Amour sans les chaînes

Pendant des siècles, les potions d'amour avaient été vues comme une curiosité inoffensive, un jeu de séduction magique, une blague que l'on faisait entre amis ou un outil désespéré pour ceux que Cupidon ignorait. De Poudlard aux salons de l'aristocratie sorcière, leur usage s'était répandu, banalisé, même valorisé dans certaines cultures magiques. Après tout, ce n'était qu'un peu de magie sentimentale, n'est-ce pas ?

Kayla Moon ne voyait pas les choses ainsi.

Née-moldue, élevée à Manchester dans une famille où les mots « consentement », « liberté » et « respect » étaient des piliers éducatifs, elle avait été choquée, écœurée même, lorsqu'en sixième année à Poudlard, elle avait assisté à son premier cours sur l'Amortentia, la plus puissante des potions d'amour.

Le professeur Slughorn, toujours jovial et enthousiaste, avait agité la fiole devant eux comme s'il tenait un trésor.

— Une simple gorgée, et votre cœur appartient à celui qui vous la donne. Fascinant, non ?

Les élèves s'étaient penchés, curieux, et certains riaient en reconnaissant les effluves qui les attiraient : le cuir des balais pour James Finnegan, les fraises des bois pour Rose Zabini, la lavande et les livres anciens pour Kayla.

Mais à peine avait-elle senti cette dernière fragrance que quelque chose en elle s'était brisé.

Ce n'était pas romantique. C'était une alarme.

Un piège.

Elle s'était reculée, livide, tandis que Marcus Rowle, un Serpentard à l'air satisfait, chuchotait à son camarade:

— T'imagines, on glisse une goutte à une meuf dans son jus de citrouille, et elle est à toi pour une semaine. C'est presque trop facile.

Ce soir-là, Kayla était montée se coucher sans manger.

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Elle n'était pas la seule. Julian Tremblay, Gryffondor né-moldu d'origine canadienne, avait eu la même sensation de malaise. Isha Patel, Serdaigle brillante et engagée, avait senti la colère l'envahir en entendant les rires autour d'elle, comme si tout cela n'était qu'un jeu inoffensif.

Ils en avaient parlé, longtemps. Et ils avaient décidé qu'il fallait faire quelque chose.

— Ils ne se rendent pas compte, dit Kayla. Parce qu'ils sont nés là-dedans. Ils pensent que c'est juste... de la magie. Pas une agression.

— Dans le monde moldu, ce serait illégal. Une vraie drogue du viol, ajouta Isha. On doit faire le lien. Leur faire comprendre ce que c'est vraiment.

Julian hocha la tête, déterminé.

— On va leur ouvrir les yeux. Même s'il faut retourner tout le château.

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Leur première action fut une série de tracts, rédigés avec soin et magie, distribués discrètement dans les dortoirs, la bibliothèque, les couloirs. Ils citaient des extraits de lois moldues, parlaient de consentement, de respect de l'autonomie. Chaque parchemin était signé:

« L'Amour n'est pas un sort. Le Consentement est sacré. »

Les réactions furent mitigées.

Certains élèves les traitèrent de rabat-joie, d'autres s'interrogèrent sérieusement. Une fille de Poufsouffle, Laura Bones, pleura en silence après avoir lu un des tracts, avant de confier à Kayla qu'on lui avait déjà donné une potion sans qu'elle le sache.

— Je croyais que c'était ma faute, murmura-t-elle. Merci de m'avoir donné les mots.

Petit à petit, leur mouvement grandit.

Ils créèrent un groupe de discussion dans la salle sur demande, qu'ils nommèrent "Vérité & Volonté". D'autres élèves les rejoignirent, dont des sang-purs choqués par leurs propres souvenirs.

— Mon oncle m'avait offert un philtre pour le bal de Noël, avoua Alaric Nott. Il disait que ça m'aiderait à "convaincre une cavalière". J'ai cru que c'était normal. C'est dingue.

