sursauter.

Il se leva d’un bond, les mains tremblantes.

Le rituel de blocage faiblissait.

Il le savait. Il avait repoussé la dernière infusion trop longtemps. Trop risqué sous l’œil de Ryen.

Mais maintenant… c’était son propre corps qui devenait l’ennemi.

Il tituba jusqu’à la salle de bain, ouvrit l’armoire cachée derrière le miroir. Là, dans un petit flacon noir, la décoction amère.

Il l’ouvrit.

Et s’arrêta.

Une odeur.

De la fumée.

Et du sang.

Il lâcha le flacon.

—

Un hurlement fendit l’air.

Pas un cri d’entraînement.

Un vrai.

Un appel au combat.

Kiran bondit hors de sa chambre, sans réfléchir, les sens en alerte. Le couloir était déjà envahi par des membres de la meute qui couraient vers la sortie.

« Qu’est-ce qui se passe ? » lança-t-il à un bêta en panique.

« Attaque. Des rogues. Ils ont réussi à entrer. Par le nord. On comprend pas. »

Kiran sentit un frisson lui glacer l’échine.

Ils avaient été trahis. Ou observés.

—

Le combat fit rage dès la première seconde où il sortit.

Des silhouettes rapides, hurlantes, des yeux fous.

Des loups sans meute. Sans foi.

Des chiens de guerre.

Kiran ne réfléchit pas. Il bondit dans la mêlée.

Ses gestes étaient rapides. Précis.

Mais cette fois… il laissa parler son instinct.

Il grogna. Il mordit. Il frappa avec une rage qu’il n’avait jamais libérée.

Un des assaillants l’attrapa au cou, et là… son odeur faillit glisser.

Son secret faillit exploser.

Mais il bloqua. Encore. De justesse.

Et c’est là que Ryen apparut.

Un hurlement. Un vrai.

Un appel alpha qui glaça tous les ennemis.

Et fit vibrer le cœur de Kiran.

Ryen le rejoignit en pleine mêlée, couvert de sang, les crocs à demi-sortis.

Leur regard se croisa.

Un instant.

Juste un instant.

Et le temps se figea.

Puis la rage reprit. Ensemble, ils nettoyèrent le reste du terrain.

—

Quand tout fut terminé, les corps des rogues gisaient dans la boue.

Kiran haletait, à genoux, le regard noir, les mains tremblantes.

Ryen s’approcha.

« Tu t’es bien battu. »

Kiran répondit, à mi-voix :

« Ils savaient où frapper. »

Ryen hocha lentement la tête.

« Oui. Quelqu’un les a renseignés. »

Puis, à voix plus basse encore, il ajouta :

« Et ils t’ont ciblé, toi, en premier. »

Kiran releva les yeux.

Et dans le regard de Ryen, il lut quelque chose de nouveau.

Du doute.

Ou pire… du soupçon.

—

La nuit retomba, lourde.

Et dans l’ombre, un espion fuyait déjà la forêt.

Son message en main.

"L’omega est à l’intérieur. Mais pas encore découvert.

Le chef… s’attache à lui."

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