L’inimaginable

Le bureau du proviseur était tendu.

Rik s’y tenait, droit, la main encore bandée d’une serviette mouillée, le regard noir.

En face de lui, le proviseur, agacé, la voix sèche.

— « Tu vas me dire ce qu’il s’est passé, Rik ? Tu t’es jeté sur Demba, tu l’as frappé comme un fou devant les élèves, comme si tu voulais le tuer ! »

Silence.

Rik baissait les yeux, les lèvres serrées.

— « Réponds-moi ! Si tu ne parles pas, tu sais ce que ça veut dire ? Tu peux être expulsé ! »

Un long silence.

Puis Rik leva doucement les yeux. Sa voix était grave, vibrante.

— « C’était pour ma sœur. »

Le proviseur fronça les sourcils.

— « Ta sœur ? Jada ? Quel rapport ? »

Rik se leva lentement. Son regard devint plus sombre. Sa respiration, plus lourde.

Il regarda le proviseur droit dans les yeux, les lèvres tremblantes.

Et il lâcha, d’une voix cassée :

— « Lui et son groupe… ils ont fait ça… à ma sœur. »

Un battement.

— « Ça quoi ? Explique, Rik. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? »

Rik inspira. Un tremblement secoua ses doigts.

Et il dit, d’une voix basse mais violente, les yeux humides :

— « Ça fait quoi… de savoir que ta propre sœur a été violée… collectivement ? »

Le proviseur recula légèrement dans son siège.

Un silence lourd tomba dans la pièce.

Plus de menace, plus d’autorité.

Juste une vérité.

Crue.

Sale.

Inacceptable.

Rik tourna les talons et s’assit à nouveau.

Il regardait dans le vide.

Le proviseur, lui, resta muet.

Secoué.

Un silence glacial s’était abattu dans le bureau.

Le proviseur restait immobile… puis soudain, il se leva.

— "Rik… tu… tu es sérieux là ?"

Sa voix tremblait. Pas de colère. Pas encore.

Plutôt de l’incrédulité. Du doute.

Un malaise profond.

Il se mit à marcher lentement dans son bureau.

Un pas. Deux. Il tourna sur lui-même. Passa la main sur son front. Refit un tour. Encore.

— "Non… non, non, non… Ce que tu dis là… c’est grave. C’est pas juste une bagarre d’élèves, tu te rends compte ?"

Rik, toujours assis, ne bougeait pas.

— "J’aurais jamais inventé ça." dit-il simplement, le regard fixé sur le vide.

Le proviseur s’arrêta net. Se retourna lentement vers lui.

— "Tu accuses trois élèves de… de ça… Et tu restes là ? Comme si tu parlais de notes ?!"

— "Parce que je me retiens de tout casser depuis hier soir." répondit Rik, la voix basse.

Le proviseur reprit sa marche, cette fois plus nerveuse.

— "Tu sais que je dois prévenir la direction académique ? La police ? Les familles ? Faire un signalement, une enquête officielle ? Ça va très loin, Rik. Très, très loin."

— "Allez-y."

Silence.

Le proviseur s’arrêta de nouveau. Le regarda fixement.

— "Et ta sœur ? Elle a parlé ? Elle a dit quelque chose ?"

— "Pas encore. Elle est traumatisée. Elle pleure sans arrêt. Elle n’a même pas dormi."

Un souffle court sortit de la bouche du proviseur.

Il s’approcha de son téléphone de bureau, mais hésita.

Sa main tremblait.

— "Tu es en train de me dire… que sous ma surveillance… dans cette école… une élève a été…"

Il n’acheva pas la phrase.

Il n’y arrivait pas.

— "Je vais convoquer immédiatement les parents. Tous."

Il reprit sa respiration.

— "Tu peux rentrer chez toi, Rik. Mais attends-toi à ce que les autorités te contactent très vite. Je vais aussi appeler ta mère. On ne peut plus faire semblant de rien."

Rik se leva lentement.

— "Dites-lui doucement."

Et il sortit.

Sans un mot de plus.

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