En parallèle, ils firent appel à Hermione Granger-Weasley, alors sous-secrétaire au Département de la justice magique, et militante acharnée pour les droits des créatures et des personnes marginalisées. Hermione se montra réceptive, bouleversée même.

— Vous avez raison, leur écrivit-elle. J'aurais dû m'attaquer à ça plus tôt. Je vais vous aider. Nous allons faire évoluer la loi.

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Pendant les mois qui suivirent, les trois fondateurs de "Vérité & Volonté" témoignèrent devant le Conseil scolaire de Poudlard, le Magenmagot, et la Commission d'éthique magique. Ils confrontèrent leurs professeurs, écrivirent dans la Gazette du Sorcier, débattirent publiquement à Pré-au-Lard.

Leur combat était difficile.

De nombreux sorciers voyaient encore les potions d'amour comme des farces ou des traditions. D'autres refusaient de croire qu'elles pouvaient être dangereuses. Certains les accusaient d'exagérer.

Mais à chaque témoignage, chaque histoire réelle, chaque victime qui osait parler, leur cause gagnait du terrain.

Un jour, une élève de Beauxbâtons fit la une des journaux : elle avait porté plainte après avoir été droguée avec une Amortentia lors d'un stage au Ministère. Elle avait perdu toute mémoire de la semaine. L'auteur, un haut fonctionnaire, fut arrêté.

Ce scandale fit exploser l'opinion publique.

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Hermione Granger saisit l'opportunité. Elle proposa un amendement au Code de Magie Sorcière, le Décret 419-B, interdisant la fabrication, la possession, l'achat, la vente et surtout l'usage de potions affectant le libre arbitre affectif ou sexuel d'un individu.

Les débats au Magenmagot furent houleux.

Les traditionalistes crièrent au puritanisme. Les conservateurs de Serpentard accusèrent les nés-moldus de vouloir détruire la magie ancienne. Certains marchands de l'Allée des Embrumes brandirent la menace de la ruine.

Mais Hermione tint bon.

Elle appela Kayla, Julian, et Isha à témoigner. Devant toute l'assemblée, les trois adolescents parlèrent sans trembler.

Kayla conclut ainsi:

— L'amour ne se commande pas. Si vous devez l'enfermer dans une fiole, alors ce n'est pas de l'amour. C'est de la prise d'otage émotionnelle. Et nous, la nouvelle génération, nous refusons de vivre dans un monde où l'on trouve ça normal.

Le silence dans la salle fut total.

...****************...

Le décret passa. D'une mince majorité, mais il passa.

À partir du 3 mars 2013, toute potion visant à manipuler les sentiments ou les désirs d'une personne fut classée comme magie noire d'agression. Les fabricants illégaux furent poursuivis. Des boutiques furent fermées. À Poudlard, le chapitre sur l'Amortentia fut retiré du programme et remplacé par un module sur l'éthique en magie émotionnelle.

Slughorn, touché et honteux, fit une déclaration publique:

— J'ai enseigné sans réfléchir. J'aurais dû comprendre plus tôt. Je vous remercie, mes élèves, de m'avoir ouvert les yeux.

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Des années plus tard, Kayla Moon, devenue avocate en droit magique, revint à Poudlard pour une conférence. Une plaque avait été installée près du lac, sous un grand chêne.

À ceux qui ont osé dire non.

À ceux qu'on n'a pas crus.

À ceux qui ont choisi de lutter.

L'Amour est libre, ou ce n'est pas l'Amour.

Elle y retrouva Julian et Isha, devenus respectivement journaliste et chercheuse en potions éthiques. Ensemble, ils observèrent les nouveaux élèves traverser le parc en riant.

— Tu te rends compte ? dit Isha. Ils vivront dans un monde où les potions d'amour sont illégales. Ce sera juste... normal.

— On leur a ouvert une voie, répondit Julian. C'est tout ce qu'on voulait.

Kayla sourit, le cœur paisible.

— Et ça ne fait que commencer.

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