Il aurait dû le faire tuer.
Un claquement de mâchoires, un ordre bref, et sa meute aurait déchiqueté ce loup trop audacieux.
Mais Ryen n’en fit rien.
Il s’était contenté de le regarder. Longtemps.
Comme on observe une bête qu’on n’arrive pas à cerner.
Et maintenant, Kiran marchait derrière lui, escorté par deux chiens massifs, jusqu’au cœur de leur territoire. Un territoire qu’il avait rêvé de brûler. Chaque arbre. Chaque pierre. Chaque souvenir.
Mais ce soir, il y entrait vivant.
Et c’était déjà une victoire.
Le domaine de la meute de Ryen n’avait rien d’un simple repaire.
C’était une forteresse.
Des murs anciens recouverts de glyphes, une architecture mi-terrestre, mi-magique. Le pouvoir imprégnait chaque pierre. Et l’odeur — celle des alphas, du sang, du métal — saturait l’air. Suffocante. Dominante.
Kiran l’ignorait. Il gardait les épaules hautes, le pas assuré, son masque bien en place.
Il savait qu’on le sentait, qu’on l’analysait.
Mais personne ne réagissait.
Son parfum avait été altéré, modifié depuis l’enfance. Aucun flair ne pouvait le trahir.
Il passait pour un alpha. Pire : pour un intrus alpha, ce qui éveillait plus de méfiance que de mépris.
Ryen l’attendait au centre du grand hall, assis sur une marche, les coudes sur les genoux, les yeux rivés sur lui.
« Tu marches comme un roi, » dit-il. « Pourtant, personne ici ne t’a invité. »
Kiran haussa à peine un sourcil. Il s’approcha lentement, laissant ses bottes résonner sur la pierre.
« Et toi, tu parles comme si tu étais le seul à régner. »
Ryen sourit. Un vrai. Un dangereux.
« T’es pas très bon pour rester à ta place, hein ? »
Kiran s’arrêta à deux mètres. Assez près pour provoquer. Assez loin pour éviter un coup.
« Je ne crois pas au destin des places assignées. »
Un silence. Dense.
Puis Ryen se leva.
Grand. Large. Féroce.
Il s’approcha, lentement, jusqu’à ce que leurs souffles se frôlent.
« J’sais pas ce que tu fous ici. Ni pourquoi t’as pas encore baissé les yeux. Mais si tu veux jouer au plus fort… »
Ses doigts frôlèrent la gorge de Kiran, juste là, à l’endroit où un omega aurait tremblé.
« …alors joue bien. Parce que je dévore ceux qui bluffent. »
Kiran sourit. Glacial. Et dangereux.
Il bluffait.
Mais il n’avait pas l’intention de perdre.
Ryen resta là. Trop près. Trop longtemps.
Kiran sentait son souffle contre sa peau, chaud, bestial, presque irritant. Ce genre de présence qui broie sans parler. Une simple pression dans l’air, une volonté plus forte que l’instinct.
Mais Kiran ne broncha pas.
Ryen pencha la tête, le fixant intensément.
« Tu sens rien. »
Kiran leva les yeux, étonné.
« Comment ça ? »
Ryen plissa les paupières. « Ton odeur. Elle est... propre. Lisse. Contrôlée. Y a rien d’animal dedans. Comme si t’avais effacé ce que t’étais. »
Un battement de silence.
Kiran répondit sans ciller : « Peut-être que ce que je suis n’a pas besoin d’être senti. »
Ryen rit doucement. Ce genre de rire qui cache une envie de mordre.
Il pivota et s’éloigna, marchant lentement vers un escalier de pierre.
« Suis-moi. »
Kiran hésita. Un piège ? Une mise à l’épreuve ?
Qu’importe. Il avait déjà mis un pied dans la gueule du loup.
Il le suivit.
La chambre n’avait rien d’un cachot. Ni même d’une cellule.
Spacieuse. Mur en pierre brute. Tapis de fourrure au sol. Une table. Un lit immense. Trop immense pour un loup seul.
Ryen s’arrêta au seuil et le regarda avec un demi-sourire.
« Ce sera ta tanière. Jusqu’à ce que je décide quoi faire de toi. »
Kiran croisa les bras. « T’es pas obligé de faire le dominant chaque minute. »
« Oh, je le suis pas. » Ryen s’approcha à nouveau. « Je suis juste moi. Et toi, t’as l’air de bien aimer ça. »
Kiran ne répondit pas. Mais ses yeux lancèrent un éclat tranchant.
Alors Ryen, comme pour conclure, murmura à son oreille :
« Dors bien, faux roi. »
Puis il disparut dans le couloir, laissant la porte ouverte derrière lui.
Mais Kiran le savait : les couloirs seraient surveillés. Et sa chambre… probablement piégée.
Il s’approcha de la fenêtre, jeta un œil à la lune haute dans le ciel. Sa gorge le serrait. L’air était chargé d’odeurs puissantes. Dominantes. Et son propre corps luttait pour garder le contrôle.
Il posa une main sur sa nuque.
Là où la glande oméga palpitait faiblement, dissimulée sous des années d’injections, de rituels, de douleur.
Un jour, ce secret exploserait.
Mais ce jour n’était pas encore venu.
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