Chapitre 2 : Électricité statique

La salle 104. C’était toujours la même odeur : un mélange de papier usé, de marqueur sec et de poussière. Lina s’installa à sa place habituelle, près de la fenêtre. La lumière du matin filtrait à travers les stores cassés, dessinant des rayures sur son bureau.

— Alors, t’as survécu au choc thermique ? lança Yasmine en s’installant à côté d’elle.

— T’as vu comment il m’a regardée ? Il est chelou. J’ai pas besoin de ce genre d’énergie dans ma vie.

— Ah, donc t’as vu qu’il t’a regardée.

Lina soupira, mais un sourire en coin trahit son agacement.

La porte s’ouvrit brusquement. Une bourrasque imaginaire sembla traverser la pièce en même temps qu’Elias Vianney. Il entra sans un mot, les yeux noirs comme l’orage. Ses bottes claquaient doucement sur le sol. Le prof leva à peine les yeux.

— Tu dois être Elias. Installe-toi là-bas, au fond. À côté de Lina.

Le monde arrêta de tourner pendant deux secondes.

Lina sentit son cœur faire un bond. Sérieusement ? Lui, à côté d’elle ? Elle échangea un regard avec Yasmine qui étouffa un rire.

Elias avança lentement, traînant légèrement son sac. Il s’assit, posa son casque au sol, puis tourna les yeux vers Lina.

Elle le fixa brièvement. Une seconde. Pas plus. Mais cette seconde suffit à créer une tension étrange, presque électrique, comme une étincelle dans l’air.

— Tu veux une photo peut-être ? dit-elle, sèche.

— J’préfère dessiner, répondit-il, sans détourner le regard.

Elle fronça les sourcils. Il était sérieux. Trop calme. Trop sûr de lui. Et c’est ça qui l’agaçait.

Le cours commença, mais l’esprit de Lina était ailleurs. Elle sentait la présence d’Elias comme une chaleur invisible à sa droite. Il ne prenait pas de notes. Il ne regardait pas vraiment le prof. Il dessinait.

Elle jeta un coup d’œil sur sa feuille. Son trait était précis, vif. Et ce qu’elle vit la désarma complètement.

Il dessinait son visage.

Pas une caricature. Un vrai croquis. Fin, expressif, presque… intime.

— T’es un genre d’espion ou quoi ? murmura-t-elle.

— J’observe. T’as une énergie intéressante.

Elle éclata d’un rire sec.

— Je suis pas un sujet d’étude.

Il tourna légèrement la tête vers elle, son regard ancré dans le sien.

— Non. Mais t’es pas comme les autres. Et j’ai besoin de comprendre pourquoi.

Lina eut un frisson. Pas de peur. Un frisson nerveux, comme juste avant un orage.

La cloche sonna. Tout le monde se leva. Elias rangea calmement son carnet et son crayon.

— On se recroisera, dit-il, presque en chuchotant.

Puis il sortit. Tranquille. Comme s’il n’avait rien dit d’important.

Yasmine apparut à côté de Lina, les yeux brillants.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Il t’a regardée comme s’il t’avait scannée avec des rayons X.

— Il m’a dit que j’étais différente.

— Et… il a pas tort.

Lina baissa les yeux vers la feuille vide devant elle. Elle ne voulait pas l’admettre. Mais elle le sentait.

Quelque chose avait changé.

Et ce n’était que le début.

À suivre

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